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Interview de Alco Frisbass le 09/04/2015
Il y a peu, nous avons chroniqué, avec grand plaisir, le premier album du groupe Alco Frisbass.

L'envie d'en savoir plus sur l'album et le groupe nous a poussé à interviewer Chfab et Paskinel pour connaître tous leurs secrets.



Jean-Christophe : Bonjour Chfab et Paskinel, merci de nous consacrer un peu de votre temps pour nous parler de votre musique.
Vous êtes chroniqueurs pour plusieurs webzines, musiciens également, dans de nombreux projets ou groupes, et comme tout être humain, vous travaillez pour vivre. Où trouvez-vous le temps de tout faire ?


Alco Frisbass : Oui, nous menons de front une vie de famille, une vie professionnelle, une vie personnelle, et musicale ! Et pour ma part je suis papa d’un petit garçon de deux ans maintenant, ce qui empiète un peu plus sur mon temps, voire beaucoup ! Il est vrai que depuis la naissance de mon fils je suis beaucoup moins disponible pour la musique, ce qui m’a fait mettre en stand-by pratiquement tous mes autres projets, pour le moment. J’écris aussi moins de chroniques depuis. Seul Alco frisbass occupait tout mon temps de création ces deux dernières années, pratiquement, entre musique et composition la première année, communication, instructions et partenariat autour de l’album pour la deuxième. Travailler en équipe à distance ce n’est pas rien ! En fait, le vrai avantage qui est le nôtre, dans notre configuration, c’est d’avoir tout sur place, je veux dire chez soi ; instruments, studio d’enregistrement, matériel, lieu de répétition, et boîte de dialogue bien sûr, car il faut tout de suite annoncer que notre duo, créé par Paskinel et moi, n’existerait pas sans internet.
Alco Frisbass est un projet de prog home studio, ce qui explique que nous avons eu une grande liberté de travail et de temps finalement, tout cela grâce à l’ordinateur et aux quelques heures quotidiennes dont nous pouvions bénéficier parfois. C’est un mode de vie au fond. C’est un peu comme le facteur Ferdinand Cheval, qui ramassait presque tous les jours un ou deux cailloux qui lui plaisaient, le soir, une fois sa tournée terminée… Finalement, au bout de trente-trois ans ça a donné le Palais Idéal, un monument d’Art brut qui continue aujourd’hui à attirer beaucoup de gens… Nous travaillons pas à pas, comme l’évoque le deuxième titre de l’album. Et notre intention première n’évoquait même pas la réalisation d’un album ! Nous nous adonnions tout simplement au plaisir de créer des compositions qui rassemblaient tout ce que nous aimions dans la musique… Il s’est trouvé que nous avions beaucoup de préférences en commun.
Ceci dit, il faut savoir que la grande majorité des groupes de prog (et pas que) vivent de cette manière, leur musique ne leur permettant pas de les faire vivre financièrement. C’est encore le cas d’IQ il me semble, ou Minimum Vital, pourtant deux groupes ayant plus de vingt-cinq ans (voire trente !) d’existence. Le rock progressif est par excellence un mouvement musical porté par des musiciens passionnés. Et en ce qui nous concerne, nous avions déjà tous deux séparément suffisamment de technique et d’expérience au préalable pour travailler ainsi, en solitaire, à la marge de la profession. Cela prouve aussi que la valeur travail ne se limite pas à ce qui est inscrit sur une fiche de salaire.

Paskinel : Oui, travailler la musique chez soi, dans son salon, a des avantages et des inconvénients. Cette méthode n'est pas très rock’n'roll et ne remplacera jamais le plaisir d'interagir en direct avec des musiciens. Batteur sans batterie sur place (pour les raisons que vous pouvez imaginer), la MAO (Musique Assistée par Ordinateur) me permet de proposer et d’enregistrer des rythmes que j'espère réalistes, en essayant d'y intégrer ma sensibilité.
Concernant les chroniques, malheureusement, j'ai arrêté depuis le décès récent de Denis Longo, administrateur du site Progressive Area, qui était un ami proche depuis trente ans.

