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Live report du 15/07/2018 - Steven Wilson au Zelt Musik Festival
Fribourg, le 18 Juillet 2018

C'est avec grand plaisir que je retourne cette année au Zelt Musik Festival (ZMF) à Fribourg. J'avais déjà vu et écouté Steven Wilson en live en juillet 2016, et cette année Jean-Christophe est de la partie pour shooter la bande du britannique qu'il n'a pas vu depuis quelques années.

Après Patricia Kaas en 2017, c'est donc Steven Wilson qui a cette année l'honneur d'ouvrir cette trente-sixième édition du ZMF. Après une rapide déambulation sur le site - c'est le début du festival il n'y a pas encore beaucoup de monde, à part sûrement le pot d'inauguration du festival qui fait le plein sous la Hügelzelt - nous entrons à 19h20 dans la Zirkuszelt, le plus grand chapiteau du festival. Un grand rideau-filet-toile blanc est tendu devant la scène illuminée en bleu, je remarque l'impressionnant jeu de batterie qui attend de faire parler la poudre. Le parquet devant la scène est déjà occupé par les fans les plus assidus qui ont réservé leur place et attendent sagement assis. Certains lisent, d'autres discutent en rond autour d'une bière. Je laisse JC prendre ses photomarques et me poste aussi aux premières loges. C'est l'heure des ultimes tests de guitares sur scène.

Steven Wilson
Ambiance circassienne au ZMF

Les premières fumées font monter le suspense une petite dizaine de minutes avant l'entrée des artistes. Une voix grave nous annonce la projection d'un petit film ; en fait des photos associées à un mot défilent. Les cartes entre les photos et les mots sont ensuite redistribuées, les images défilent de plus en plus vite, alors que la musique d'ambiance bon enfant se transforme et nous plonge dans d'angoissants abysses. Première claque. En une minute toute la puissance et le pouvoir de manipulation des images est souligné, et nous rappelle que nous devons garder en toutes circonstances notre libre arbitre, nos facultés de jugement et nos valeurs. C'est du moins la conclusion et le ressenti que j'en tire. En tout cas l'artiste n'est pas encore sur scène que déjà il nous titille. Entrés sur scène en catimini pendant la projection, les musiciens commencent sans ambage avec 'Nowhere now'. Craig Blundell est aux fûts, Adam Holzman aux claviers, Nick Beggs à la basse, Alex Hutchings à la guitare, et bien sûr Steven au chant avec une guitare.
Encore une fois je vais évoquer les points les plus marquants de ce concert qui fait partie de la tournée mondiale To The Bone Tour 2018 du britannique, et que Jean-Noël a aussi vu en Février à Marseille.

Il y a en premier lieu la scène. Une grande scène qui permet de nombreux effets: il y a, nous l'avons déjà évoqué, cet énorme écran-filet tendu qui permet à la fois de projeter des images et des vidéos tout en voyant les artistes en arrière-plan. Il sera régulièrement déployé et rétracté en quelques secondes pendant le concert. Nous y voyons, entre autres, Nina Tayeb chanter sur Pariah. Il y a ensuite un écran géant en fond de scène qui, à l'instar de ce voile géant, diffuse des clips existants ou spécialement créés pour cette tournée. Les éclairages, du petit spot à l'énorme projecteur rotatif en fond de scène, permettent toutes les combinaisons possibles, de l'ambiance intimiste centrée sur les musiciens en contre-jour - comme ce solo en mode grand piano de Adam qui fait dresser les poils - à l'orgie lumineuse. Quand tout est utilisé au service de la musique lors des maelstroms musicaux de 'The Creator Has a Mastertape' ou 'Vermillioncore', c'est un déluge total de chorégraphies de lumières. On sait tout de suite que l'on assiste à l'un des points d'orgue du set.

