Jean-Christophe : Alors Julien, parles nous de Wolve ? Qui êtes vous, comment est né le projet ?
Julien : Hello pal,
Wolve est mon projet musical. Les trois autres musiciens qui m'accompagnent sont David Dutoit à la basse, Sacha Lounis à la batterie, Alexandre Aguilera à la guitare, je suis moi-même au chant lead/guitare.
Le projet est né très naturellement, J'étais auparavant dans un autre groupe mais le travail se révélait plutôt frustrant. On avait quand même fait faire pas mal de choses ensemble, plusieurs dates de concert, l'enregistrement d'un EP et notamment un concert en Allemagne, du côté de Cologne.
Mais j'ai très vite eu envie de faire quelque chose de plus personnel qui me permette de repousser davantage mes propres limites. J'étais encore en école de musique et un jour j'ai simplement prit ma gratte, un Bic et mon carnet pour commencer à composer quelque chose qui me corresponde davantage.
Jean-Christophe : De quels horizons venez-vous, un métier une famille, j’imagine que Wolve n’est pas votre gagne pain, pas encore du moins ?
Julien : Ça fait beaucoup de questions dans la même question!
Je suis à 50/50 Corse et Auvergnat exilé à Paris. Mes parents ont des affinités très fortes avec la musique, sans toutefois être musiciens eux-mêmes. La sensibilité artistique est assez développée dans notre famille, mon parrain par exemple étant réalisateur de films français.
Pour les autres musiciens, Sacha est encore étudiant à l'école de batterie Agostini, Alex et David sont passionnés par la musique mais elle n'est pas leur activité principale, bien que celle-ci leur laisse le temps nécessaire pour s'adonner à leur passion.
Jean-Christophe : D’où vient le nom du groupe, c’est vrai quoi, on a le droit de savoir ?
Julien : Bonne question… La recherche du "bon nom" c'est un peu comme une quête du Graal : "Comment définir en un mot ce que je fais et qui je suis?"
Loup est un nom que l'on m'a souvent donné dans différents contextes et qui à fini par s'imposer assez rapidement.
Loup illustre assez bien comment je voulais écrire ce projet. Je me suis beaucoup documenté sur les différentes significations du mot en anglais. L'une d'entre elles se rapportait notamment à un type de comportement assez précis, qui reflétait exactement ce que je voulais transmettre. Wolve : se comporter comme un loup.
Jean-Christophe : J’ai cru comprendre que c’était au tout début un projet solo, ton projet Julien. Comment passe t-on de ce travail solitaire à une collaboration avec d’autres musiciens, David, Sacha et Alex en l'occurrence, est-ce facile ?
Julien : C'était à double tranchant. On a auditionné beaucoup de gens, il y a eu quelques clashs mais heureusement on a pu trouver les bonnes personnes. Trouver les bonnes personnes m'a permis d'écouter leurs idées et opinions et du coup d'enrichir mon projet. Il y a du tri bien entendu, parce qu'il faut répondre à la recherche d'un son. Mais la formation actuelle s'avère efficace, à partir du moment où l'on respecte tous le travail d'autrui, on écarte d'emblée la majorité des problèmes de ce genre de situations.
Jean-Christophe : Quelle a été l’implication de David, Sacha et Alexandre sur Sleepwalker et quelle sera leur rôle futur dans le groupe maintenant que vous êtes quatre, est-ce que cela va être plus facile ou plus dur, et pour qui ?
Julien : Sur Sleepwalker, c'est un projet perso, les membres ont donc été recrutés après la réalisation de l'album. Leur implication sera différente, j'espère, sur nos futurs projets! J'aurais du mal à deviner comment les choses se passeront pour la suite !
Jean-Christophe : Vous en êtes encore à la pré production puisque le master est terminé et que quelques CD ne vont plus tarder, vous allez faire une première scène le 29 janvier au Buzz à Paris, vous prévoyez d’aller en province, de sortir l’album en numérique puis peut-être en vinyle, comment gérez-vous tout cela ?
Julien : En fait le 29 janvier sera notre troisième scène ;-) et j'ai le plaisir de t'informer que nous y présenterons également officiellement notre album qui vient d'être pressé.