Alco Frisbass

Jean-Christophe : Fabrice, Tu participes à de nombreux projets, Lord Sinclair, Alco Frisbass, MicroMégas et j’en oublie, cette année sont sortis deux albums, Les Gages et les Honneurs (Lord Sinclair) et Alco Frisbass dont nous allons parler plus particulièrement, des genres musicaux très différents. Qu’est-ce qui te motive autant dans la création musicale ?

Alco Frisbass : Chfab : Comme je le disais plus haut, c’est un mode de vie. Ma mère était professeur de musique, elle chantait et jouait du piano. Mon père chantait et chante encore de la musique classique dans des concerts amateurs, en solo ou dans des chœurs avec ma mère. J’ai été inscrit dans un conservatoire de musique à 9 ans et en suis sorti à l’âge de 15. J’ai envoyé valdinguer… On voulait faire de nous des chefs d’orchestre, quitte à mettre en péril notre développement scolaire, et social… Je n’ai plus touché de piano… J’ai ensuite travaillé à être comédien à Paris, et ai découvert de nombreuses autres disciplines artistiques, pendant une quinzaine d’années ; mime, danse, escrime, marionnette, cinéma, figuration, mise en scène, maquillage, écriture, dessin, je dois en oublier… La musique rythmait et ponctuait tout… Mais toujours en tant que mélomane.. J’ai appris en écoutant énormément de disques. Et puis un jour j’ai essayé une guitare folk, c’était plus pratique… Je n’ai vécu financièrement de tout ça que rarement au final, alors je me suis lassé, je suis parti à Rennes, après deux ou trois années assez végétatives…J’ai choisi une vie professionnelle plus traditionnelle, moins exaltante mais plus stable, en ayant la musique pour objectif, que je pourrais réaliser seul, à moindres frais. Tous mes efforts allaient se tourner vers ce choix. Une façon de ne pas donner raison au conservatoire finalement…
Lorsque les graines sont semées tôt, ce qui en ressort vous suit pour très longtemps, en général. Parfois aussi il ne se passe rien, mais ce ne fut pas mon cas. En faisant le constat de cette année 2015 pour moi, on peut dire véritablement que créer de la musique fait partie de ma nature. C’est une activité vitale, et engagée. Tout comme pour Patrick finalement. C’est là notre grande chance, c’est que nous avons le même mode de fonctionnement, à peu de choses prêt, et le fait de nous être rencontrés est une chose vraiment rare, étant donné que jusqu’ici nous étions prêts à ne jamais parler de notre musique, ni même à la faire écouter… Nous étions deux créateurs individuels, dans un profond anonymat. Nous le recherchions presque ! Par-dessus le marché, notre entente artistique est forte. Ça aussi c’est un miracle.
Alco Frisbass est vraiment un projet de cœur, il représente le fruit d’années d’imagination solitaire, d’apprentissage discographique… Et ce duo, c’est aussi la volonté de sortir de l’anonymat.
Lord Sinclair est un quatuor, plus traditionnel cette fois, réel, physique je veux dire, et ça me permet d’aborder la dimension live que Patrick évoquait tout à l’heure, avec la recherche dans l’instantané, les flottements, les répétitions et la scène. Ça me fait progresser en tant qu’instrumentiste et chanteur. Mais il est bien plus difficile d’avancer au même rythme que tout seul, ou à deux, forcément, nos vies étant ce qu’elles sont. Ça apporte une sorte d’équilibre finalement, même si l’engagement artistique chez les Lords y est plus diffus, du fait d’être dans un compromis entre quatre membres, et d’horizons très hétéroclites. Ça donne une musique plus immédiate, plus simple, une rencontre entre le rock et la chanson française. C’est aussi tout un pan important de la musique pour moi. Il y en a beaucoup d’autres aussi évidemment, mais il faut faire des choix…

Jean-Christophe : D’où vient ce nom de groupe étrange, Alco Frisbass ?