Steven Wilson

Il y a ensuite le son. Un son réglé très sûrement pour le lieu et pour le public, et qui ne nécessite pas de bouchons. Pas besoin de s'appesantir sur le sujet, c'est une constante, le britannique sait s'entourer d'ingénieurs du son qui connaissent leur sujet. Une équipe capable aussi de changer à la volée et en quelques secondes une caisse claire sans déranger Craig le moins du monde pendant qu'il joue 'Ancestral' avec ses compères, et sans aucune interruption musicale. En un mot une équipe de professionnels.

Viennent ensuite les musiciens. Une troupe qui rappellera souvent son unité en s'amusant ensemble avec des mimiques, avec un code gestuel commun, se figeant dans des postures avec l'index sur ou sous le menton en mode mannequin challenge, ou jouant subitement couchés sur la scène (du moins pour les trois guitaristes).
Par qui commencer ?
Commençons par Craig (Pendragon, Frost*, It Bites, Kino…) dont c'est l'anniversaire ce soir-là. Craig soufflera les bougies du gâteau amené sur scène à la fin de 'Sleep together', et aura bien sûr aura droit à un 'Happy birthday' entonné par le public. Craig, qui s'éclate et se dépense sans compter, aura sûrement encore perdu quelques litres d'eau sous la Zirkuszelt bien chauffée par ce soleil estival. J'en suis encore à me demander comment il ne se mélange pas les baguettes entre toutes ces cymbales et peaux tendues. Quelle belle machine que le cerveau, capable d'enregistrer des dizaines de milliers d'informations, et de les restituer instantanément au bon moment, au bon endroit. Regarder un musicien jouer des heures sans partition est plus que vertigineux.

Steven Wilson
Craig Blundell

Mister Beggs (Lifesigns, The Mute Gods, Godspeed entre autres et …. Kajagoogoo pour les plus vieux d'entre vous !) n'en est pas moins intéressant à regarder. Très concentré, le britaNick natté et sapé comme un milord alterne entre basse et stick Chapman, ira même faire une petite incursion aux claviers sur 'Home Invasion'. On ne le voit pas de prime abord, mais sa contribution est aussi énorme. Que de notes et de rythmes défilent sous ses doigts ! L'observer est là aussi scotchant, surtout lorsque son pouce martèle sa basse en une rythmique hypnotique. Et sa voix hyper complémentaire soutient et rehausse dans les aigues celle de Steven.
Étant à gauche de la scène, j'ai moins observé Adam et Alex. Le premier me fera bien rire lorsque je le vois continuellement appuyer sur une seule touche pendant Permanating. Quand à Alex, fait assez rare pour être noté, il utilisera un archet de violon sur ses cordes de guitare pour accompagner 'Song of I'.

Steven Wilson
Nick Beggs

Steven annonce dès le début un concert assez court, dû apparemment à des contraintes organisationnelles. Légèrement pressé par la montre et mis continuellement au courant par son staff sur le timing, il s'attachera à délivrer un maximum de musique dans le temps imparti. On retrouve bien sûr tout au long du set l'humour pince sans rire du britannique. Il nous invite à faire partie intégrante du show, d'être libre nous exprimer, bref de nous lâcher, mais surtout de ne pas rester comme des "sacs de patates, comme les fans de Eric Clapton". Après tout nous avons des personnes "très sexy" sur scène ("Aren't we ?") pleines d'enthousiasme et qui souhaitent partager leur passion.

