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Live report du 12/04/2019 - ArtRock Festival VII
L'édition numéro VII du ArtRock Festival (ARF) est désormais terminée. Seize groupes pour à peu près douze heures de musique live, cela tient vraiment du marathon musical pour les oreilles. Un marathon qui s'est tenu le temps d'un grand week-end glacial - la neige s'est invitée au festival -, du Vendredi 12 au Dimanche 14 Avril dernier à Reichenbach Im Vogtland, la ville de la fameuse Bergkeller s'il était encore besoin de le rappeler (Ndlr: la Bergkeller, un bar rock, est une toute petite salle intimiste, un lieu très actif qui accueille de nombreux artistes et concerts rock, notamment en progressif), à une trentaine de kilomètres de la frontière tchèque.

ArtRock Festival
Marius Leicht, le claviériste de Polis.

Pour ce compte-rendu j'abandonne encore une fois la version fleuve chronologique. Vous êtes peu nombreux à lire les live reports, et les journées n'ont que vingt-quatre heures. De nombreuses photos et commentaires sur ce week-end musical sont d'ores et déjà publiés sur le Net. Je m'attacherai donc à mes impressions, aux temps forts, aux déceptions, aux petites anecdotes, aux surprises.

ArtRock Festival VII lineup
Le programme de cet ARF VII.

L'organisation de ces trois jours est désormais rodée. Il semble que cette année les jeux de scène et de lumières aient été encore améliorés, et que le temps d'attente entre chaque groupe ait encore été raccourci, malgré le plateau tournant qui permet en trente secondes de passer d'une configuration de scène à une autre. Une belle performance. Le catwalk a aussi été reconduit pour la seconde année consécutive. Côté estomac, en plus du bar et de la nourriture salée et sucrée proposée dans le patio intérieur de la Neuberinhaus, un barbecue installé au pied des escaliers de l'entrée de la salle de spectacle a été ajouté dès le second jour. L'exposition de photos de concerts dans le patio - second lieu de vie de ces trois jours - est désormais devenue une tradition. Des clichés des photographes locaux Bodo Kubatzki et Andreas Tittmann, le premier ayant la majorité des photos exposées. Les 'entractes' entre chaque concert ont encore cette année été comblés notamment par les interventions musicales de Manuel Schmid (Stern-Combo Meissen), Marek Arnold (UPF, Toxic Smile, SSTTGD, Flaming Row, et encore bien d'autres) et Aaron Brooks.

ArtRock Festival
Aaron Brooks

Entrons directement dans le vif du sujet, à savoir les temps forts.
A l'applaudimètre, nul doute que Mystery, Sylvan et RPWL sont aux avant-postes.
Nous en avons déjà parlé, les compères de Mystery s'entendent comme larrons en foire sur scène et prennent indubitablement leur pied à être ensemble. Un plaisir toujours renouvelé et hautement communicatif. Tous les membres de la bande interagissent constamment entre eux, ça bouge dans tous les sens; bref il se passe toujours quelque chose sur scène. C'est simple, les canadiens ont cassé la baraque. Gros gros succès pour ce qui semblait être la dernière date de leur tournée. Tabernacle !
Sylvan, quant à eux, nettement plus statiques, ont un public et une fanbase déjà conquis d'avance. Une fanbase qui n'a pas manqué de distribuer des petits bâtons qui ont créé une forêt fluorescente dans le public, du plus bel effet. Même Marco, devant l'engouement et les applaudissements nourris de l'audience, a été surpris et en a conclu que Karat, groupe passé précédemment et qui a eu aussi un franc succès, leur avait bien chauffé la place. Un Sylvan qui fête ses vingt ans et qui a déroulé une set list piochée dans tous ses albums.