Alco Frisbass : Chfab : Patrick et moi aimions communément l’imagerie et l’imaginaire de l’entre-deux-siècles, XIXe et XXe ; l’Art nouveau, l’esthétique steampunk, Robert Houdin et les automates, les machineries de Jules Verne, la science au service de la magie et les débuts du cinéma, avec Georges Méliès. Il y avait dans tout ça quelque chose d’étrange et de fascinant, le fait qu’avec des machines on pouvait créer de la poésie, c’était la rencontre entre le mystère et la science… Une certaine désuétude aussi… Nous cherchions un nom qui s’y rapportait, mais sans avoir d’idée précise. On se connaissait peu… Un jour, je tombe sur une affiche de Méliès, du temps où il était magicien, car il était avant tout magicien, bien avant de faire du cinématographe. Il apparaissait dans un costume oriental, sous le nom d’Alcofrisbas. J’ai trouvé que cela ne faisait référence à rien, et que du coup ça sonnait dans toutes les langues. Je le propose à Patrick, qui dit ok, mais en retour l’écrit avec un deuxième « s », sans doute par mégarde…banco ! Ça s’est imposé tout seul. Mais ce n’est que bien plus tard que je découvrais que Méliès s’était lui-même inspiré du pseudonyme de François Rabelais, avec un anagramme de son propre nom, Alcofrisbas Napier, dont il s’était affublé, afin de continuer à écrire ses textes provocateurs, sans être véritablement inquiété… !
Une deuxième histoire dans la première ! C’était parfait !

Alco Frisbass

Jean-Christophe : Alco Frisbass est sorti chez Fading Records fin janvier, un album instrumental, composé avec l’un, qui vit à 500 km de l’autre. Comment travaille-t-on à deux quand une telle distance vous sépare ?

Alco Frisbass : Paskinel : Avec les technologies actuelles, il est plus facile de travailler à distance, et donc d'échanger des fichiers audio, parfois volumineux. En fait, un de nous propose une idée plus ou moins développée et l'autre intervient dessus, soit en développant soit en continuant la composition. C'est souvent les deux en fait. En revanche, nous ne comptons pas les e-mails et les appels téléphoniques que cela génère. Nous discutons parfois sur certains passages, parfois avec insistance, mais cela reste amical, rassurez-vous. Nous essayons de nous rencontrer deux à trois fois annuellement, grâce notamment aux concerts que nous voyons ensemble. Je remercie au passage les organisateurs du festival Crescendo où nous sommes devenus des habitués.

Chfab : Oui ! Crescendo, c’est devenu véritablement le ciment de notre partenariat ! En plus de notre ami Denis, feu le responsable de Progressive Area… Nous lui devons notre musique, pas moins. Grâce à lui nous nous sommes retrouvés à la même table ! Ensuite, c’est dingue de réaliser que nous sommes tous les deux capables de jouer à la suite de l’autre, ou à l’intérieur de ce que l’autre a proposé, le tout sans partition, et d’oreille ! Parfois, j’ai l’impression très réelle que nous lisons nos pensées à 450 km de distance, rien qu’avec des notes !

Paskinel : Pour les deux premiers morceaux que nous avions essayés, nous avons travaillé selon le procédé du cadavre exquis ; une séquence complète, collée à la précédente, une fois lui, une fois moi. Mais très vite le style de l’un alterné à celui de l’autre s’annonçait comme systématique, et ennuyeux au final, trop lisible, alors nous avons décidé de procéder de façon plus fusionnée, en essayant d’avancer sur des propositions plus ouvertes, plus esquissées, de quoi inviter l’autre davantage…

Chfab : Notre bagage nous permet de nombreuses possibilités, et à partir de notre logiciel nous pouvons agir comme sur de la matière réelle ; nous jouons chez nous les pistes de nos instruments, puis nous les utilisons comme des rubans de papier, que parfois nous collons, découpons, scotchons, ou dupliquons, avec une facilité proche de celle d’un enfant pratiquement (une fois le logiciel maîtrisé !)… Et on a toujours le choix de revenir en arrière, si toutefois nous ne sommes pas satisfaits. Parfois nous n’hésitons pas à nous auto-sampler, pour gagner du temps, ou pour donner une impression hypnotique… En fait, on fait de l’électroprog ! Comme Regal Worm par exemple, qui lui l’assume carrément dans ses morceaux. C’est un phénomène très nouveau, je crois, puisqu’en principe prog, samples et DJs ne font pas bon ménage. Nous sommes la preuve qu’il faut parfois se méfier de nos propres préjugés ! Aryen Anthony Lucassen a procédé de même avec son premier album de Stream Of Passion, je crois, il y a déjà quelques années, ses partenaires vivant à des milliers de kilomètres de chez lui. Mais il avait déjà tout composé à l’avance… Il y a aussi l’exemple du duo français « [bleu] » dont les deux membres vivent à distance. Mais ils se réunissent aussi parfois… Ils composent une musique magnifique et vraiment singulière.