Steven Wilson
Adam Holzman

Il s'amusera ensuite à demander qui a moins de vingt-cinq ans dans le public, il en dénombrera trois, et leur présentera sa guitare électrique ("Look carefully, this is an electric guitar"), juste histoire de souligner que la guitare acoustique a maintenant beaucoup plus de succès dans le courant mainstream, et que si vous utilisez encore une guitare électrique aujourd'hui, c'est que vous êtes un loser. Il dira plus sérieusement deux mots sur la guitare qu'il tient alors à ce moment - "Even if you don't care" - , une Fender Telecaster 1963 dont la table déjà bien usée parle d'elle-même. Une guitare au son colérique et agressif, pour laquelle 'People who eat darkness' a été spécialement créé, et qui restera un très gros moment pour moi.
En dehors de cet humour, et un petit jeu avec l'audience sur le rythme de 'Ancestral', l'artiste sait aussi faire passer ses messages plus sérieux. C'est l'occasion de parler de disco et de Abba qu'il écoutait étant petit. Abba, "l'un des plus grands groupes de pop". "It was just magical for me, whatever the music", "I like long and sophisticated progressive songs, I like pop. I like both". On comprend vite que cette petite digression annonce ‘Permanating’, et que c'est l'occasion pour l'artiste, qui reconnaît à demi-mots être un "music snob", de faire passer un petit message à la frange de ses fans progheads purs et durs qui lui ont reproché, pour la faire court, de tomber dans la facilité.
Steven parlera aussi rapidement de religion (bel écho au mini-film du début), et de végétarisme, qu'il pratique. "It's not right to eat the wonders, the creatures of nature. Gift of life is unique". Des créatures que l'on retrouve sur écran lors de 'Song of Unborn', une superbe création onirique, une véritable ode à l'univers, à la nature et au miracle de la vie sur terre. Une bien belle conclusion de concert, duquel Steven repartira avec une bouteille de rosé estampillé ZMF, remise par Alex Heisler, le fondateur de ce festival.

Steven Wilson
Bon si vous ne le reconnaissez pas, je ne peux plus rien pour vous.

Ce concert d'ouverture, qui a duré deux heures - pas mal pour un concert annoncé comme court dès le début - n'a bizarrement pas fait le plein de public sous l'énorme Zirkuszelt. Est-ce que le prix du billet aurait dissuadé une partie de l'audience à se déplacer ?
Je dois avouer que je suis moins parti dans les étoiles cette année. Sûrement en partie dû à la setlist et à l'effet de découverte de l'artiste qui s'est dissipé. La setlist jouée en 2016 faisait la part belle à l’album Hand. Cannot. Erase., ce qui m’avait ravi. Cette-fois la moitié de la setlist a contenu une bonne louche de To The Bone - que je n’ai pas encore complètement assimilé -, l’autre louche contenant en proportions égales l’album HCE ainsi que quelques rappels à Porcupine Tree (In Absentia, Deadwing, Fear Of A Blank Planet). Steven Wilson continue de tracer sa route sans pour le moins renier son passé plus métal. Chaque concert est de toute façon différent. Il n'en reste pas moins que voir Steven Wilson en concert est une belle expérience. Une expérience visuelle, musicale et pleine d'émotions. Je le répète, si vous avez l'occasion de voir le touche-à-tout britannique, allez-y. Il a raison, la musique ce n'est que de la magie. Que ce soit du prog, du reggae, du classique, du ska, de la pop, du tribal, ce que vous voulez, ce n'est que du bonheur en barre.

Et puis si vous n'êtes pas loin de Fribourg, allez faire un tour au ZMF. La fête s'est déjà terminée le 5 Août dernier, pensez-y pour l'an prochain. Même si vous ne trouvez pas votre bonheur dans la liste éclectique de concerts proposés, il y a toujours des scènes gratuites. C'est aussi une belle occasion de passer une bonne soirée seul(e), en famille, entre amis autour d'une bonne assiette et d'un bon verre. Ce ne sont pas les choix qui manquent: il y a des restaurants, de la cuisine sur le pouce (allemand, indien, vegan, etc.), des bars à vin, à cocktails, à bière, des parasols, des buvettes, des transats, des bancs et des tables à profusion. On y est bien. Très bien.

Merci à l'organisation, à Hanna et à Isabel pour avoir répondu positivement à notre requête.

Le mini documentaire sur la tournée 'To The Bone':



Setlist:
Nowhere Now
Pariah
Home Invasion
Regret #9
The Creator Has a Mastertape (Porcupine Tree)
Refuge
People Who Eat Darkness
Ancestral
Permanating
Song of I
Lazarus (Porcupine Tree)
The Same Asylum as Before
Vermillioncore
Sleep Together (Porcupine Tree)

Rappels:
The Sound of Muzak (Porcupine Tree)
Song of Unborn

Rédigé par : Laurent