Titres
Formation en 2009
Flood of Red
Genre : rock atmosphérique
Musiciens :
Jordan Spiers : chant
Date Gallacher : claviers
Graham Griffith : batterie
Sean McGroarty : guitare
Jonathan Snee : basse
Ross Taggart : guitare
Discographie :
Lost in the Light, EP (2007)
Leaving Everything Behind (2010)
They Must Be Building Something, EP (2013)
Throw (30 juin 2014, Superball Music, produit par Jag Jago)
Les Écossais de Flood of Red ont déjà de la bouteille (normal, penseront certains d’entre vous…). Car si le groupe apparaît officiellement sous ce nom en 2005, les prémices datent de 2003. Plus de dix ans après, avec une flopée de concerts à leur actif, oscillant entre rock alternatif et post-hardcore, un album et deux EP, la palanquée s’est élevée dans les brumes du rock atmosphérique et du Dark rock autour du batteur Graham Griffith. Résultat, signature en 2013 chez Superball Music, label allemand cousin de InsideOut, et dont le catalogue comprend des albums de groupes connus des aficionados du prog (Long Distance Calling, Oceansize, Amplifier…).
Voilà qui nous amène à ce "Throw", composé de 9 titres pour une durée de 44’20", soit un format vinyle qui reprend de plus en plus droit de cité.
Et "Throw" ne manque pas d’arguments : les compositions sont ciselées, les musiciens sont bons, s’étirant entre des ambiances quasi métal et des envolées floydiennes, et le chanteur, sans excès de sa voix haut perchée rappelant parfois Perry Farrell (Jane’s Addiction), surplombe joliment le maelström évanescent.
Il y a souvent un charme particulier chez les groupes ou artistes venant d’au-delà du mur d’Hadrien (dans des styles différents, on pensera entre autres à Cocteau Twins, Franz Ferdinand, Simple Minds, Texas, Pallas, Biffy Clyro, Rod Stewart et, bien entendu, Fish). Et cela se confirme avec notre sextet de Glasgow.
Flood of Red (FoR) a connu pas mal de changements de musiciens. Mais l’effet de la signature dans un excellent label montre sans doute l’accès à la maturité. Comme le suggère la splendide et mystérieuse pochette de Throw, la musique avance elle aussi masquée, faite d’énergie, de précision et d’hallucinations mélodiques. On pourra comparer FoR avec d’autres artistes, car les influences sont nombreuses ; il n’empêche, que ce soit dans ses constructions souvent post-prog, dans sa violence muselée (post-hardcore) ou non (quasi grunge ou pub-rock), dans sa douceur mélodique tiraillée (psychédélique et expérimentale), FoR réussit sur ce disque à se forger une identité nette, impressionnante de maîtrise, de bon goût et d’inventivité.
Throw attaque avec un morceau homonyme commençant faussement planant mais avec une tension sous-jacente illuminée par un bref solo gilmourien acéré, et de subtils changements d’ambiance portés par une rythmique précise, un piano discret et des guitares cristallines. Quelques cris viennent annoncer un final post-hardcore du plus bel effet. La qualité de la production de Jag Jago (The Ghost Of A Thousand, The Maccabees, Mastodon, etc.) est lumineuse : chaque instrument trouve sa place, le disque respire mais le son est épais ; une impression de puissance se dégage de cette entrée en matière, vite suivie par un “Part Truth / Part Fiction” du même acabit, sur lequel la musculature du groupe se trouve un peu plus exposée et plus conforme à ses anciennes productions. La guitare solo, discrète, s’appuie sur un trio rythmique martelé. Le final, simple, mais très travaillé, avec sa guitare cristalline et ses ruptures de rythme rapproche un peu le combo de ses frères d’armes de Biffy Clyro.
La batterie martèle l’intro d’un “Hiding Out” de toute beauté où les arpèges de guitare sont complétés par quelques notes de piano. Les guitares distorsionnées et bourrées d’effets amènent l’envolée douce du morceau. La voix de Jordan Spiers est splendide et vous berce littéralement, ouvrant les portes aux passages instrumentaux millimétrés, bourrés de feeling et de puissance contenue : magique !
“Lashes” demande peu de commentaires (voir la vidéo ci-dessous). Le son de basse est énorme (mention spéciale personnelle au son et au jeu de Jonathan Snee), les cocottes de guitares, les accords plaqués (la complémentarité et la complicité de Sean McGroarty et Ross Taggart sont évidentes), la caisse claire puissante et un refrain à chanter sous la douche font de ce morceau un hit en puissance. Le final, encore proche du meilleur Biffy Clyro, ponctué par un cri d’agonie est dantesque !
Avec “Whispers and Choirs”, FoR dévoile sa face plus dramatique et sentimentale pour venir ponctuer le passage vers la seconde moitié du disque (on n’a pas beaucoup respiré depuis le début). Les chœurs apportent une épaisseur supplémentaire à un morceau où l’armée picte est lâchée au fur et à mesure pour nous laisser pantois et hagards sur quelques notes de piano. Et vlan, un second hit à la volée !
Cinq morceaux de grande facture, et FoR semble casser l’ambiance avec le dansant “Cutting Limes”, très réussi, montrant l’étendue des possibilités du groupe (ici aussi, j’adore les interventions de la basse et sa complémentarité avec la puissance et la précision du jeu de batterie de Graham Griffith). La production de ce morceau est tout simplement monstrueuse !
Et nous ne sommes pas au bout de nos surprises avec “Ye Die, Ye Die.” et l’apparition d’une guitare acoustique enveloppant la voix plus retenue et un tantinet plus basse de Jordan Spiers (on tient là un immense chanteur, c’est pas tous les jours à notre époque !) et des chœurs doux et éthérés. Les interventions du piano et des claviers de Date Gallacher sont merveilleuses de simplicité et de bon goût. La guitare électrique distille un thème psychédélique avant que la rythmique n’apporte un côté plus spatial à l’ensemble, le chant envoyant un “We’re Already Dead” scandé à vous filer le blues pour tout l’été, pour laisser filer les guitares entremêlées ad libitum. Parfait !
“The Treasury (I Have Lost)” ramène vers Biffy Clyro et là encore la production millimétrée de Jag Jago donne une dimension et une âme supplémentaires à ce morceau où les voix font encore des merveilles. C’est à pleurer de mélancolie et c’est bien ce qui est beau…
On termine ce Throw avec un “White Russian” où les claviers (un son de piano électrique bidouillé, des violons) ont la part belle. Dans les cassures, FoR revient à ses premières amours et envoie la purée comme si la vie de chaque musicien en dépendait. Un orgue discret intervient subrepticement, les guitares font de la dentelle, la section rythmique assure et Spiers nous gratifie de belles montées cristallines, laissant les claviers conclurent en douceur…
J’espère de tout cœur que vous êtes arrivés au bout de cette chronique un peu longue - ce dont je m’excuse auprès de vous chers lecteurs (et du rédac’-chef qui me laisse peut-être un peu trop le champ libre et qui va commencer à le regretter) -, mais la beauté diaphane de ce Throw m’a bouleversé. Si les Anglais, toujours capables du meilleur comme du pire, ne pervertissent pas nos chers Ecossais (Ah, la perfide Albion), nous tenons là potentiellement un grand groupe pour le futur.
Dans l’immédiat, avec Throw, Flood of Red fait une entrée remarquée dans la cour des grands. J’y retourne, ça va me faire du bien avant de chroniquer le nouveau (sic) Yes...