Jean-Christophe : Trois autres musiciens jouent avec vous, Thierry Payssan, Jacob Holm Lupo et Archimede De Martini. Ils enrichissent notablement la palette musicale d’Alco Frisbass. Comment vous êtes-vous rencontrés et comment se sont déroulés les enregistrements ?

Alco Frisbass : Paskinel : Je suis de nature relativement timide, alors ce genre de rencontres, le plus souvent virtuelles, ont été provoquées par Fabrice. Archimede nous a été proposé par Marcello (le boss de Fading Records) et nous sommes très heureux de cette initiative. Ses parties de violons ont été enregistrées dans le studio habituel de Fading Records, sous la direction de Paolo Botta.

Chfab : Je ne suis pas loin d’être aussi timide et maladroit que Patrick, en certaines occasions, mais encore une fois, c’est internet qui a fait la différence… Jamais dans la vie réelle je ne serais allé à la rencontre de tous ces artistes, dont j’admire tant le travail, depuis de nombreuses années pour certains. Je ne suis pas du genre groupie, je déteste ça plutôt. Et combien sont ceux dont on a pris le temps d’écouter la cassette démo, ou le CD, filé au détour d’une sortie de concert, entre deux camions ? Je n’y ai jamais cru… En revanche, via internet ça ne m’a pas paru insurmontable d’envoyer un message amical, un ou deux liens d’écoute, en demandant un avis, au mieux quelques conseils… Et puis, les réponses sont tombées comme les grenouilles du ciel ! J’étais comme un fou ! Non seulement on nous répondait, mais on nous demandait de participer à notre projet ! On n’y croyait pas ! Encore aujourd’hui, d’ailleurs ! C’est Paolo qui immédiatement a décidé de nous présenter à Altrock, et il a aussi proposé dans la foulée de prendre en charge le mixage. Lorsqu’on l’a contacté on n’avait que trois morceaux achevés, il a fallu en réenregistrer un entièrement, car on avait perdu toutes ses pistes. Crash de disk dur !... Il s’agissait de ce qu’allait devenir Escamotage. Les deux autres morceaux qui ont suivi ont été extraits de nos tiroirs respectifs, en les retravaillant pour leur donner l’identité d’Alco Frisbass. Nous ne voulions pas rester en carafe avec un répertoire trop court… Ce qu’on faisait était vraiment pris très au sérieux !
Et puis Pierre Cheese de « Camembert » a proposé de faire nos basses ! Malheureusement, sa méthode de travail ne correspondait pas à la nôtre d’un point de vue pratique alors nous avons dû décliner... Et puis, au hasard, d’un autre côté, j’avais contacté pas mal de gen s: Fred Schendel de Glasshammer, Thierry Payssan (on a tous les deux une très grand admiration pour la période jazz-rock de Minimum Vital), Jacob Holm Lupo, Nicklas Barker (Anekdoten), Colin Bass (Camel), Richard Sinclair, tout ça sur facebook ! J’avais de quoi leur faire écouter pas mal de trucs finalement, mais comme un étudiant irait voir son docteur en université !… Thierry et Jacob ont été immédiatement enthousiastes (Fred Schendel aussi, mais il n’a pas proposé ses services !), c’était fou ! J’ai aussi dû écrire les partitions de violon car l’offre était difficilement refusable ! Chacun a enregistré ses parties, puis envoyé les pistes via une boîte de stockage virtuel.

Jean-Christophe : L’album a fait l’objet d’une production très soignée. Vous semblez avoir été bien entourés pour cet album ?