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Michel St-Père, Jean Pageau et Sylvain Moineau de Mystery (de gauche à droite)

RPWL remporte haut la main la palme du concert le plus homogène. Les allemands ont basé entièrement leur show sur leur dernier album Tales From Outer Space, dans une unité esthétique virant au sans faute. Des extraits sonores de X-Files, des coupures de journaux américains sur les extra-terrestres, ainsi qu'un extrait de faux journal sur des soucoupes volantes vues à Reichenbach ont donné le ton avant l'entrée en scène des artistes. La majorité des titres du dernier album a été exécutée, en lien avec un mur vidéo reflétant chaque titre: notre maison bleue vue de l'espace, des épisodes de la vie de l'astre solaire, des aliens rappelant Rosewell, etc. Les jeux de lumières n'étaient pas en reste, ne laissant la place qu'à une seule teinte en même temps sur la totalité de la scène. Yogi était même accompagné qu'un masque d'alien poulpe à la proue de son clavier. Ayant encore du temps à la fin de cet Alien Gig, le groupe se paiera le luxe d'exécuter trois titres supplémentaires, dont 'Hole in The Sky' ("First album, first title") et un excellent 'Roses' permettant à tout le monde de chanter à l'unisson. Un show pro et qui impressionne tant par la simplicité de ses membres que par, finalement, une certaine sobriété malgré les vidéos et les jeux de lumières bien léchés.

ArtRock Festival
Place au public sur le titre 'Roses' de RPWL

Venons en aux belles surprises. Pour moi, il y en a eu deux.
La première, qui n'en est finalement plus une, c'est Seven Steps To The Green Door (SSTTGD). J'avais déjà adoré il y a deux ans, j'ai encore trippé ce coup-ci. La scène qui se dévoile pour le set montre que le groupe a franchi une nouvelle étape dans sa "professionnalisation" (je ne sais pas si c'est le terme exact mais c'est l'idée). La scène, basée sur du vert pétant, reflète excellemment l'identité du groupe. Le jeu de batterie vert, ainsi que les deux supports bannières verticaux assortis font vraiment classe. Le groupe de Marek Arnold nous a gratifiés cette année de la présence de Daniel Masch (bassiste de Maschine) et de Anne aux chœurs. Ce concert a été un énorme pied. C'est funky, c'est groovy, c'est jazzy, ce n'est que du bonheur. Et comment résister à la voix sublime de la craquante Jana ? Daniel, qui semble être très timide et se cache constamment en fond de scène, effectuera un solo de basse assez ébouriffant sur l'invite de ses compères.
Alors vous savez quoi ? Tout ce condensé de fraîcheur, de talent et d'énergie aurait mérité un concert complet aux premières loges, en tête d'affiche, à la place de IQ ou Arena. Carrément. Et pour avoir écouté leur dernier album à la rédaction (/Pub - bientôt la chronique dans nos colonnes - Pub/), on peut vous assurer que c'est encore et toujours du bon, et qu'il n'y a franchement rien à jeter. Si vous avez l'occasion de les voir en live, allez-y crévindiou !

ArtRock Festival
Stephan Pankow (SSTTGD) et sa guitare hallucinée

La seconde surprise, c'est Cyril. Encore des allemands. Encore Marek Arnold aux claviers et au saxophone. Encore des jeunes. Enfin des plus jeunes que la moyenne du progueux classique, entendons-nous bien. Nous sommes là encore dans le même esprit que SSTTGD: de la fraîcheur, de l'énergie, du plaisir, du sourire à gogo. Il y a notamment Manuel Schmid au chant et aux claviers, ainsi que Larry B. chanteur de feu Toxic Smile. Il y a aussi leur chanteuse qui trépigne sur scène et que l'on sent impatiente de chanter. Des signes qui ne trompent pas. Là encore, avec sept personnes sur scène ça n'arrête pas de bouger, on ne sait plus où donner des yeux. Nul besoin de dire que les photographes ont du taf. Le set est sûrement tiré en grande partie de leur dernier album. Des titres courts, une musique pas compliquée qui lorgne du côté de la pop, et qui, couplée au plaisir ressenti sur scène, passe finalement très très bien. Nous aurons là aussi l'occasion de revenir sur leur dernier album The Way Through. En hommage à Uwe, le groupe jouera en guise de final 'Stay', un titre spécialement créé l'an dernier pour le festival.
Pour être honnête je crois que c'est surtout très sympa de voir aussi des femmes s'éclater sur scène. Dans le rock, en tout cas, je trouve qu'elles ne sont pas assez représentées.