On a déjà fait quelques tours de chauffe depuis fin Novembre car l'album est un peu complexe à jouer tel quel en live, mais c'est très intéressant car cela laisse une grande part à l'interprétation, une sorte de relecture de l'œuvre en quelque sorte.
Nous avons également plusieurs dates qui se dessinent, notamment le 13 mars à l'OPA à Bastille (Paris) et le 17 mai à la Chaouée à Metz avec Domino & the Ghost.
Nous chercherons ensuite à privilégier le booking de dates en dehors de Paris. Nous avons envie de convaincre un large public, et cela passe forcément par le live.
C'est très prenant, très exigeant et stimulant. On fait avec les moyens qu'on a, Facebook notamment, en cherchant à renforcer notre communauté, tout en restants cohérents par rapport à l'univers de notre projet.
Nous avons la chance d'être très soudés, on prend les choses très "step by step", et nous nous sommes bien réparties les tâches pour être plus efficaces, avec chacun son super pouvoir.
Jean-Christophe : L’enregistrement a été épique semble-t-il, tu nous racontes ?
Julien : L'enregistrement s'est… passé… comme dans tout projet, cela demande du temps, de la persévérance et de la patience.
Suite à l’aventure avec mon précédent groupe, j’ai décidé de faire quelque chose de plus personnel avec ceux qui voudraient me suivre. J'ai commencé à enregistrer des maquettes dans mon home studio. Le batteur de l'ancien groupe a apporté une participation non négligeable au niveau de la rythmique.
Le réalisateur, Brice Chandler, était notre ingé-son sur l'EP du groupe précédent. J'étais resté en très bon contact avec lui et lui ai fait écouter des bouts de maquettes qu'il a trouvées intéressantes.
Finir l'écriture de ce projet m'a prit deux ans et demi. Je suis très perfectionniste et voulais que les maquettes soient parfaites ou du moins… les plus représentatives possible. Cet état d'esprit présente des avantages et des inconvénients… donc j'y ai passé beaucoup de temps... Ce fut un peu le "pré-album".
À terme nous avons décidé de commencer l'enregistrement. Nous ne voulions pas le faire en studio qui implique souvent des contraintes de temps et d'argent... nous voulions nous donner du temps pour bien faire les choses.
Nous sommes donc parti dans une maison en Basse Normandie - mes souvenirs me chuchotent que le chemin menant à la maison s'appelait "La roquerie" - bon présage en soi... du côté de Honfleur.
Isolé, nous avons pu faire de la musique 24h/24 pendant près d'un mois et demi, période pendant laquelle j'ai enregistré toutes les parties guitares. L'idée était de créer des textures. Nous avons également épuré l'album, qui à la base devait être plus long, afin de trouver la durée qui le mettrait le plus en valeur... ni trop long ni trop court, pas de temps mort.
Je suis ensuite parti en Afrique pour peaufiner mes textes, puis à mon retour nous avons enregistré en studio les batteries avec Julien Patoue, certaines basses par moi même ainsi que des parties pour violoncelle superbement interprétés par Gulrim Choi
Une bonne partie des voix de l'album a été enregistré chez moi, puis, nous sommes allés dans un autre studio pour peaufiner à notre rythme les derniers arrangements. Rafael Leroy, un jeune bassiste à d'ailleurs enregistré le reste des basses dans ce studio, il a vraiment fait un excellent travail.
Tout était en boîte, nous pouvions enfin entamer le mixage... notre réalisateur s'en est très bien sorti. Nous souhaitions tous être satisfaits de notre travail et je crois pouvoir dire mission accomplie.
Ce fut une expérience humaine extrêmement enrichissante et par dessus tout un accomplissement, pour, je le pense, la plupart d'entre nous.
Jean-Christophe : Sleepwalker est un concept album, c’est pas un peu gonflé de commencer sa carrière de groupe par ce genre d’exercice ? Même pas peur où alors s’agissait-il d’une pulsion créatrice irrépressible ?
Julien : La question ne s'est pas vraiment posée. C'est venu très naturellement et comme dans tout ce que j'ai toujours fait avec le besoin de conter une histoire.
