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Homebound
Kristoffer Gildenlow - Homebound
Titre : Homebound
Groupe : Kristoffer Gildenlow
Sortie : 2020
Label : New Joke Records
Format : CD
Genre : Progressif

La chronique note de la chronique
Les évaluations Evaluations
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Titres

  • Eternal
  • Holy Ground
  • Like Father, Like Son
  • Infected
  • Snow
  • Our Home
  • I Cried Today
  • Chelsea Hotel #2
  • You Need Not Stay (Away)

Formation en 2012

Kristoffer Gildenlöw [chanteur,guitariste,bassiste,clavier]

Avec Dirk Bruinenberg et Jeroen Molenaar [batterie] Fredrik Hermansson [piano], Marcel Singor et Paul Coenradie [Guitare], Joris Lindner [orgue Hammond] Maaike Peterse et Anne Bakker [cordes], Ola Sjönnerby [cuivres], Jan Willem Ketelaers et Erna auf der Haar [chœurs].

En 2006, Kristoffer Gildenlöw, après cinq albums et deux lives, quitte Pain Of Salvation, formation qui selon moi synthétise tout ce qui se fait de mieux en matière d’art musical. Je n’ai jamais rien trouvé de mieux : leur capacité, leur génie, à dépeindre et redéfinir le spectre des émotions reste à ce jour totalement inégalé. Alors vous imaginez, lorsque j’ai vu un album marqué du sceau Gildenlöw, je n’ai pas réfléchi longtemps. Kristoffer est en effet le jeune frère de Daniel, subtil et imprévisible compositeur de Pain Of Salvation. Dès lors, on ne peut s’empêcher de penser qu’il n’a sûrement pas dû être facile pour lui d’assumer son statut d’artiste. Passer derrière celui à qui tout réussit n’est pas la place la plus confortable qui soit. Sa désertion en 2006 a donc quelque chose de courageux. Kristoffer a simplement choisi de suivre une autre voie, celle qui lui correspondait véritablement. Ce choix aurait pu signer sa fin, le précipiter dans l’oubli, mais non, depuis son départ il est resté très actif et nous prouve encore aujourd’hui, avec Homebound, son troisième album solo, quel bel artiste il est.

Kristoffer Gildenlöw
Tout d’abord, arrêtons-nous un instant sur une partie de sa discographie (post Pain Of Salvation). Après avoir monté en 2007 le projet Dial avec des membres de Cirrha Niva (metal progressif théâtral hollandais), Kristoffer a enregistré en 2008 un album avec les suédois d’Harmony (metal mélodique d’obédience chrétienne) puis a retrouvé son vieil ami Devon Graves (Psychotic Waltz, Deadsoul Tribe) sur l’énergique et très inspiré Behind The Black Veil de The Shadow Theory. 2011 marque aussi le début de sa collaboration avec For All We Know, le projet prog metal (c’est un peu réducteur, désolé pour les fans) de Ruud Julie le guitariste de Within Temptation. Il enregistra deux albums avec lui. Parallèlement, il entamera sa carrière solo en publiant en 2012 Rust, inspiré par une période difficile de sa vie, et The Rain en 2016 dont le concept raconte l’histoire d’un homme combattant sa démence… Et oui, avec Kristoffer les sujets n’invitent pas à la fête. Plus récemment, et il convient de le souligner, il a également rejoint les rangs de Kayak, formation culte de rock progressif néerlandaise formée en …1972 ! Avec un tel parcours, on serait tenté de dire que notre artiste multi instrumentiste s’est quelque peu éparpillé, mais je préfère mettre la lumière sur le bassiste recommandé et demandé qu’il est, sur l’homme au talent indéniable avec lequel on a envie de travailler. Et puis sa voie, il commence à la dévoiler très nettement sur ce nouvel album solo.

