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Interview de Atlantropa Project le 11/02/2018
L’équipe a été impressionnée par le travail effectué sur l’album concept Atlantropa Project. Une belle occasion de mettre sous les feux de la rampe les artistes qui ont œuvré à ce projet.



Laurent : bonjour à tous. Tout d’abord comment allez-vous ? Et que peut-on vous souhaiter pour cette nouvelle année ?

Atlantropa Project : Nous allons très bien, et nous souhaiterions vous remercier pour l’opportunité que vous nous donnez de parler de nous et du travail effectué sur Atlantropa-Project. Nous en sommes très fiers et nous avons aussi beaucoup de chance d'avoir sorti cet album. En ce qui concerne cette année, nous espérons avoir encore plus de retombées et de retours positifs que ce que nous avons déjà eu, et qui sont déjà excellents à ce jour. Et le plus important, c'est que nous souhaiterions être en tournée le plus souvent possible en 2018.

Laurent : sur la pochette on peut lire Atlantropa Project, en référence au projet de Herman Sörgel. Par contre il n’y a pas de nom de groupe, ou peut-être que Atlantropa Project est aussi le nom de votre formation. Quelle en est l’explication ? Ne vous considérez-vous pas comme un groupe, même si l’histoire de la formation Waniyetula semble être liée à cet album ?

Atlantropa Project : En 2010, après près de trente ans, nous avons de nouveau réuni Waniyetula à l'occasion d'une petite tournée de clubs. Ca a été un grand moment pour tous les participants et pour tous les fans, et nous avons décidé par après de créer un nouvel album avec cette formation. Mais aucun des musiciens ne voulait produire un album standard avec douze titres tous plus ou moins différents. Cet album devrait avoir un son bien à lui, ainsi qu'une âme représentant tous les talents individuels de chaque musicien. Nous avons alors décidé de créer un album concept avec un thème principal, que nous avons cherché âprement et pendant un bon moment. C’est alors que nous avons découvert Hermann Sörgel et ses idées fascinantes autour du projet Atlantropa. Nous avons donc tout simplement intitulé notre album The Atlantropa Project en référence à l’ingénieur. Mais cela ne signifie pas que l’aventure Waniyetula est terminée. Nous allons sans aucun doute réactiver le groupe Waniyetula dans les mois prochains, et cherchons du matériel à mettre dans un nouvel album. Et pour répondre à votre question : oui, nous sommes un groupe, et pas seulement un groupe de musiciens avec un seul album comme objectif.

Laurent : dans cet album il y a douze musiciens et chanteurs, mais le nombre de personnes impliquées dans cet album concept est bien plus important. Pourriez-vous identifier et décrire l’importance et le rôle qu’ont joué les personnages principaux de cet album ?

Atlantropa Project : Au début six personnes issues du groupe Waniyetula ont commencé ce projet musical : Richard Kersten, Wahrmut Sobainsky, Michael ‘Wolle’ Wollesky, Ralph Brandmüller, Lothar Krell and Heinz Kühne. Tous participèrent au rassemblement des idées et des motifs musicaux, et intégrèrent aussi leurs propres matériels et compositions dans le nouveau concept global. Heinz et Lothar ont supervisé toute la production, ont intégré et arrangé ensemble tous les détails musicaux.
Nous nous sommes très rapidement aperçus que nous avions besoin d’aide externe pour répondre aux besoins et aux exigences des compositions et des arrangements. Michael et Elinor avaient déjà été contactés auparavant, et ont rejoint le projet. Tous deux avaient déjà travaillé avec quelques membres du groupe, et ont été enchantés par Atlantropa-Project dès le tout début. Pendant ce temps, dans leurs studios à Bad Hombourg et Langen, Heinz et Lothar assemblaient la musique, les titres, intégraient les instruments périphériques, les soli et les voix. Les pistes avaient été enregistrées dans différents endroits en Europe, et à la fin toutes (à peu près plus de 100 pistes par chanson) ont été assemblées et mixées dans les studios de Heinz, au Spot-Tonstudio, à Bad Hombourg.

Atlantropa Project

Laurent : vous avez produit deux versions de l'album: une version en allemand, et une version en anglais (celle que l'équipe a chroniquée). Les paroles sont en anglais sur les deux versions, seules les parties narrées ont été traduites. Qu’est-ce qui explique ce choix ?