Alco Frisbass : Chfab : Une fois mis en relation avec Marcello Marinone, le patron d’Altrock, et malgré le manque total de finances en ce qui nous concernait, Patrick comme moi, il nous a proposé de prendre en charge mixage et mastering ! Sans ce geste, nous ne serions pas là. On ne louera jamais assez la passion et l’esprit véritablement mécène de ce label. Paolo a littéralement porté le projet jusqu’en Italie. Il était mon seul interlocuteur pratiquement tout du long, et nous devions échanger en anglais, ce qui n’était pas forcément simple par moments… Donner des indications techniques dans une autre langue que la sienne, parler de sensations, de ressentis, encore moins. Combien de mails avons-nous échangés ! C’est pour ça qu’on peut se féliciter que certains labels comme celui-ci, Muséa jadis, ou d’autres plus modestes, continuent à donner vie à des musiques fortes et singulières, et soient encore animés par un certain goût de l’aventure, au delà du porte-monnaie.

Paskinel : Quand j'ai su qu'Udi Koomran s'occuperait du master, je n'en revenais pas. Je connaissais déjà son travail sur les albums de Présent (qui est une référence pour moi, comme Univers Zero), je me suis senti fier et rassuré de le savoir à nos côtés.

Alco Frisbass

Jean-Christophe : Dans Alco Frisbass, on entend du jazz, du canterbury, du RIO, du prog classique, quels sont vos horizons musicaux à vous deux ?
Un morceau m’a particulièrement interpellé sur l’album, le dernier, “Judith Coupeuse de Tête”, pourquoi ce titre qui est une référence biblique si je ne m’abuse ?


Alco Frisbass : Paskinel : J'écoute depuis toujours beaucoup de musique avec une préférence pour celles des années soixante-dix comme Soft Machine, Magma, Black Sabbath, Genesis et National Health. J'ai aussi une grande admiration pour la scène prog scandinave depuis les Nineties dont Anekdoten, Änglagård et Gosta Berling Saga.

Chfab : Pas mieux, et puis beaucoup de musiques ou les claviers sont présents, forcément, et analogiques, des sonorités qui n’ont pas vieilli finalement, et qui sont revenues massivement dans le paysage d’aujourd’hui. C’est amusant de se rendre compte que tous ces instruments avaient été bannis des années 90 et début 2000 finalement, au profit de sons très artificiels, clinquants et froids, déshumanisés, c’était l’aire des boîtes à rythmes… Je m’intéresse aussi au prog plus actuel, le mathrock, ou le post-rock, comme The Samuel Jackson Five, ou Mermonte (très bon groupe rennais, ou Les Mémoires De L’oeil), ou bien du néoclassique post-rock comme mes amis de [bleu], le new jazz, avec Jagga Jazzist, Elephant 9, en fait tous les groupes qui ont une âme, quelque chose de personnel, et ou un tant soit peu de virtuosité, bien que je n’en aie pas moi-même. Radiohead est une référence commune également, pour Patrick et moi… J’ai écouté beaucoup d’autres courants musicaux, la musique acousticienne, ethnique, la chanson français, Bashung, Gainsbourg, Manset, Ferré, l’afro-beat, et puis une grande passion pour Ravel, Sati, Debussy, Stravinsky, Fauré, Britten, Orff… Patrick apporte une sensibilité plus tournée vers le jazz et le RIO, il est souvent moteur dans notre musique, il produit des ambiances qui ne m’étaient pas naturelles avant de le connaître, ou rarement. Grâce à lui, je suis allé sur de nouveaux terrains… Moi j’apporte un héritage plus néo-classique, plus mélodique, et je suis plus tourné vers les arrangements, peut être…. Nos deux approches produisent finalement un assemblage très complémentaire…
Tu fais allusion à Judith, qui porte le nom de notre dernier morceau : en fait c’est parti d’un constat. Pour le digipack nous faisions donc des recherches d’imagerie magique et tout particulièrement des affiches de spectacles, pour trouver une typographie pour le titre de la pochette. Et au bout d’un moment je me suis aperçu que les femmes y étaient toujours molestées, mutilées, enfermées, enchaînées, ou présentées comme des objet de fantasme, la jambe toujours alerte, au bon vouloir de l’homme, véritable acteur du miracle. J’ai trouvé ça terriblement injuste, sexiste, machiste, et malheureusement c’est encore d’actualité, un siècle plus tard ! Où sont les femmes magiciennes ? La seule place des femmes dans la magie, c’est celle de la sorcière, maléfique, mortelle ! On a voulu retourner la situation en imaginant une magicienne, qui décapiterait son acolyte de service, comme en une sorte de spectacle grand guignol subversif. La pochette et le visuel de notre digipack illustrent ce spectacle féministe en quelque sorte. Sim Lignon, qui a travaillé longtemps dans l’animation ciné et vidéo a un univers retro steam punk qui convient très bien à nos morceaux, avec les couleurs un peu automnales qui sont les nôtres, une sorte de désuétude, et une ironie poétique aussi. On est très fiers de l’objet fini. Un grand merci à elle et à Patrick, qui a travaillé couleurs, formats et autres compositions et retouches ! Le nom de Judith est arrivé a posteriori finalement, avec le trait commun de la décapitation…et les applaudissements sont là pour rappeler le caractère un peu vain et illusoire des choses, une fois le rideau baissé. Le disque se veut comme une sorte de séance de prestidigitation, ou de spiritisme, de cinématographe, d’animation d’automates , ou de théâtre. C’est tout ça à la fois…