En effet, avec Homebound, Kristoffer affine un peu plus son écriture. Accompagné de nombreux invités, il nous conte sept histoires (sans compter l’introduction et la reprise de Leonard Cohen), sur fond de rock quasi exclusivement acoustique et soutenu par divers instruments (clavier souvent, basse et batterie parfois, cordes et cuivres sur deux titres). La connexion avec la nature, l’éducation parentale, la fragilité de l’être humain, les choix qu’il a dû faire ou encore le côté sécurisant et vivifiant du foyer familial dans lequel on a été élevé (Homebound peut se traduire par “à la maison”) sont les thèmes abordés sur cet album probablement en partie autobiographique. D’ailleurs la pochette, qui autorise une double lecture, est assez explicite et symbolise parfaitement ce dernier point : rentrer chez soi pour prendre sa dose d’encouragements et regonfler ses ambitions, ou quitter ce foyer fortifiant, pleinement rechargé pour vivre de nouvelles expériences (“Home is where your spirit is” comme nous pouvons le lire dans la présentation du morceau ‘Our Home’). Ainsi, sagesse et philosophie se mêlent sur ces compositions sincères. Qu’elles soient tristes ou lumineuses, empruntes de sérénité ou animées de désespoir, les chansons de Kristoffer sont globalement calmes. Avec sa voix chaude et impeccablement maîtrisée, il démontre qu’il domine ses émotions. C’est peut-être à ce sujet que l’on peut émettre une première critique. L’ensemble est presque trop … tendre, inoffensif. Si le suédois module son chant à la perfection, ne vous attendez pas pour autant à d’impressionnantes montées dans les aigües ou à des passages énervés. On espère, on attend parfois un cri du cœur, une accélération, un emportement, un rebondissement mais l’encéphalogramme n’oscille que de façon nuancée. Rassurez-vous, nous n’en ressortons pas non plus alanguis, il faut simplement être dans un état d’esprit particulier au moment d’aborder cet album, quelque part entre la contemplation, la nostalgie et la mélancolie. Ce constat ne m’a toutefois pas empêché d’apprécier les compositions et d’être admiratif de l’interprétation qui en est faite. Les arrangements et ambiances ont été peaufinés jusque dans les moindres détails. Le Suédois est perfectionniste !

Avant de parler des neuf titres, une dernière précision : Kristoffer a d’ores et déjà enregistré un quatrième album solo plus “dur, symphonique et inquiétant’’ qui devrait être publié dans l’année.

Allez, plongeons-nous dans l’ambiance. L’album s’ouvre avec la respiration apaisée de Kristoffer, des chants d’oiseaux, quelques nappes de synthé en fond et le violon d’Anne Baker. ‘Eternal’ est lancé et introduit de façon mystique ‘Holy Ground’. A mon sens, le titre le plus réussi de l’album. Avec ses quelques arpèges, son atmosphère vaporeuse et un chant à vous filer la chair de poule doublé d’échos tout aussi savoureux (une des spécialités des frères Gildenlöw), Kristoffer tape fort d’entrée. Doté d’un refrain lumineux, ce morceau hommage à Sa terre sainte, démontre l’amour inconsidéré qu’il porte à la nature. Mais pourquoi diable ne pas avoir choisi ce titre pour promouvoir l’album ? Quel dommage de se retrancher sur une chanson disons, plus commerciale. En effet, c’est ‘Like Father, Like Son’ qui aura le privilège d’être soutenu par un joli clip. Une ballade typique des années 80 aux contours country non dénuée de charme certes, mais à la construction plutôt conventionnelle. ‘Our home’ et ‘I Cried Today’ avec leurs mélodies immédiatement mémorisables s’inscrivent dans la même veine. Les chœurs d’Erna auf der Haar et de Jan Willem Ketelaers apportent indéniablement un plus à ‘Our Home’. En revanche, la répétitivité des paroles de ’I Cried Today’ finit par desservir le morceau. On accroche au début mais on s’en lasse rapidement. Un titre trop évident.



A l’instar de ’Holy Ground’, le sensible et éthéré ‘Snow’ transperce l’auditeur. Kristoffer simplement accompagné de son clavier, illumine de sa voix ce titre électro aérien dans lequel il évoque les premiers flocons de neige qui recouvrent, dans la froide nuit noire, la mort et toute cette folie, juste pour un moment… Un pur instant de poésie musicale et une interprétation magistrale. Une vidéo de ‘Snow’ vient récemment d’être mise en ligne. Un choix judicieux !

‘Infected’ mérite également le détour. Ola Sjönneby (cuivres), développe une atmosphère épique tout en retenue, savamment déposée en fond et amplifie l’atmosphère western de ce titre sombre mais plus rythmé. Évoquons également le court mais beau ‘You Need Not Stay (Away)’ sur lequel Kristoffer est rejoint par son ancien comparse de Pain Of Salvation, Fredrick Hermansson, au piano. Une note de légèreté toute relative pour refermer cet opus puisque cette conclusion touchante se situe à la frontière de l’espoir et de la tristesse.

‘Homebound’ mérite vraiment qu’on prenne le temps de l’écouter. Kristoffer délivre une prestation impressionnante de justesse et a soigné son “produit” jusque dans les moindres détails. Je n’ai pas été sensible à tous les titres, vous l’aurez compris, mais il y a suffisamment de beaux moments d’émotions pour en faire un album au-dessus de la moyenne. Et puis si vous n’êtes pas totalement convaincu du talent de notre homme, écoutez ‘Chelsea Hotel’, l’admirable reprise hommage de Leonard Cohen.


Rédigé par Alexandre le 27/07/2020
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