Jean-Christophe : Bonjour !
Lazuli : Bonjour !
Photo Régis Amann
Jean-Christophe : Est-ce que vous vous considérez comme un groupe de rock progressif ?
Lazuli :
Claude - Moi je ne réponds pas (rires).
Dominique - Oui et non, oui dans le sens où la famille du prog est très ouverte, aucun groupe ne se ressemble. Dans ce sens là nous nous sentons faire partie de cette famille mais par contre nous ne nous disons jamais “tiens on va composer un morceau de prog”, “on va faire un morceau hard rock ou machin”, notre démarche n’est jamais là, nous faisons de la musique tout simplement. Et puis après ce n’est peut-être même pas à nous de décider si c’est du prog ou non je crois. Ceci dit, c’est une belle et grande famille dans laquelle nous nous sentons bien.
Jean-Christophe : Qu’est-ce qui explique votre renommée outre-Rhin ?
Lazuli :
Claude - C’est mon physique (rires).
Vincent - Il n’y a pas vraiment de logique je crois.
Claude - Je pense que cela vient de leur culture, leur curiosité. Ils sont toujours prêts à découvrir quelque chose de nouveau.
Vincent - Les français vont aux concerts quand ils connaissent, les allemands vont aux concerts pour connaître, pour moi la différence est là.
Lazuli - Ho c’est beau ! (rires).
Vincent - Même pas préparé… (rires).
Dominique - A ça s'ajoute aussi les programmateurs. On a la chance d’être programmés en Allemagne parce que certains prennent des risques. En France, à part des fous furieux comme ArpegiA, les programmateurs ne prennent pas trop de risques. Mais est-ce qu’il y a un public en France ? Je pense que oui.
Photo Régis Amann
Jean-Christophe : Je vous ai vu au Z7 pour la première de la tournée, vous êtes plus cools maintenant ?
Lazuli :
Vincent - On a réussi à desserrer un peu la mâchoire oui (rires), il y avait aussi le contexte , le fait qu’Ali ait dû se rendre à l’hôpital.
Dominique - Il y avait quelques éléments contre nous ce jour là, on était un peu tendus.
Claude - En plus, du fait que c’était la première.
Dominique - Nous n’avions aucune idée de comment sonneraient les morceaux sur scène, même si tu les as répétés avant.
Romain - Et comment le public allait réagir aussi.
Jean-Christophe : Vous n’aviez pas encore de retours sur l’album ?
Lazuli :
Vincent - Si, mais un album ce n’est pas pareil, en live il faut que l’on arrive à le restituer.
Dominique - Ce concert en Suisse a été l’exutoire, après je crois que ça allait beaucoup mieux.
Jean-Christophe : Vous avez fait beaucoup de dates depuis ?
Lazuli : Dominique - Pas autant que nous aurions aimé, une petite quinzaine.
Jean-Christophe : Quand la plupart des groupes français chantent en anglais Lazuli résiste. Vous restez avec la langue de Molière. Vous ne croyez pas à l’anglais vendeur ?
Lazuli :
Dominique - Peut-être que mon anglais ne serait justement pas vendeur ! (rires). Je crois que cette question, tu ne me l’aurais pas posée si tu m’avais entendu chanter en anglais (rires).
Claude - Après il faut savoir écrire pour l’anglais.
Romain - Adapter les textes à l’anglais ne marcherait pas, l’écriture de Domi est tellement pointue, c’est impossible de l’adapter à l’anglais. Je n’arrive même pas à la comprendre en français (rires).
Dominique - Pourtant il existe une pression sur les textes en anglais, on l’a souvent eue par le passé.
Vincent - Même Fish, lors d’une soirée autour de la vodka, avait essayé. “Je t’aide” avait-il dit à Domi.
Dominique - Il partait du principe que l’anglais nous permettrait de rayonner davantage. Mais le temps passant, je pense le contraire. Il vaut mieux posséder un certain “exotisme” quelque part plutôt que de singer maladroitement les anglophones. La première fois où nous avons joué en Angleterre, nous étions dans nos petits souliers, car je sais que là-bas la langue française n’est pas forcément appréciée. Mais je pense que si tu chantes avec le coeur, peu importe la langue avec laquelle tu t’exprimes.
