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Live report du 16/01/2015 - Rock The Night-La Puce A L’Oreille, Riom
"My name is Derek, and I’m a Fish!" C’est ainsi que le poète des Highlands concluait la partie principale du concert de ce lundi 26 janvier 2015 à Riom.
Pas facile de gagner le pari pour les organisateurs. Le concert, initialement prévu en novembre dernier, avait dû être annulé en raison de problèmes de santé du Poisson. Du coup, après avoir bataillé et grâce à la compréhension de notre géant écossais, c’est finalement l’ouverture de la tournée qui avait lieu ce soir-là en Auvergne.
Peu avant l’heure prévue pour permettre à tout le monde d’arriver (pas de première partie), c’est le soulagement qui s’affichait dans les regards des membres du staff : salle pleine, croisement des générations, vidéo de The Wall pour patienter et bar bien achalandé, la soirée s’annonçait plus que belle. Présentation des soirées Rock The Night / La Puce A l’Oreille sur écran géant (de beaux concerts à venir parmi lesquels on notera la présentation du nouvel album de Lady Fuel, les furieux de Sidilarsen, et les Ange éternels poursuivant leur Emile Jacotey Resurrection Tour ; des groupes français, Mesdames, Messieurs !). "Rock the Night" des Suédois d’Europe (hymne des soirées de l’organisation locale) vient jeter un léger trouble parmi l’assistance, jusqu’à ce que les lumières s’éteignent et que, après un gag bon-enfant entre les techniciens de scène et ceux de la console, les musiciens s’avancent et commencent à jouer avant l’arrivée de Fish.

Fish à Riom

Ce n’est pas évident de raconter un concert de Fish, surtout pour un chroniqueur qui, si étrange que cela paraisse, voyait l’animal pour la première fois sur scène ! Autant vous dire que les souvenirs s’embrouillent, tellement Fish est magnétique. D’entrée, dernière son apparence simple et des lunettes qu’il quittera finalement au bout de quelques morceaux, il transcende la scène et capte l’attention. Les musiciens sont tranquilles derrière, ils n’ont qu’à jouer.
Fish présente essentiellement son dernier album, A Feast of Consequences, ce qui est plutôt agréable tellement l’album est bon, mais qui est également appréciable au regard de tous ces musiciens établis qui préfèrent jouer leurs standards… D’ailleurs, il se contentera de piocher dans deux autres de ses albums solos, 13th Floor et Vigil in A Wilderness of Mirrors, avec des choix très judicieux.


Fish à Riom

Car, c’est là que, au-delà du charisme et du métier du monsieur, on sent la préparation et la volonté d’offrir un spectacle simple sans trop d’effets (un peu de vidéo à l’arrière sur certains morceaux) mais qui se tient, avec ses montées, ses descentes, ses virages parfois un peu sur la jante. Bien entendu, Derek a perdu un peu de voix, mais le timbre, la technique et le phrasé sont là. Le groupe qui le soutient n’est pas composé de seconds couteaux : Steve Vantsis, le bassiste est depuis un bon moment avec Fish, aussi comme co-compositeur et arrangeur ; Robin Boult, aux nombreuses guitares, est également un ancien compagnon de route dont l’importance s’est remarquée tout au long du concert – qui plus est, c’est un ami d’enfance de Pete Trewavas, ce qui fait un lien avec Marillion, auquel il a apporté son concours dans le projet Edison’s Children ; John Beck, aux claviers, ex-It Bites, a aussi joué avec Trewavas dans Kino et vient d’être débauché par Fish ; enfin, last but not least, le batteur Gavin Griffiths, ex-Mostly Autumn et ex-Panic Room, apporte une assise rythmique qu’il agrémentera de belles fioritures au fur et à mesure du concert. Mis à part Beck, ce sont les musiciens de A Feast of Consequences, et cela se sent nettement dans l’interprétation des morceaux de cet album. D’ailleurs, à part deux trois imperfections aux claviers, à la basse fretless et aux chœurs, rien à redire, Fish a un groupe qui lui permet de s’exprimer au mieux.