Mon parrain est un metteur en scène français et j'ai baigné très tôt dans le milieu du cinéma qui me passionne également. Je pense que ce n'est pas anodin…
Jean-Christophe : D’ailleurs, en parlant de concept, tu nous racontes un peu l’histoire en quelques mots ?
Julien : La meilleure réponse, je crois, est la suivante : je n'ai pas de réel intérêt à le raconter mot pour mot car c'est une histoire aux multiples facettes. Doublé du fait qu'elle soit personnelle dans les situations évoquées. Je pense que celui ou celle qui écoutera l'album pourra, après quelques écoutes, avoir sa propre vision des choses en fonction de son vécu. Je peux juste te dire que le thème de l'album peut-être perçu comme un voyage a travers la fin d'une chose, car tout à une fin pas vrai ? Et à toute fin il y a un début, irrémédiablement une naissance. Pourquoi la mort serait une fin en soi ? Pourquoi ne serait-elle pas un voyage ? et c'est cette notion de voyage qui est importante dans le propos de l'album car rien n'est prévisible… trois univers se distinguent, quelque part sur terre, quelque part sous l'océan et quelque part au delà des étoiles lointaines…
L'idée était de définir cet instant, la rupture qui, je pense, n'est pas vraiment quantifiable. Je brouille un peu les pistes mais je ne pense pas qu'il y ait grand intérêt à expliquer plus en détail… Libre aux gens d'entendre et voir les couleurs que cela leur évoque. Peut-être même y trouveront-ils ce qu'ils y amèneront…
Jean-Christophe : Comment classeriez-vous Wolve musicalement, progressif, alternatif, crossover ? Votre musique navigue en effet sur pas mal de genres.
Julien : Tu as raison, nous naviguons sur beaucoup de genre. A titre personnel je dirais du rock alternatif par nos influences, progressif par le format et un certain mélange de genres... mais rien n'était vraiment prémédité.
Jean-Christophe : Quels sont les artistes qui vous ont le plus influencé et ceux que vous écoutez maintenant ? Et puis tant que l’on y est, qu’est-ce que vous détestez ?
Julien : J'ai grandi au milieu de la musique très éclectique qu'écoutaient mes parents. Ma mère est très jazz et mon père lui très blues-rock.
Quand j'étais adolescent je suis tombé dans le grunge, le rock alternatif et autres dérivés comme beaucoup de jeunes de ma génération…
J'écoute tout ce qui me touche, en ce moment trois albums tournent dans ma platine: Beck – Sea Change, Massive Attack - Mezzanine (je ne m'en lasserai jamais) et les nocturnes de Chopin interprétées par Nelson Freire qui est un très beau disque.
Pour les autres membres de WOLVE, je sais qu’ils écoutent de tout.
Plus spécifiquement, Alex est plutôt orienté métal mais je pense qu'il est très punk dans l'esprit, il aime ce qui est fait avec les tripes et je suis un peu pareil pour le coup.
David est un grand fan de Pete Trewavas et Marillion, je pense que tu t'entendrais à merveille avec lui ! Sacha écoute de tout et a de très bons goûts !
Je vais parler pour moi, il n'y a pas d’artiste que je déteste dans la mesure où, lorsque je ne suis pas touché... j'oublie aussitôt.
Peut être un contre exemple pour satisfaire ta curiosité: allume la radio, une partie de la réponse est là.
Jean-Christophe : Je serais curieux de connaître un peu le parcours du combattant en France pour sortir un album, trouver un label, des salles, un public. Comment est-ce que ça se passe et quel investissement cela représente au quotidien ?
Julien : C'est une très bonne question et "Parcours du combattant" est une excellente métaphore.
Il n'y a pas vraiment une méthode mais des millions, autant qu'il y a d'artistes sur notre planète.
Dans un premier temps et dans notre cas comme celui de beaucoup, je pense que l'artiste n'a pas besoin d'un label mais d'un public, d'une communauté d'auditeurs qui le soutiennent et le suive.
