Arjen : Salut !
Jean-Christophe : Bonjour, comment vas-tu Arjen ?
Arjen : Je vais bien, merci beaucoup!
Jean-Christophe : Bienvenue en France. Un nouvel Ayreon arrive, intitulé The Source, un prequel à 01011001.
Arjen : Oui tout à fait.
Jean-Christophe : L’histoire se déroule avant 01011001, peux-tu nous raconter, en quelques mots, ce qui arrive à l’humanité dans cet album ?
Arjen : L’histoire débute sur la planète Alpha, il y a très longtemps, les gens sont devenus totalement dépendants de la technologie. Mais les choses se passent très mal sur ce monde, il y a des problèmes écologiques comme l’effet de serre, du coup ils demandent à un ordinateur, appelé Frame, diminutif pour mainframe, de solutionner les problèmes de leur monde. Le mainframe décide de stopper tous les supports de vie car il se dit que le problème c’est en fait l’humanité. Les gens vont mourir lentement, ils doivent quitter leur planète et trouver un nouveau monde pour préserver l’espèce humaine. En gros, c’est ça le début de l’histoire.
Jean-Christophe : D’accord. Et qu’est que The Source, car dans l’histoire, tu racontes que les gens dépendent d’elle pour survivre sur la nouvelle planète ?
Arjen : C’est un mélange de plusieurs choses. Le titre The Source fait référence à la source de l’humanité, là d’où nous venons, The Source fait référence également à la drogue Liquid Eternity qui a été synthétisée par le chimiste dans le récit. La planète où ils se rendent est la planète Y qui est un monde aquatique. Ils doivent s’adapter pour vivre sous l’eau et cette drogue leur permet de vivre sous l’eau et leur permet de communiquer entre eux.
Jean-Christophe : Et cette drogue semble prolonger la vie également ?
Arjen : Oui, ça leur donne plus de longévité, c’est pour cela qu’ils sont appelé les the forever age bien entendu.
Jean-Christophe : Où trouves tu les idées pour toutes ces histoires ?
Arjen : Je ne sais pas d’où ça vient vraiment, mais j’ai toujours adoré la science-fiction depuis que j’ai vu Star Trek dans les années 60, quand j’étais un gamin, je devais avoir 10 ans à l’époque. J’ai vu ce gars aux oreilles pointues [rires], des filles vertes, des cieux rouges… J’adore Star Trek et c’est cette série qui a lancé ma passion pour la SF. J’ai vu tellement de séries TV, de films que je ne sais ce qui m’a inspiré mais je ne peux pas dire que j’ai été influencé par tel ou tel truc. Je pense que c’est un mélange de nombreuses choses.
Jean-Christophe : Tu voulais aborder le problème que rencontre l’humanité avec le réchauffement climatique sur cet album ?
Arjen : J’ai essayé de ne pas le faire mais oui, il y a message en filigrane mais je ne pense pas que ce soit le rôle d’un musicien d’éduquer les gens, je pense que mon travail est de les distraire en premier lieu. Je pense que la musique et les paroles permettent de s’évader mais la science fiction est bien entendu une superbe manière de parler des choses qui se passent sur terre. J’ai grandi à une époque où les ordinateurs n’existaient pas et aujourd’hui je constate l’incroyable montée en puissance des ordinateurs. Des scientifiques ont imaginé que d’ici vingt ou trente ans les machines et les ordinateurs seraient plus intelligents que les hommes. Je trouve ça très intéressant de voir ce qui va arriver.
Jean-Christophe : Un futur terrifiant !
Arjen : Oui !
Jean-Christophe : The Theory of Everything était très prog avec des artistes venus du prog, The Source revient vers de puissant riffs de guitares et du folk également, pourquoi ce retour à l’ancien son de Ayreon ?
Arjen : Parce que je n’aime pas me répéter, juste pour me surprendre et surprendre le public encore et toujours, et chaque nouvel album contraste avec le précédent. Comme tu le disais, le précédent album était très proggy, très orienté claviers avec Emerson et Rudess, si bien que celui-ci, avec des guitaristes comme Gilbert, Govan et Coenen est plus orienté sur vers les guitares. Je pense que c’est également une réaction au dernier album sur lequel j’ai travaillé, The Gentle Storm, qui était une sorte d’histoire d’amour, j’ai vraiment voulu écrire quelque chose de différent, de plus viril et qui revienne à la science fiction. Je ne peux pas m'éloigner de la science-fiction, j’adore y revenir.
Jean-Christophe : James Labrie, Russell Allen, Floor Jansen, Mikeal Mills, tu as travaillé avec des voix connues cette fois (The Human Equation, The Dream Sequencer, Flight Of The Migrator),est-ce plus confortable pour toi de travailler avec des artistes que tu connais bien ?