Jean-Christophe : En Allemagne le public semble plutôt considérer les textes en français comme une des qualités de Lazuli.
Lazuli :
Vincent - Ça doit leur rappeler leur années collège (rires). Non mais sérieusement, en Allemagne, des fans nous on dit avoir repris leurs cours de français de collège pour comprendre nos paroles.
Claude - Ho les gars, y a combien de gamines en France qui ont pris Allemand en première langue à cause de Tokyo Hôtel (rires) ?
Jean-Christophe : Depuis quatre albums, Lazuli s’est réinventé par la force des choses. Est-ce que ça a été difficile de repartir de quasiment zéro, et est-ce que ce fut plutôt une chance finalement avec le recul ?
Lazuli :
Claude - Ca été une chance dès le début, il n’y a pas de doute. Dès que Romain et Vincent ont été là.
Dominique - Oui, dès qu’ils ont été là (rires).
Claude - Après les doutes sont venus (rires).
Dominique - C’est vrai qu’au moment de la rupture, ce fut un séisme, on a pensé à tout arrêter. A qui pourrait-on demander de repartir avec nous ? On pensait à deux personnes et nous n'arrivions pas à en envisager d’autres, Romain et Vincent. On s’est dit, s’ils n’acceptent pas, on arrête. Alors un soir…
Vincent - ils nous ont invité à manger, on a beaucoup bu et on s’est retrouvés embarqués (rires).
Domi - On a tout de suite senti que ça allait être une naissance, même pas une renaissance pour Lazuli. On avait l’impression que tout avait changé à ce moment là.
Gédéric - Pour moi le vrai Lazuli a démarré en 2009, le reste avant, j’ai oublié, même s’il y a eu des beaux concerts et tout ça. Je pense que c’est pareil pour Claude et Domi, depuis que Romain et Vincent sont là, c’est une ouverture, woaw qu’est-ce qui s’est passé ? Et là tout a démarré, je ne dis pas redémarré mais démarré.
Vincent - Moi je suis passé de fan à batteur du groupe.
Claude - Romain ne savait même pas que nous existions.
Romain - Ma copine de l’époque écoutait Lazuli et moi je ne connaissais pas. Je me disais, ils ont trop de barbe (rires), mais ça a changé ma vie, j’ai tout appris avec vous.
Vincent - Il a appris à faire deux fois le même riff (rires).
Romain - Brancher un cable XLR, jack, c’est quoi le MIDI ? C’est quoi un ordinateur ? Je jouais du piano classique.
Jean-Christophe : Il y a une chose vraiment surprenante avec vous en concert, c’est votre bonne humeur.
Lazuli :
Romain - C’est l'alcool (rires).
Jean-Christophe : Je n’ai jamais vu un groupe dégager une telle énergie positive en live. D’où vient cette bonne humeur, ces sourires quand vous jouez, quand vous allez à la rencontre des gens ?
Lazuli :
Romain - Le kiff sur scène, le plaisir d’être ensemble.
Dominique - Il faut beaucoup s’aimer sinon ça ne marche pas.
Claude - Surtout lorsque l’on reste deux mois ensemble dans un camping car, il faut s’apprécier.
Dominique - Je crois qu’il n’y a pas de secret, c’est l’amour qu’il y a entre nous.
Claude - L’amour fraternel je précise (rires).
Dominique - Oui ! Il faut préciser tu as raison, les journalistes des fois... (rires).
Romain - Des fois on est trois dans le même lit (rires).
Dominique - Je crois que nous sommes tous conscients de la chance que nous avons de vivre ce truc là, parce qu’on ne sait jamais de quoi demain sera fait. C’est un des privilèges de l’âge, celui de savoir vivre pleinement l’instant présent. Romain, le plus jeune, a la même philosophie de vie.
Claude - Il est peut-être vieux dans sa tête (rires).
Romain - C’est ça, j’ai dû m’adapter (rires).
Vincent - La première date que l’on a fait ensemble, c’était en Espagne et étions logés dans un hôtel quatre étoiles avec jacuzzi etc. Et le premier truc qu’ils nous ont dit c’est : “Faites gaffe, c’est pas toujours comme ça !” (rires).
Dominique - Justement, si tu n’as pas ce plaisir d’être ensemble, les mauvaises expériences, et il y en a eu, comme l’épisode du camping car à six, peuvent tout détruire.