Atlantropa Project : Les parties racontées, écrites et traduites par Peter Voss, qui devraient expliquer en sorte de poème ce que Atlantropa signifie, et qui était Hermann Sörgel, sont effectivement soit en anglais, soit en allemand.
Nous voulions garder les paroles des titres en anglais, parce qu'elles portent l'âme du projet Atlantropa, qui représente beaucoup plus que la langue dans laquelle sont chantés les titres. Cette âme s'inscrit dans une portée internationale, et porte un concept bien au-delà de l'échelle d'une existence humaine, a une signification bien au-delà de la taille d'une seule nation en particulier.

Laurent : comment en êtes-vous arrivés à signer avec Progression Promotion Records ?

Atlantropa Project : Cela fait un petit moment que nous travaillons dans le milieu de la musique, et nous sommes conscients de ce qui compte vraiment. Les gens de PPR ont compris exactement nos intentions artistiques, et ont accepté les tenants et aboutissants d'une production complexe que notre projet nécessitait. Après avoir discuté avec Oliver Wenzler, nous avons su que lui et son label seraient les personnes les mieux à même de promouvoir notre musique. Nous sommes persuadés que ce n'est que le début de notre collaboration, et que celle-ci sera fructueuse.

Laurent : quelle musique écoutez-vous tous ? Bien sûr vous jouez votre musique, mais avez-vous des groupes ou de la musique auxquels vous vous référez, ou voyez comme source d'inspiration ?

Atlantropa Project : Chaque personne dans le groupe a ses goûts musicaux personnels. C'est une des raisons de la riche diversité de Atlantropa Project, projet issu de cette coopération musicale. Mais bien sûr il y a plein de groupes et de musiciens qui nous ont influencé et inspiré, et que nous aimons. Pour n'en citer que quelques-uns il y a le Genesis des débuts, Peter Gabriel en solo, Yes, Gentle Giant, The Beatles, Pink Floyd, Kate Bush, sans oublier Porcupine Tree, Steven Wilson, Steely Dan, Donald Fagen, Toto, et le pur génie incarné par Frank Zappa.

Laurent : en ce qui concerne ce projet et votre musique, comment la décririez-vous à quelqu'un qui ne l'a jamais écoutée ? Qu'a-t-elle d'unique selon vous ?

Atlantropa Project : Comme vous le savez, c'est très dur de donner à quelqu'un des explications sur une musique sans l'écouter. Le mieux c'est de donner l'album à écouter à cette personne, et la laisser trouver ce qu'elle pourrait évoquer ou signifier sans lui donner d'explications à l'avance. Notre musique est tellement pleine de surprises et de trouvailles musicales rarement entendues que vous ne savez jamais à quoi vous attendre, ni ce qui vient ensuite. Certaines personnes l'aimeront tout de suite, et d'autres ne l'aimeront pas. Il en est très bien ainsi.

Laurent : très honnêtement nous ne connaissions pas l'existence de ce vrai projet Atlantropa avant d'écouter votre album. Même les superlatifs ne peuvent décrire ce projet inimaginable. Comment vous est venue l'idée de créer un album sur cette idée ? Qu'est-ce qui vous a fait choisir ce projet ? Ou aviez-vous plusieurs idées dans les cartons et avez finalement choisi le projet Atlantropa ?

Atlantropa Project : Notre intention était de créer un vrai album concept, à l'image des pionniers, comme par exemple The Lamb Lies Down on Broadway ou Sgt. Pepper ou Tommy, pour ne parler que des plus célèbres.
Quand nous avons commencé à regarder un thème qui convaincrait tout le monde dans le groupe, nous avons trouvé Sörgel et Atlantropa. C'était une idée aussi ambitieuse que celle d'aller sur la lune qui, elle, est devenue réalité quelques dizaines d'années plus tard.
Le fait que le projet Atlantropa n'avait aucune chance d'être réalisé ne nous a perturbé le moins du monde. Pour nous c'était l'idée qui nous a tous fasciné d'emblée, à savoir le rêve d'un seul être humain, ainsi que l'énorme énergie que Sörgel et ceux qui le suivaient ont mis dans ce projet.
Bien sûr il y avait aussi d'autres idées, peut-être meilleures. Peut-être que notre prochain projet sera l'objet d'une de ces idées.



Laurent : pouvez-vous dire quelques mots sur la genèse de l'album ? Combien de temps vous a-t-il pris ? Quelles ont été les étapes principales ? Quels ont été les principaux défis, et comment les avez-vous relevés ? Comment avez-vous structuré toutes vos idées musicales et vous êtes-vous tous coordonnés ?

