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The Game of Ouroboros
THEO - The Game of Ouroboros
Titre : The Game of Ouroboros
Groupe : THEO
Sortie : 2015
Label : Generation Prog Records
Format : CD
Genre : Progressif

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Titres

  • The Game Of Ouroboros
  • The Blood That Floats My Throne
  • Creatures of Our Comfort
  • These Are the Simple Days
  • Idle Worship
  • Exile

Formation en 2010

Jim Alfredson [chanteur,clavier], Gary Davenport [bassiste], Kevin DePree [batteur], Jake Reichbart [guitariste], Thomas MacLean [guitariste,bassiste,clavier]

Invités:

Zach Zunis : guitare ('The Game of Ouroboros')
Greg Nagy : guitare ('The Game of Ouroboros'), voix et guitare ('Exile')


Cerné par des murs de gratte-ciel, un individu minuscule monte un escalier sans fin sous une main toute puissante. Un homme seul, écrasé par un environnement gris, froid et impersonnel. Il n'en fallait pas plus pour flairer de nouveau un regard critique sur notre monde occidental. Que voulez-vous, ces sujets ne manquent jamais d'attirer mon attention.

Theo, c'est le nouveau bébé de Jim Alfredson, un organiste compositeur de la région des Grands Lacs qui s'est mis au clavier dès son enfance, dans un environnement familial très musical. Des claviers, il semble depuis qu'il en ait déjà tâté pas mal : orgue (traditionnel, Hammond, dont le fameux B3), harmonium, piano, piano électrique (Wurlitzer, Rhodes), piano numérique, synthétiseur… les plus calés d'entre vous sur ce sujet apprécieront. Jim est même allé jusqu'à enregistrer sur un des titres un 'vrai' orgue Skinner de 1928 (répertorié pour son intérêt historique) d'une chapelle d'un collège environnant. Outre sa participation multi casquettes (producteur, directeur musical, ingénieur son, organiste, claviériste, accompagnateur au chant) dans de nombreux projets, il a de plus fondé en 2000 le trio de jazz Organissimo. Bon sang ne saurait mentir, cette influence jazzy, qui fait entre autres le sel de cet album, se retrouve savamment saupoudrée dans cet album.

Theo

The Game of Ouroboros est un album autoproduit, qui a fait appel à une campagne de souscription pour sa sortie, le 27 Janvier prochain. Ici encore dans cet album on retrouve techniquement et musicalement une bonne partie de ce qui fait l'identité du progressif. Une petite heure de musique pour six titres, et un peu moins de sept minutes pour le titre le plus court. Ainsi qu'une mention toute particulière pour la gestion du silence, qui permet de belles articulations rythmiques et musicales. Ouroboros, le serpent qui se mord la queue dans les premières pages du livret (le cercle bleu), est un symbole que l'on retrouve couramment dans les différentes mythologies et cultures du monde. Il représente le caractère cyclique de la vie, l'éternel retour des choses, la finitude du monde. Ca, c'était pour la petite touche culture de cette chronique, histoire que vous vous couchiez un peu plus instruit ce soir.

Nous sommes en 2023. La société entière est dans les mains de l'entité Conglobocorp. Pas besoin de vous faire un dessin, on plonge tout de suite dans l'ambiance avec le premier titre. Un appel au centre de services Conglobocorp, une technologie qui permet de tout savoir de la personne qui appelle. Personne qui souhaite parler à une personne en chair et en os. La demande de renseignement sera mise en attente jusqu'au troisième titre de l'album, et on sent intuitivement dès le début que cet appel n'aboutira à rien de bon. Les claviers distillent une ambiance de science-fiction troublante, le sentiment d'angoisse et d'emprise est total. Quelques notes de piano qui s'envolent, et la batterie annonce les couplets sans appel ('We own your very life / we own the shit you eat / watch the screaming media, we own it anyway / we make and break the rules'). La petite musique d'accueil ridicule, ainsi que la voix burlesque d'un porte-parole pitoyable, aux ordres de la machine tentaculaire, donnent le recul sur la critique sous-jacente. Après une période d'accalmie, une belle relance à la guitare annonce une superbe section syncopée aux claviers.

Juste le temps d'avaler un morceau de novlangue d'attente téléphonique, et nous revoici plongés dans les affres de l'angoisse avec 'The Blood That Floats My Throne'. Le rêve d'un homme assis sur sa montagne de billets, regardant ses fondations plongées dans un mélange indéfinissable de pétrole, de formes humaines rampantes, de sang et de sueur. Après les paroles égrenées très distinctement en une sorte de constat détaché, ce titre fait vraiment la part belle aux claviers. Un festival de claviers et de percussions montant crescendo, ainsi qu'un vrai orgue (le fameux Skinner de la vidéo ci-dessous) qui se détache de l'ensemble et finit en un climax, un accord messianique semblant annoncer le jugement dernier pour cet homme dont 'La couronne de privilèges est la croix que nous portons'. L'automate au bout de la ligne téléphonique en profite pour se remanisfester de façon inquiétante en nous disant justement de ne pas s'inquiéter…



'Creatures of Our Comfort' est un titre plus léger, à la structure plus classique. Ce titre dresse le constat d'une société décadente qui s'écroule, chacun vivant replié sur lui-même, rejetant la faute sur l'autre, discutant beaucoup mais n'agissant plus, englué dans le confort matériel, ceci dans un système de choix binaires. Le refrain ('Break out the drums') ainsi que le dernier couplet invitent à un réveil salutaire, une lueur d'espoir qui ne dépend que de la population.Ce coup-ci, le robot téléphonique vous souhaite une bonne journée après, suite à ce qu'il considère comme un 'problème', vous avoir lancé sympathiquement aux fesses une de ses équipes.