Romain - On serait juste bien ensemble musicalement, ça ne l’aurait pas fait dans le camping car.
Jean-Christophe : Nos âmes saoules semblait un album rempli de colère avec la violence des mots comme de la musique. La saison 8 me semble plus apaisée même si les textes défendent des idées pas innocentes. La colère est-elle passée, êtes-vous arrivés au stade de la résignation, de la constatation ?
Lazuli :
Dominique - Je n’ai pas ce ressenti là.
Gédéric - Si tu le compares à un album d’Hélène et les Garçons, c’est sûr, c’est un peu plus vieux (rires). Quand il écrit, Domi a toujours cette relation à l’humain, le temps, l’écologie et malheureusement ce sont des sujets qui ne sont pas partis pour s’arranger. Après musicalement, l’album est peut-être un peu plus soft oui.
Dominique - Est-ce que la musique donne une autre impression des textes, peut-être. Après c’est l’âge aussi. Ma colère ne s’apaise pas mais je trouve d’autres moyens pour l’exprimer au même titre que quand j’étais plus jeune, je chantais beaucoup plus fort, plus haut. Avec l’âge j’ai plus envie de dire les choses tendrement. Quand tu cries, on ne t’écoute plus. Est-ce que c’est ce qui se retrouve au niveau des textes également ? Peut-être y-a-t-il plus de mélancolie présente sur cet album.
Jean-Christophe : Quand tu parles des réfugiés dans ‘Les Côtes’, le texte est tout sauf frontal.
Lazuli :
Dominique - Oui, je pense que tu peux dire beaucoup plus de choses en étant moins frontal, avec des métaphores. Le prochain album sera peut-être différent, c’est aussi des humeurs du moment. L’album a été écrit sur une période courte, durant l’été je crois.
Jean-Christophe : Est-ce facile de défendre des idées comme la tolérance, l’écologie, dans la France de 2018 et est-ce que vous n’êtes pas chahutés de temps en temps ?
Lazuli :
Vincent - Ils ont le droit de dire ce qu’ils veulent et nous aussi.
Dominique - Nous avions eu une altercation via Facebook au sujet de Marine. Je pense que le fait de se parler peut changer les choses. Au lieu d’être frontal avec cette personne, je suis rentré dans la discussion et finalement les choses se sont apaisées. Je me dis (peut-être est-ce naïf) qu’il aura fait un pas vers nous, moi j’estime l’avoir fait en n’étant pas trop direct.
Vincent - Il faut rester en accord avec ses idées je pense.
Dominique - Alors est-ce qu’en France tout est perdu ? Non je ne le pense pas.
Jean-Christophe : Qu’est-ce qui est le plus dur en France, sortir un album ou organiser une tournée ?
Lazuli :
Vincent - Sans aucun doute la seconde. Si tu as de l’argent, sortir un album c’est juste une formalité. Enfin... il faut avoir des choses à dire (rires). Après organiser une tournée en France pour nous, à part jouer pour 50 € et des pâtes… Mais si on veut rester intermittents du spectacle et ne pas perdre d’argent c’est plus compliqué. Quand tu vois certains festivals qui demandent de l’argent aux artistes pour être sur scène, pour obtenir des premières parties…
Dominique - Nous avons la chance d’avoir des tourneurs dans d’autres pays, mais pas en France.
Romain - En France il y a principalement de gros tourneurs et quand tu vois les artistes avec lesquels ils travaillent, on se demande si nous avons notre place.
Vincent - La plupart des tourneurs français font jouer les groupes étrangers. Quand tu vois les affiches, c’est un peu le même festival qui se déplace sur tout le territoire.
Jean-Christophe : Pour finir quels sont vos projets ?
Lazuli :
Claude - Partir en vacances (rires).
Dominique - Nous avons des dates qui se profilent en Angleterre fin novembre, et après une grosse tournée en Allemagne et Pologne. Nous avons également commencé à travailler sur de nouveaux morceaux mais pour ça nous avons encore le temps, il faut que Saison 8 vive, et puis nous avons envie de rejouer quelques morceaux plus anciens, nous en parlions justement hier soir.
Jean-Christophe : Merci beaucoup à vous et bon concert !
Lazuli : Merci à toi.
Rédigé par Jean-Christophe le 27/07/2018