Arjen : Non pas vraiment. En fait, sur les deux albums The Human Equation et The Theory Of Everything je me suis imposé une règle, celle de travailler avec des chanteurs avec lesquels je ne l’avais jamais fait auparavant, une fois encore ça pour ne pas me lasser et lasser le public. Je n’ai pas envie de me limiter, je désire juste les meilleurs chanteurs au monde. J’ai commencé à écouter des passages vocaux, avec James Labrie ou Russell Allen et j’ai su ce que je voulais, “Ok, ne te limite pas, demande les musiciens que tu veux, que tu aies bossé ou non déjà avec eux.”. Sur cet album c’est environ 50/50. 50 % de gens avec qui j’ai bossé et 50% de nouveaux.
Jean-Christophe : Oui, d’ailleurs sur cet album il y a le chanteur de Myrath, Zaher Zorgati, tu l’avais rencontré auparavant ?
Arjen : J’ai toujours aimé les mélodies orientales. Je pense que ça vient de Kashmir de Led Zepplin (1975) qui possède un feeling oriental et j’ai toujours aimé Gates Of Babylon de Rainbow (1978) et dans mon groupe des années 80, j’avais une chanson intitulée ‘Arabia’ (Vengeance 1989) qui donnait quelque chose comme ça [Arjen chante] tu vois [rires], c’est l’idée, ce genre d’atmosphère orientale. J’ai toujours aimé ça, les gens le savent et des fans m’ont conseillé de jeter une oreille à Myrath, alors je suis allé sur Youtube et j’ai écouté leur musique, et je me suis dit “oh, c’est chouette, des mélodies fantastiques“ et peu après j’ai été écouter Symphony X en concert et Myrath assurait la première partie. J’ai rencontré Zaher et lui ai dit, écoute, je suis le frontman du projet Ayreon et il a dit “oh oui je te connais” alors je lui ai demandé s’il voudrait bien chanter sur Ayreon et il a dit oui, que ce serait cool. Voila comment c’est arrivé.
Jean-Christophe : Sûr, tout le monde te connaît !
Arjen : Bon, j’aimerais bien que Paul Mccartney me connaisse comme Robert Plant ou David Gilmour. [rires]. Oui, j’aimerais bien.
Jean-Christophe : John Wetton, qui a chanté sur The Theory Of Everything, est décédé fin janvier, qu’est-ce que tu ressens, tu le connaissais bien ?
Arjen : Non pas vraiment. Nous nous sommes rencontrés via son management et je suis allé le voir en Angleterre, j’ai du passer une après-midi avec lui, donc non je le connaissais mal. Je sais juste que c’était un chouette gars, un homme très doux, avec beaucoup d’humour, et c’était génial de bosser avec lui. Oui j’étais vraiment triste quand j’ai appris la nouvelle mais je pense que ça faisait longtemps que les gens savaient qu'il était malade...
Jean-Christophe : Si tu regardes en arrière sur ta carrière, quel serait ton projet ou ton album préféré (excepté The Source bien entendu) ?
Arjen : Je crois que mon favori reste mon album solo Lost In The New Real parce que c’est 100% moi, tout est de moi, les paroles, la musique, le jeu, le chant. Tout particulièrement le morceau ‘Lost In The New Real’ que j’aime particulièrement. Donc oui je pense que c’est l’album dont je suis le plus fier. Mais à côté de ça j’aime tous les Ayreon, peut-être parce que c’est varié. Into The Electric Castle, mon album révolutionnaire, a une place toute particulière également.
Jean-Christophe : Tu parlais de Lost In The New Real, y aura-t-il un jour un nouvel album solo de Arjen Lucassen ?
Arjen : Je l’espère, parce que j’essaye à chaque fois, ça aurait du être le cas cette fois. Un album solo, c’est vraiment trop cool. pas besoin de trouver des chanteurs, tu fais tout, tout seul mais ça ne marche jamais comme ça, parce que j’arrive avec un passage que je n’arrive pas à chanter moi même ou que la musique est un peu trop heavy et que je n’arrive pas à chanter heavy. Oui, j’ai vraiment envie d’en faire un nouveau, il faut juste que je m’en tienne au plan initial [rires].
Jean-Christophe : En septembre il y aura trois incroyables événements, trois concerts de Ayreon à Tilburg.
Arjen : Juste.
Jean-Christophe : Pouvais-tu imaginer un tel engouement ?
Arjen : PAS DU TOUT, PAS DU TOUT ! Bien entendu, lorsque nous avons fait Theory Equation qui fut une sorte de catalyseur à tout ça, du fait de son succès, les gens ont adoré et étaient si heureux que l’on a décidé de le faire, comme une sorte de concert best of de Ayreon. Je l’ai organisé avec le claviériste Joost van den Broek, nous nous sommes rendus au 013, l’endroit où nous allions jouer, et j’ai dit “tu crois que l’on peut remplir le 013, c’est quand même 3000 places ?’ et il m’a répondu “bien sûr tu peux le faire, même deux fois et nous avons une option pour une troisième”, On a mis l’évènement sur Facebook et les préventes des deux concerts sont parties en quelques heures. Tu as eu un ticket ?
Jean-Christophe : Non trop tard hélas, pas moyen…
Arjen : Oh je suis désolé… Et oui le troisième concert a été rempli dans la journée. Je ne me serai jamais attendu à ça.
Jean-Christophe : Vraiment dingue et tu peux mesurer ta célébrité avec cet événement.