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Il manque un membre du groupe Cyril sur la photo, où se cache-t-il ?

La déception vient de Silhouette, le second groupe du vendredi soir, que je me réjouissais de voir sur scène. J'avais voté pour eux lors du sondage organisé par l'organisation sur les participations éventuelles des groupes pour cette année. J'avais adoré leur album Beyond The Seventh Wave, tant pis pour moi ils n'en joueront qu'un seul titre sur une heure de concert. Quant à The World is Flat, je n'ai jamais vraiment accroché. Mais c'est surtout Brian de Graeve, le chanteur, qui veut en faire de trop. La toute première phrase a été pour leur merchandising, et il semble qu'il ne soit pas dans les notes jouées, ce à de nombreuses reprises. Il se fait sûrement plaisir - il restera d'ailleurs tout le week-end pour profiter du festival -, c'est finalement là l'essentiel, mais la sauce ne prend pas. N'est pas star qui veut, en tout cas pour moi un petit quelque chose d'indéfinissable ne passe manifestement pas. Ce n'est pas l'avis du petit groupe qui s'est déchaîné à l'avant droit de la scène, et que Brian a rejoint brièvement pour danser avec eux. Je pense aussi à Erik aux claviers, qui a sûrement la grande joie et la fierté de jouer avec son fils Bart, un rejeton encore timide qui finira enfin par se lâcher avec sa Strandberg à la fin du concert. Il est à noter que les hollandais auront d'ailleurs réussi à faire venir la neige à Reichenbach le lendemain en jouant 'When Snow’s Falling Down'.

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Erik et Bart Laan, le fils à la droite du père.

Citons le lyonnais Franck Carducci qui, au rayon des artistes français présents à ce festival, a ravi la place à Lazuli. L'artiste émaille toujours ses titres par un petit speech en anglais, et explique aussi que sa compagne de scène, Mary, malheureusement souffrante, n'a pu venir en Saxe. Cela ne l'a pas empêché de dérouler avec ses compères un show très rock et très vivant, alternant changements de tenues, combat à l'épée, grattage de double manche, léchage d'antenne de thérémine, torse-poil, fumigènes nerveux, didgeridoo pointé vers le ciel et autres surprises scéniques. Etait-ce les explications en anglais, ou autre chose, en tout cas il semble que le public a eu du mal à se dérider, jusqu'à ce moment charnière où tout le groupe est venu chanter sans aucune amplification sur le podium, après que Franck ait expliqué que la musique produite de nos jours est de moins en moins 'naturelle', de plus en plus transformée, et devient plus du spectacle que de la vraie musique. Un beau moment sur lequel le public a lâché ses applaudissements nourris. Franck Carducci, un artiste qui a manifestement le sens de la formule et du show. Mon petit doigt me dit qu'il reviendra l'an prochain…

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Franck Carducci

Que dire d'autre ?
Karat, quintette allemand en rouge et noir, semble avoir répondu au concert instrumental et aux claviers sautillants de Goblin au travers des mêmes couleurs de scène (il ne manquait plus que Jeanne Mas). Étant donné aussi leur succès, ce groupe qui a démarré à Berlin Est en 1975 semble être une véritable institution (merci Wikipedia). Des vieux briscards roots rodés à la scène - exit les jeux de lumière -, dont la musique a oscillé entre rock, volksmusik bien appuyée, variété pop rock et soft hard rock.
J’ai eu beaucoup de plaisir à retrouver Melanie et Martin. Le couple a troqué cette année son percussionniste Niklas Kahl pour le bassiste Lars Lehmann, qui nous a offert un bon moment solo de jam. Le public a été aussi très concentré, attentif, très à l'écoute au concert de Anton, un groupe déjà là au ARF V, formé par la Lebenshilfe Bernburg, une institution sociale qui favorise l'insertion sociale des personnes à handicap. Mirror et Red Sand, quant à eux, nous ont offert des mélodies très marillionesques de guitares et de claviers.

