Titres
Formation en 2013
I
Kaukasus – Norvège - 2014
Membres actuels :
Rhys Marsh : chants, guitare électrique, piano, basse, Fender Rhodes, Mellotron, batterie électronique, basse.
Ketil Vestrum Einarsen : flûtes (alto et soprano), cor (tenor), hulusi, piano électrique, saxophone, synthétiseur.
Mattias Olsson : batterie, percussions, Mellotron, Orchestron, Optigan, Moog Taurus, VCS3 & Mother modular system, guitare, marimba.
Il arrive qu'à la rédaction, avec tous ces nouveaux albums qui sortent, on ait un peu de retard dans les chroniques. 'I' de Kaukasus, sorti le 5 Mai de cette année, en fait partie. Mais nous arrivons toujours bon an mal an à retomber sur nos pattes.
Kaukasus, c'est un nouveau trio anglo-scandinave originaire des contrées suédoises et norvégiennes. Comme c'est souvent le cas, les trois atomes de ce noyau musical ont déjà gravité longuement (et orbitent encore) autour d'autres noyaux rock divers et variés. Ketil Vestrum Einarsen, à qui l'on doit entre autres les belles sonorités de flûtes, a officié dans le groupe norvégien Jaga jazzist (jazz, trip-hop) de 2002 à 2006. Il est aussi membre actuel du groupe White Willow (art-rock), tout comme Mattias Ollson, aussi membre de ce 'Saule Blanc' solidement planté dans la steppe nordique du rock scandinave. Mattias a aussi joué avec le groupe suédois Anglagard (rock progressif) jusqu'en 2012. Rhys Marsh, troisième élément de ce 'trépied' - comme ils aiment à se définir sur leur site officiel – , avec son activité débordante, semble être partout à la fois : album solo le mois dernier (chroniqué par Togo Chubb le 8 novembre dans nos colonnes), contribution à d'autres projets (The Opium Cartel, Trouble Over Tokyo), sans oublier ses racines londoniennes qu'il continue à cultiver sans relâche : nouvel album en 2013 avec le groupe The Autumn Ghost (métal progressif), nouvel album en gestation avec le groupe Mandala … ça va, vous suivez ? On comprend mieux dans ces circonstances que l'album opus 'I' ait été enregistré à distance, chaque musicien ajoutant instinctivement sa patte musicale et intuitive au fur et à mesure de la découverte de la contribution des autres.
Photo: Andreas Ulvo
Une géographie scandinave, des groupes de rock nordiques, un album caucasien, une pochette filigranée par une rivière bordée de cimes enneigées, les quartiers de lune du livret éclairant ces paysages montagneux par une nuit claire … il est temps de remettre une petite laine.
Au risque de reprendre une ficelle usée jusqu'à la corde, nous avons là un nouvel OMNI (Objet Musical Non Identifié). Au petit jeu des ressemblances musicales, que j’essaie d’user avec parcimonie, mais qui permet à nos lecteurs, je l'espère, d'obtenir quelques repères pour se faire une idée, j'y ai retrouvé, par exemple, dans 'Lift The Memory' une belle introduction que Genesis n'aurait vraiment pas renié. 'In the Stillness Of Time', avec son entame électro-pop, commence comme un Orchestral Manoeuvres in the Dark. 'Starlit Motion', avec ses longues mélopées synthétiques graves et aigües d'étoiles filantes, m'a replongé dans les ambiances de Vangelis. Mike Oldfield est venu à son tour s'inviter sur les marimbas et les clochettes de 'Reptilian'.
J'ai aussi bien aimé les flûtes qui émaillent les différents titres, elles sont vraiment superbes. Ce sont d'ailleurs elles qui commencent l'album, des sortes d'esprits, de feux follets qui fuient sans demander leur reste devant une sombre machine, un orage cataclysmique qui tombe soudainement et avance sans discernement, annonçant l'obscurité totale.
Cette noirceur a avalé le temps, le passé et la mémoire dans le titre suivant : une horloge chronomètre qui essaie de décompter le temps, une voix qui, entre les échos d'autres fantômes, constate sa solitude glacée, un petit motif oriental …. Mais où est-on ? Nous sommes perdus. Là est tout le délicieux mystère. Les guitares, comme un vieux moteur rouillé délaissé dans ce paysage déserté, essaient de redémarrer le temps, mais peine perdue. Celui-ci hoquète, l'éternité reste suspendue, comme un disque rayé qui tourne en boucle.
Vous l'aurez compris, oubliez tous vos repères, il n'y en a pas. Cette sensation de temps suspendu dans un endroit indéfinissable, à l'image du fil électronique de 'Starlit Motion', du cheveu de cristal suspendu dans l'air, vous le retrouvez dans tout l'album. Nous sommes dans des solitudes glacées, dans un univers minéral, un désert montagneux enneigé, sans passé, sans futur, avec uniquement l'immobilité de l'instant présent qui est là. Les flûtes, par leur motif hypnotique, dressent devant nous des remparts de cristaux de glace géants dressés vers le ciel, à moins que ce ne soit une forêt de pics rocheux, ou une foule de crevasses infranchissables. Dans cette absence de repères connus où tout est à recréer, le cerveau 'Reptilian' se met en marche. Où sommes-nous ? Dans l'Himalaya ? Dans les steppes mongoles ? Au Japon ? Chez une ethnie africaine ? Nulle part ? Une alarme, tel un sonar, un SOS soudain, des voix d'outre-tombe, le chaos distillé par les flûtes nous font encore une fois sombrer dans un no man's land indéfinissable. Ce sont ces mêmes flûtes qui annoncent timidement une petite percée de lumière. Un nouveau créateur ? ("He will come alive to create us, when the morning fails to wake us, coming faster now inside us, light will never see behind us.")
'The Witness' est ensuite un bel instant de méditation encore suspendu dans le temps, entre guitare, flûte feutrée et piano. Le dernier titre, quant à lui, est un long crescendo prenant de plus en plus de puissance: les flûtes et les percussions s'envolent, la basse prend de plus en plus d'importance. Les voix annoncent une terre vivante, un ciel qui reprend sa signification. Une nouvelle aube d'espoir ?
Cet album a été composé et enregistré en deux semaines. Après écoute, on imagine et on comprend aussi mieux que les élans vitaux des artistes, la fulgurance des idées sonores et ambiances musicales ont été totalement conservés, non retouchés, gardés intacts, à l'image d'un peintre couchant frénétiquement sa peinture sur un support encore vierge. Nul doute que l'originalité de cet album trouve une part d'explication dans cette énergie créatrice.
J'avoue que la surprise agréable de la découverte passée, la magie n'a pas opéré et n'a pas grandi au fil des écoutes. En tout cas, par ses structures et son ambiance musicales, cet album dénote vraiment et donne du plaisir même s'il peut être déstabilisant. Une comète qui zèbre de son passage le ciel de la planète rock. Une comète qui repassera. Le nom de cet album, ainsi que les mots de Mattias Olsson ("Nous sommes déjà curieux à propos du prochain album. Ce n'est pas un objet issu d'une rencontre d'un soir, c'est un projet à long terme") ne laissent planer aucun doute à ce sujet.
Site: http://kaukasus.no
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Vidéo :