Arjen : Oh oui, enfin, pas vraiment, parce que je n’ai jamais joué en live avant, ce ne sont que trois concerts, donc tu peux difficilement comparer ça à d’autres groupes ou projets. Cela fait vingt ans maintenant que les gens attendent ça, mais oui c’est fantastique, bien entendu.
Jean-Christophe : Tu m’avais dit que tu n’aimais pas jouer en live, mais à Tilburg, est-ce que tu apparaîtra pendant le concert ?
Arjen : Oui je le ferai, mais je n’aime pas ça [rires], comme je te l’ai dit la dernière fois, ce n’est vraiment pas mon truc, je ne suis pas un bon interprète, je suis un compositeur, un producteur, j’ai un trac terrible, rien que d’y penser, mais je vais le faire, je ne peux pas me défiler, ne pas me montrer ou juste faire un coucou au public, je dois jouer un peu, alors oui, il faut que je me prépare pour ça [rires].
Jean-Christophe : Je t’ai vu avec Stream of Passion à Strasbourg, et c’était bien.
Arjen : Oh merci mec, merci. [rires] Bon oui, quand tu fais une tournée tu arrives a rentrer dans le groove, mais quand tu n’es pas monté sur scène depuis vingt ans ça fait un peu peur. Mais ce sera fun.
Jean-Christophe : Tu joueras des titres de The Source à Tilburg ?
Arjen : Oui, on jouera au minimum deux titres de chaque album, certains en auront un peu plus mais le mini sera deux titres.
Jean-Christophe : Pour parler à nouveau The Source, quels instruments exotiques as tu apporté cette fois dans l’album ?
Arjen : Il n’y a pas vraiment de nouvel instrument exotique, rien que je n’ai déjà utilisé, ce qui aurait été dur de tout façon car j’ai déjà utilisé tout tu sais [rires]. Didjeridoos, cors et bien entendu des violons, toutes sortes de flûtes et trucs, sur The Gentle Storm j’ai utilisé un dulcimer. Non il n’y pas de nouvel instrument exotique sur celui-ci, juste les classiques comme les violons, flûtes, piano et choses du genre.
Jean-Christophe : Micheal Mills apporte un je ne sais quoi de très spécial dans The Source, c’était son idée ?
Arjen : Non, non, c’était assez étrange en fait. Je ne l’avais pas prévu sur l’album. Il n’avait pas de partie. Mais j’ai été coincé avec un titre, ‘Run! Apocalypse! Run!’. Je n'arrêtais pas de rester bloqué sur un titre de Rainbow, une pièce de Gate Of Babylon et je n’arrivais pas à m’en dépêtrer alors j’ai contacté Mike et lui ai dit “Et Mike, tu es mon héros, est-ce que tu peux mettre du chant ici ?” et il l’a fait, il m’a renvoyé toutes une symphonie de voix, et c’était juste ho !!! c’était cool, “Man, je veux toutes ces idées sur mon album”, j’ai alors cherché de la place pour lui, même et faisant de la place, ne lui envoyant que de brèves instructions comme pour le premier titre ‘The Day That The World Break Down’, ok dans cette partie je veux des lettres en binaire, c’est tout, je lui ai dit “Tu crois que tu peux faire quelque chose avec ça ?” et il m’a répondu “oui tout à fait, ne t’inquiètes pas”.
Jean-Christophe : Il y a un message dans ce code binaire, il finit par TH1.
Arjen : Oui, le message binaire dit “Trust TH1” et à la fin de l’album on verra si on pouvait lui faire confiance [rires].
Jean-Christophe : C’est très sombre, no futur.
Arjen : Oui, un peu sombre et une introduction directe à l’album 01011001.
Jean-Christophe : Une dernière question si tu es d’accord. Tu as lancé une compétition vidéo pour illustrer ‘The Source Will Flow’, ma favorite est celle Ortega. Quelle est la tienne ?
Arjen : Je n’ai vraiment pas pu choisir, je n’ai vraiment pas pu. Parce que à la base, c’était ça l’idée, en choisir une, mais j’aime les quatre. On a décidé de ne pas choisir nous même, de laisser les fans voter pour leur favorite. Je suis content de l’avoir fait ainsi. Je suis content de ne pas avoir eu à choisir. [rires]
Jean-Christophe : Un petit mot pour les français ?
Arjen : J’ai toujours aimé la France tu sais. Quand j’étais gosse je passais mes vacances à St Tropez, St Raphaël, chaque année avec le même groupe de copains. Pendant la tournée de promotion, nous avons fait des interviews en France et c'était incroyable, j’ai eu vingt deux interviews en un jour je crois. Les gens sont tellement sympa tu sais, si chaleureux, j’adore les français. Et je suis désolé de ne plus tourner sinon j’y serai tout le temps. J’espère juste, que vous aimerez l’album et que vous me ferez part de ce que vous en pensez, je suis facile à joindre.
Jean-Christophe : Merci beaucoup Arjen !
Arjen : De rien. Ok Jean-Christophe, à la prochaine. (en français)
Rédigé par Jean-Christophe le 25/04/2017