ArtRock Festival
Anton et son batteur

Finissons par IQ et Arena, deux dignes représentants du neoprog britannique des années 90. Je deviens sûrement blasé, mais il faut bien avouer qu'il ne se passe pas grand-chose sur scène avec IQ. La fatigue aidant, je ne suis pas rentré dans le concert. Un concert qui a été l'occasion pour la bande à Peter et Mike de piocher dans leur discographie complète, ainsi que de jouer deux titres de leur nouvel album, encore en préparation, et prévu pour Septembre. Ca a été l'occasion de plaisanter sur l'année non précisée de ce fameux Septembre, ainsi que sur le fait que si le groupe fait des fautes sur ces deux titres encore non publiés, personne ne s'en apercevra. Ce concert donnera aussi l'occasion à Uwe de préciser que le Artrock Festival n'est pas un festival de rock progressif - contrairement à ce que certaines personnes pensent -, c'est un festival de musique rock, toutes les musiques rock.

Le concert de Arena, qui clôturait ce festival, a commencé deux heures en retard sur l'agenda de départ. Un retard qui explique probablement une baisse de l'affluence pour ce dernier concert, avec un pic sûrement atteint avec le concert de RPWL. Un morceau de béton venant du plafond (invisible depuis la salle) s'était en fait écrasé sur le catwalk pendant le concert précédent de RPWL. Très préoccupé par la sécurité de tous, et très stressé - on le serait à moins -, Uwe a finalement réussi à obtenir après investigations un papier signé lui permettant de terminer ce festival dans de bonnes conditions. Une rubalise faisant reculer le public d'un bon mètre de la scène a été mise en place afin d'écarter tout risque supplémentaire. Clive a pris la parole en expliquant que leur set sera écourté pour des raisons logistiques, et a demandé au public d'être indulgent vis-à-vis de leur chanteur Paul souffrant d'une laryngite. Ce dernier concert de quatre-vingt minutes a pioché des titres dans leur vaste discographie, notamment les albums The Visitor, Contagion ou Double Vision. L'occasion pour Clive de blaguer sur le titre 'The Legend of Elijah Shade' avec, du haut de ses vingt-deux minutes, son presque "one million notes".

<ArtRock Festival
Arena

Il est un peu dommage que ce festival ait été entaché par cette petite fausse note - qui plus est au plus mauvais moment -, mais il en est ainsi, la part d'impondérable dans ce type d'événement ne peut jamais être réduite à néant. Cela ne remet en tout cas en rien en cause la bonne tenue et le succès de ce festival dont l'affluence semble avoir été supérieure à l'an dernier. Un festival qui a encore vu de nombreuses nationalités présentes, telles que, en plus des pays limitrophes, par exemple la Turquie ou la Norvège. J'arrive personnellement à me débrouiller en allemand, mais pour avoir eu une gentille demande de traduction d'un couple de norvégiens, peut-être ne serait-il pas superflu d'envisager, pour les moments importants, une petite traduction simultanée en anglais.
Et j'en ai déjà parlé plus haut, ce genre de festival doit aussi être l'occasion pour de jeunes pousses prometteuses - ou déjà révélées – de se mettre en avant et de se faire connaître. Sûrement plus facile à dire qu'à faire. Très sûrement un casse-tête, une équation difficile à résoudre pour les organisateurs, entre succès/visibilité du groupe et affluence potentielle du public.

Bien sûr on ne remerciera jamais assez les organisateurs et les bénévoles qui font tourner cet Artrock Festival, parce que c'est indubitablement du boulot, et ce toute l'année.
Alors comme ce que l'on entend des fois au boulot, "Keep up the good work guys !".
A l'an prochain !

Laurent.
ArtRock Festival VII

Rédigé par : Laurent