Fish à Riom

Et pour s’exprimer, Fish s’en est donné à cœur joie, s’excusant pour la pauvreté de son français, faisant monter une spectatrice sur scène afin de traduire la longue mais nécessaire explication de texte des morceaux allant de "High Wood" à "The Leaving" – je pense que la demoiselle s’en souviendra –, venant dans la foule pour interpréter "Vigil" (lui permettant de pousser un vibrant "In the Crowd"), faisant battre la mesure, agiter les bras, tentant même de nous faire danser…
Et puis, il faut bien parler des morceaux de Marillion interprétés ce soir-là, quitte à raviver une forme progressiste de la querelle des Anciens et des Modernes. Nombreux semblaient être ceux qui les attendaient, je me souviens d’une fille criant "Chelsea Monday" juste derrière moi… Eh bien, là encore, Fish a choisi la surprise et la cohérence : d’abord avec "Slàinte Mhath" dont le propos s’intègre parfaitement après la suite tirée de A Feast of Consequences ; ensuite avec "Heart of Lothian" – "and the man in the mirror had sad eyes" – qui boucle un tryptique après "Vigil" et un "Big Wedge" puissant et même hargneux ; enfin, que dire de ce "Incubus", et son côté ironico-sarcastique – "the mote in your eye, a misplaced reaction, satisfaction" – en guise de premier rappel ?
La suite des rappels, justement, ne dérogera pas à ce côté sombre, introspectif et interrogatif de l’homme des Highlands. "Blind to the Beautiful" et son si beau texte, placé ici de façon surprenante, mais dans une ambiance douloureusement enivrante – "Show me the beautiful / bring back the beautiful / show me the beautiful / I want to see the beautiful once more". Porté par un public subjugué, Fish, accompagné d’une bouteille de vin et de son groupe viendront encore pour un "The Company" de bon aloi – "Oh for the company, dream of the company / Drink to the company until we die"…

Fish à Riom

Voilà, plus de deux heures de show, la salle se vide lentement non sans que le précepte bacchusien ne soit scrupuleusement suivi… Passage rituel au stand où Tara (oui, la fille de Derek William Dick) ne s’exclame à la vue de mon tee-shirt Lazuli porté ce soir-là en forme de clin d’œil à "J’ai trouvé ta faille – Part II"… Salutations aux organisateurs, tout sourire, comblés eux aussi de voir des spectateurs si heureux, les yeux émerveillés et le cerveau encore un peu sonné.
Il m’aura fallu trente ans pour voir Fish sur scène. L’annonce récente de sa retraite en pointillés me fait penser que je ne le verrai probablement plus. Le long fleuve tortueux de l’existence aura voulu que je l’attrape dans mes filets (c’est du No Kill, on est sur les terres d’un certain Jérôme Pietri !), pas loin des salles où j’ai pu me mesurer jadis à certains de ses titres – "Garden Party", "Pseudo Silk Kimono/Kayleigh/Lavender", "Incommunicado"…
Vous aurez encore des occasions de voir cette tournée ainsi que des participations à des festivals. N’hésitez plus ! Fish est un grand monsieur, dans tous les sens du terme, un de ces artistes sincères, humbles, parfois naïfs qui n’ont que peu à voir avec les requins qui polluent les eaux musicales et culturelles… Derek, lui, est un extra-terrestre trop humain. Alors, comme aurait dit un certain Douglas Adams : Salut, et encore merci pour le poisson !

Set-list :
Perfume River – A Feast of Consequences
Feast of Consequences – A Feast of Consequences
Manchmal – 13th Floor
Arc of the Curve – 13th Floor
High Wood – A Feast of Consequences
Crucifix Corner – A Feast of Consequences
The Gathering – A Feast of Consequences
Thistle Alley – A Feast of Consequences
The Leaving – A Feast of Consequences
Slàinte Mhath – Marillion – Clutching at Straws
Vigil – Vigil in A Wilderness of Mirrors
Big Wedge – Vigil in A Wilderness of Mirrors
Heart of Lothian – Marillion – Misplaced Chilhood
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Incubus – Marillion – Fugazi
Blind to the Beautiful– A Feast of Consequences
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The Company – Vigil in A Wilderness of Mirrors

Remerciements pour les photos à Christophe Peyrat, membre du webzine Neoprog.

Rédigé par : Henri