Atlantropa Project : L'idée de l'album est née en 2012. En 2014 nous avons commencé à y travailler en continu. Elinor et Michael, les chanteurs, connaissaient Heinz au travers de projets précédents. Tous les autres membres du groupe ont été nouveaux pour eux trois. Le groupe a grandi et s'est consolidé de plus en plus au fur et à mesure de la progression du travail sur Atlantropa-Project. Ce n'était pas si facile qu'il en paraissait. Michael, par exemple, vit et travaille à Londres. Nous lui avons envoyé les démos des chansons, et il a enregistré à Londres le travail qui lui était imparti. Nous lui avons laissé carte blanche sur l'interprétation des voix. Il n'y avait pas besoin de supervision, nous n'avons jamais eu de doutes sur son professionnalisme hors pair en tant que chanteur et auto-producteur. Et les résultats sont très satisfaisants.
Elinor est une musicienne brillante, elle comprend instantanément nos intentions musicales et a donné aux voix et aux paroles qu'elle devait chanter le brio et l'intensité que nous recherchions.
Pendant ce temps Lothar et Heinz improvisaient en studio à Bad Hombourg presque pendant toute la durée de production, et créaient les ponts musicaux, l'ordonnancement des titres et quelques-unes des parties solo.
Ils ont aussi essayé, testé encore et encore toutes sortes de sons pour arriver aux meilleurs résultats possibles. A la fin les pièces du puzzle ont été toutes assemblées. Le moment où nous avons présenté pour la toute première fois la production finalisée à tous les membres du groupe a été un moment très particulier.

Laurent : en écoutant les différents titres et en lisant le livret on pourrait presque dire que cet album a un petit goût d'opéra rock, bien qu'il n'y ait pas une voix dédiée par personnage : premièrement il y a le narrateur du projet. Ensuite Herman Sörgel s'exprime ('The Plan', 'Star Atlantropa'), il y a des sortes d'avertissements venant d'une grosse voix caverneuse (Dieu ?) dans 'The Great Maker'. Les peuples (Européens ? Africains ?), après une phase d'euphorie ('Time to Bid Goodbye'), se posent des questions sur les intentions réelles ('When we all speak Atlantropan', 'It's time for new dreams'), les inconnues et les conséquences de ces énormes projets ('They want to steal the Ocean'), et débattent avec les ingénieurs ('Walk across the Sea'). Il semblerait que la Terre ait aussi voix au chapitre ('Mare Nostrum dream'). Qu'en pensez-vous ?

Atlantropa Project : C'est une belle interprétation, merci, vous avez vraiment capté l'esprit de l'album.
De là à parler d'un opéra rock, même seulement d'un zeste d’opéra rock, je ne sais pas. Et oui, nous n'avons pas une voix par personnage comme dans un opéra, de même que nous n'avons pas d'histoire qui se déroule au fil du temps, avec une intrigue ou un héros, comme dans Tommy. Ceux qui parlent ou chantent dans cet album représentent des opinions, différents points de vue, des assertions, des pour et des contre, et sont incarnés par des voix non identifiées. Ce n'est ni Dieu ni la Terre qui sont à entendre, ce sont juste des voix qui font partie d'un puzzle musical, avec différentes vues ou approches sur un thème commun.
Et vous ne devriez pas prendre trop au sérieux ces déclarations, particulièrement ‘Mare Nostrum Dream’ ou ‘Star Atlantropa’: Richard, qui a écrit les paroles, a un sens de l'humour très développé.

Laurent : une fois que l'on a lu le livret et écouté l'album plusieurs fois, les principaux mots qui viennent à l'esprit sont richesse et diversité. Richesse des thèmes dûs à la complexité du projet de Sörgel. Richesse de la musique par les nombreux rythmes, arrangements et instruments, avec une mention spéciale pour les claviers, les créations sonores et les banques de sons utilisées. Et bien sûr diversité des ambiances et des sentiments exprimés - allant de la peur mystérieuse à un enthousiasme solaire - finalement à l'image de ce projet fou. Un projet qui donne le sentiment que les choses sont toujours plus complexes qu'il n'y parait, et que rien n'est jamais noir ou blanc. Qu'en pensez-vous ? Pouvez-vous dire quelques mots à propos des claviers et des créations sonores, deux points qui jouent un grand rôle dans votre musique ?

