Après avoir écouté Silent Skies en vinyle, interviewé Brian Jones de Nine Stones Close à 17h, la soirée du samedi se poursuivait avec plusieurs concerts en streaming. J’avais le choix entre Gazpacho, Mystery, TesseracT, ou regarder le DVD de Melanie et Martin. Dans la liste, le seul groupe que je n’ai jamais entendu en live c’est TesseracT, et comme nous avions reçu un billet presse pour assister à l'événement, à 20h, je me suis connecté au portail pour un nouveau concert en streaming.
Portals est un spectacle concert d’un peu moins de deux heures enregistré à l’avance par TesseracT et diffusé du 12 au 18 décembre pour les personnes détentrices d'un billet. Je dis spectacle, car au milieu des morceaux joués par le groupe, de courtes scènes filmées racontent une histoire. Il ne s’agit pas à proprement parler d’un concert, le groupe ne jouant pas d’une traite tous les morceaux.
Après une brève présentation du projet par le bassiste aux pieds nus, Amos Williams, alors que la fenêtre de droite se remplit déjà des messages du public, une première cinématique lance le concert. Je mets l’image en plein écran, le chat n’est guère intéressant et je me concentre sur le live.
Un monolithe de lumières bleues se dresse derrière le batteur légèrement surélevé par rapport aux quatre autres membres de TesseracT. Des tentures noires ferment la scène, tentures derrière lesquelles est installée une partie des éclairages. Une scène carrée au sol également noir, délimitée par des barres LEDs et sur laquelle évoluent des musiciens vêtus de noir.
Une caméra fixée au-dessus du batteur, une louma et probablement plusieurs caméramans en action devant la scène offrent des plans variés tout au long des morceaux joués. L’image 4K est absolument magnifique, comme le son irréprochable. Un seul petit regret, de temps en temps l’image et le son se figent une demie-seconde, il doit y avoir beaucoup de personnes à regarder le show. Mais nous y reviendrons plus loin.
Des lasers colorés inondent la scène, rappelant parfois les motifs de l’hypercube de One. Chaque titre possède son identité visuelle; couleurs, lasers, projecteurs partant vers le ciel, fumée, cages de lumière, ambiances bleues, rouges, orangées, vertes ou blanches, le rendu visuel est époustouflant.
Les morceaux joués divergent agréablement des versions studio, revisitant Sonder bien évidemment mais également des albums plus anciens. Le son est plus live, plus mordant et le duo basse/batterie est tout simplement éblouissant. Pour le chant, si Daniel Tompkins possède une grande tessiture et produit un growl déchirant, j’ai l’impression que sa voix surtravaillée, superposée, loin des rendus de live, ressemble à un playback même si ça ne doit pas être le cas. Le groupe reste terriblement statique tout au long de l’enregistrement. Amos et Daniel sont les deux seuls à esquisser quelques pas sur scène, mais vers qui s’avancer ? Il n’y a pas de public.
Avec des visuels très soignés, des incrustations cinématographiques, Portals ressemble plus à un gigantesque clip d’une heure et cinquante minutes qu’à un live. Il manque les applaudissements, les cris, la transpiration, l’improvisation, les bouteilles d’eau et les serviettes, le larsen et l’imperfection d’un concert, mais faute de grives, on mange des merles.
La catastrophe arrive après une heure et demie de live. Les serveurs saturés de TesseracT lâchent et le streaming s’arrête. Je ne traduirai pas ici les abondants commentaires écrits dans la fenêtre de droite, mais beaucoup commencent par “Fu..”. Oui c’est frustrant, d’autant que les artistes n’y sont pour rien. Rassurez-vous, à la fin du live streaming, le concert était de nouveau disponible dans son intégralité. C’était certes encore un peu moins live que le live différé, mais cela permettait de regarder la fin.
J’ai eu beaucoup de plaisir à écouter TesseracT avec Portals même si tout cela semblait froid et artificiel. Mais à choisir, je préfère un live de Marc Atkinson sur Facebook, live en direct, pendant lequel je peux demander une chanson, dialoguer avec les spectateurs présents par tchat interposé, voir Marc boire son jus de fruit, réclamer un biscuit à son épouse, commencer un morceau et s’arrêter en plein milieu à cause d’un réglage de sa guitare. La bonne idée serait quand même d’éditer Portals en Blu-Ray pour que l’on puisse le revoir plus tard, car le show d’une grande qualité visuelle et sonore disparaîtra le 18 décembre.
Espérons toutefois que l’avenir des lives n’est pas là, car le live ce n’est pas ça. Un live c’est trois cents kilomètres de voiture, assister à la mise en place de la scène et aux balances, interviewer un groupe puis retrouver ses amis dans la salle, se plier devant la scène pour photographier les musiciens, transpirer, hurler à en perdre la voix, discuter avec le chanteur, boire une bière, acheter un vinyle au stand et se le faire dédicacer, saluer ses amis puis retourner dans l’autre sens, vers la maison, sur la route déserte, à deux heures du matin, épuisé mais heureux.
Le live de Tesseract peut-être visionné ici moyennant l’achat d’un billet.