Il me semble qu'il faut prendre les choses dans l'ordre et communiquer sans faire n'importe quoi pour susciter un intérêt. On parle d'être en rapport direct avec ses auditeurs à l'heure ou le fan de musique va très souvent chercher l'information lui même grâce à internet.
Je vois beaucoup de groupe qui ne font que parler d'eux et dans un monde ou nous sommes inondés de publicités, je pense que cela n'est pas une bonne chose…
Un jeune artiste ne doit pas communiquer que sur lui... mais échanger avec ses auditeurs et ce n'est pas si simple…
Communiquer mais pas n'importe comment, je pense que cela doit rester en adéquation avec la démarche de l'artiste. Sa communication et donc, ses visuels, ses publications, ce qu'il propose doit être une extension de son univers et prendre en considération que la relation entre lui et l'auditeur s'entretient.
Je pense sincèrement que l'artiste doit trouver une manière de convaincre le public et cela se joue beaucoup sur le live où l'on en revient toujours à quelque chose de plus authentique et sincère.
Pour trouver un public, à mon point de vue, il faut commencer par partager sa musique via son cercle d'amis, leur demander des feed-back, sortir de chez soi, aller voir des concerts, rencontrer des gens, faire parler un peu de soi, les webzines sont très importants et je remercie les gens passionnés comme toi. Il faut ensuite caler des dates pour se chauffer. Il y a un réel travail à faire sur la recherche de groupes qui tournent déjà, les associations régionales qui font jouer les groupes locaux (et pas que) comme JAAM SONO à Paris, je pense qu'il ne faut pas hésiter à frapper à toutes les portes… Il faut avoir du cran, de l'audace et y croire…
C'est encore trop tôt pour me prononcer nous concernant, mais nous avons du cran, de l'audace et par dessus tout : nous croyons en ce que nous faisons. Nos supporters nous le rendent bien, alors on bosse !
Jean-Christophe : Le master est prêt, c’est quoi la suite maintenant ?
Julien : Oui, il est prêt. Notre album a été masterisé par Andy Vandette aux studios Masterdisk.
La suite est simple, notre musique prend du sens pour nous lorsque nous l'interprétons en live devant un public, nous aimons cette échange.
Nous devons jouer, faire vivre notre musique et notre univers en live et pas uniquement à Paris. Je dirais même que notre priorité n'est bientôt plus de jouer à Paris. Vingt à trente dates en dehors de Paris serait un bon objectif pour 2014 afin d'étendre la communauté que nous mettons en place, nos "loups", les "sleepwalkers" qui nous soutiennent depuis le début et dont le nombre augmente petit à petit !
Je l'ai déjà dit dans l'une de tes questions précédentes je crois, il y a des "chutes" de l'album qui n'ont pas été retenues. Je pense qu'il serait intéressant d'en faire un EP, à la fois complémentaire et différent, cela nous permettrait pendant ce temps de commencer à nous concentrer sur le successeur de Sleepwalker... J'ai des idées, je ne peux pas en dire plus pour le moment...
Nous devons aussi finir notre encadrement avec le centre Barbara Fleury-Goutte d'Or où nous sommes suivis par des professionnels de la musique qui nous conseillent et nous aident à nous poser les bonnes questions et progresser dans les meilleures conditions.
Je souhaite aussi clipper l'un des morceaux de l'album avec un ami du groupe, Adrien Ouhmani, qui m'a aidé à réaliser la pochette de l'album et qui, lui aussi, a fait preuve de beaucoup de patience et effectué un travail vraiment brillant.
Une édition limitée vinyle de l'album avec un bel art book est également en projet...
J'en profiterais bien pour remercier quelques noms si tu me le permets...
À commencer par toi Jean-Christophe et Neoprog, mes musiciens, Thomas, Ganaelle, François les musiciens qui ont contribué à l'album, Louise, Antoine, Domino, la famille, la famille au Sénégal aussi et tous nos followers qui nous soutiennent, cela représente beaucoup pour nous.
Peace.
Jean-Christophe : Merci Julien pour ton temps et la musique, également merci à Adrien Ouhmani pour les photographies qui illustrent cette interview.
Rédigé par Jean-Christophe le 24/01/2014