Atlantropa Project : Vous avez raison, tout dans la production d'Atlantropa est très ambiguë. Ce que l'on perçoit en tout premier n'est jamais la réalité, et c'est comme cela qu'on l'a conçu. Chacun devrait prendre son temps pour trouver ce que cet album a de spécial, et nous espérons que beaucoup de personnes auront la patience de faire cet effort et cette découverte.
Elles seront surprises.

En ce qui concerne la production nous avons travaillé en deux étapes:
Etape 1: les titres chantés et instrumentaux.
En premier lieu Lothar a utilisé des banques de sons connus, comme dans une production traditionnelle de rock progressif. Ensuite nous avons mis en place et incorporé dans tous ces titres des sons et des effets très largement nouveaux et inconnus du public.

Etape 2: les parties narrées.
Il était très important pour Lothar de s'imprégner de l'atmosphère distillée par les parties racontées de telle manière que les empreintes sonores supportent et s'accordent totalement avec le contenu des mots et du texte, et fassent de bonnes transitions et annonces sonores avec le titre précédent et le titre suivant.
Lothar a créé des atmosphères et empreintes sonores qui sont couramment utilisées dans le cinéma, et il a eu de la chance de ne pas être bridé par des structures rigides de chansons déjà toutes faites.
Il a utilisé cette opportunité et cette chance pour effectuer de grandes expérimentations avec l'électronique, pour créer des sons complètement nouveaux.

Atlantropa Project

Laurent : comment cela a été pour écrire des paroles tout en rimes, qui plus est dans une langue différente de son la langue natale ?

Atlantropa Project : Richard, qui a écrit toutes les paroles, vient de Liverpool et est un compositeur avec beaucoup d'expérience. Michael, le chanteur, vit à Londres et possède son célèbre studio d'enregistrement Wapping Press depuis 1990. Il a modifié et amélioré le vocabulaire des chansons quand il l'estimait nécessaire.

Laurent : projetons-nous maintenant en avant. Quels sont vos projets pour le futur ? Des concerts ? Des événements particuliers, une tournée ?

Atlantropa Project : Une nouvelle vidéo sortira en Juin prochain. Nous rencontrerons prochainement Michael à Londres à ce sujet. Nous planifions une tournée dans les meilleurs délais, et préparons un nouvel album.
Beaucoup de travail. Et aussi beaucoup de plaisir en perspective.

Laurent : la dernière question n'en est pas une. C'est une tribune libre. A vous de dire et d'exprimer ce que vous voulez.

Atlantropa Project : Nous voulons répondre à cette question par une citation tirée d'une chanson de Steven Wilson, un titre enregistré avec le groupe Porcupine Tree: “Une des merveilles du monde est en train de mourir, et personne n'en prend la bonne mesure". Vous savez ce qu'il veut dire, nous le savons tous, c'est la musique qui est en train de mourir d'après lui, et nous pensons qu'il a tout à fait raison.
Il ne s'agit pas de la musique du Hitparade, ni de la musique présente dans les bacs de tous les centres commerciaux du monde, ni même de la musique présente sur les ondes des stations FM, que Steve veut pérenniser. Il s'agit de sa musique, et aussi de la nôtre, de la musique de qualité, pleine de virtuosité, d'idées, de nouveaux sons et de contenu authentique mis en mots et en musique.
Nous avons récemment entendu que plus de 30% des clubs de musique live à Londres sont maintenant fermés, et les chiffres des autres grandes villes européennes s'en rapprochent. Ce n'est pas un problème pour les grosses productions-machines à cash qui s'en sortent, mais c'est un vrai désastre pour les nouveaux groupes qui innovent, viennent avec leurs nouvelles idées, et qui ont besoin d'une audience éduquée à la musique, et ouverte aux nouveautés afin de pouvoir avoir un minimum de succès dans un futur très proche.
Nous espérons donc que beaucoup de gens voudront écouter notre Atlantropa-Project et que nous pourrons le promouvoir au mieux et en concert.
Les media peuvent en ce sens nous aider beaucoup afin de toucher une audience qui aime une musique authentique et composée à la sueur de notre inspiration, ceci afin de la sauvegarder.
Merci beaucoup pour votre support.

Laurent : merci beaucoup pour le temps passé à répondre à nos questions.
Danke schön.

Photos Ortwin Rave et Wahrmut Sobainsky.

Rédigé par Laurent le 11/02/2018