'These Are The Simple Days' nous replonge en 2014. Un simple petit motif répété au piano, et immédiatement la nostalgie s'invite.Sur un mur d'écran tactile façon Matrix, on y revoit la maison familiale. Ce titre a la douceur sucrée des souvenirs d'enfance, de l'insouciance, des jeux au grand air et des rires dispersés au soleil, entourés de la bienveillance et de l'amour familiaux. Tout concourt à ce bon moment: les chœurs empathiques, la basse qui s'invite doucement, un petit feston électronique, la batterie légère en sourdine, la guitare acoustique cristalline et effacée. Un petit solo de nappe électronique, et de nouveau le silence avant de reprendre le motif de départ. Un tel décalage entre des murs froids d'acier et de verre, et une maison pleine de vie qui n'est plus…. la tristesse n'est pas loin. Ce titre n'a rien de heurté, est peut-être un peu conventionnel, mais la recette est éprouvée et marche toujours. Impossible de ne pas penser à son enfance et à la vie qui avance … Ouroboros n'est vraiment pas loin.

'IdleWorship', un des meilleurs titres de cet album du haut de ses 13 minutes, remet du punch et des ondes positives. Un titre jazzy, une belle introduction mêlant les changements de rythme et les interventions de guitare électrique. C'est le grand jour pour un entraîneur de football (à moins que ce soit un joueur) qui, l'excitation de la rencontre passée, perd le match et se demande comment ce qui devait être un bon moment de divertissement, deviendra une sorte d'humiliation auprès de ses collègues, qui ne vont pas manquer de lui rappeler le lendemain sans aucun sens de la nuance. Un silence, et les paroles laissent la place à un superbe solo d'orgue jazzy, à se demander s'il ne s'agit pas là d'une improvisation. Un nouveau silence, deux accords au piano, le rythme de départ reprend et l'on finit avec une conclusion éblouissante. En tout cas, l'Escalator rempli de personnes numérotées m'a furieusement fait penser à la pochette du dernier Riverside.

Avec 'Exile', il semble que l'on retrouve le magnat du second titre, qui, suite à un événement que votre fidèle serviteur n'a pas vraiment réussi à décoder (un témoin gênant ? un meurtre ? des menaces ?), est obligé de s'exiler pour échapper à un jugement. En tout cas il lui est arrivé de sérieuses bricoles. Le roi déchu de son trône et de sa couronne se retrouve alors au milieu d'étrangers, anonyme, inconnu, tel une 'goutte d'eau au milieu de l'océan', de nouveau seul. Le piano joue là encore une part prépondérante dans la première partie de ce titre, bien épaulé par la basse. Les moments de tension et de détente varient au gré de l'état du personnage, de sa perte de statut jusqu'au moment où il s'aperçoit qu'il est finalement libre du système dans lequel il était totalement prisonnier. Après un silence apaisé, quelques coups de boutoir annoncent une nouvelle ouverture, un jour nouveau. Une belle conclusion menée tambour battant aux claviers. Il semblerait bien que l'horizon froid et impersonnel des buildings se soit un peu effacé.

Jim Alfredson, qui a été biberonné aux Yes, King Crimson, Genesis, Pink Floyd et consorts, considère Tony Banks comme influence majeure pour son jeu aux claviers. Selon lui, la sphère du rock progressif a une teinte trop métal, et il souhaite par cet album remettre sur le devant de la scène les claviers, qui ne doivent pas être qu'un instrument dans un coin de scène accompagnant le chanteur. A l'écoute de cet album, on peut dire que le pari concernant les claviers, d'une rare variété, est totalement réussi. Après de nombreuses années de carrière teintées de jazz / blues, il n'est pas usurpé de parler pour Jim d'un retour aux sources. Une façon de rappeler que le serpent Ouroboros est là encore bien présent.

Voilà, vous l'aurez compris, j'ai été conquis par cet album. Ne soyez pas effrayé(e) par les sujets abordés (personnellement ça peut me plomber un peu pour tout vous dire). Faites ce qui vous semblera bon, mais ce serait vraiment dommage de ne pas prêter une oreille très attentive à cette nouvelle création.

Break out the drums, break out the drums !

Site: http://www.theohq.com

Facebook: https://www.facebook.com/pages/THEO/656605707769844

Video :


Rédigé par Laurent le 21/01/2015
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