Jean-Christophe : Y aura-t-il du Alco Frisbass en live un jour où est-ce que cela ne restera qu’un projet studio ?

Alco Frisbass : Paskinel : Nous nous sommes posé la question encore très récemment. C'est très probable qu'Alco Frisbass reste un projet studio. Cependant, depuis peu, nous sommes devenues un trio avec l'arrivée de Frédéric Chaput à la basse. Fabrice et moi sommes très heureux de le compter parmi nous. Nous avons également pas mal de contacts avec d'autres musiciens donc il n'est pas impossible d'envisager une prestation courte et ponctuelle mais cela reste, honnêtement très hypothétique, la plupart des titres de notre album n'étant pas pensés pour la scène.

Chfab : La façon dont nous sommes arrivés à mettre en place ce disque trahit un peu nos possibilités, et nos intentions, nous ne sommes pas prêts à jouer nos morceaux, ils ont été construits par phases, de manière éclatée, par à-coups. Il faut bien imaginer que Patrick et moi n’avons jamais joué ensemble ! Notre musique est au-dessus de notre niveau de jeu, actuellement. Il nous faudrait beaucoup d’heures de répétitions, d’abord seul chez soi, et ensuite avec les autres musiciens nécessaires : batterie et guitare, au minimum… Alors effectivement la perspective d’une scène ne pourrait pour l’instant s’envisager que pour un set très court, et pas dans l’immédiat… L’avenir nous le dira. Mais ce n’est pas impossible.

Jean-Christophe : Quels sont vos autres projets en route, d’autres album à venir ?

Alco Frisbass : Paskinel : La priorité est la composition de nouveaux morceaux pour un second album. Il sera très certainement plus court pour pouvoir, je l'espère, le sortir en vinyle (j'aimerais vraiment). Deux titres sont déjà prêts, deux autres sont en cours. J'ai également suffisamment de matière pour sortir un album solo, physique ou pas mais je mets ce projet de côté pour l'instant.

Chafb : J’en suis à peu prêt au même point, tout en travaillant parcimonieusement sur un nouveau morceau pour MicroMégas. J’ai un album prêt, mais malheureusement toutes ses pistes ont été crashées en même temps que celles d’Escamotage ! Il ne reste que les témoins Wave… Ce crash m’a coûté très cher ! J’ai perdu une grosse partie de mon travail, malheureusement, et n’ai plus en réserve que des démos, certes déjà produites, mais mal équilibrées d’un point de vue son… Ça me fait l’équivalant de quatre albums ! Une partie est disponible gratuitement sur Soundcloud, c’est déjà ça. Ce serait un travail de fourmi que de tout réenregistrer. J’espère que Frédéric Chaput, qui est aussi sonorisateur et fait de la synthèse sonore, pourra donner un peu de vie à cet album, un album conceptuel dans lequel j’ai mis beaucoup de mon héritage artistique. Il se nomme « Le Baron Caché ». Patrick en a déjà créé la pochette, que je trouve splendide. Mais je ne suis pas dans l’urgence non plus. Nous sommes habitués, tous les deux, à faire les choses sans tapage, et à ne pas être pressés…
En dehors de ça il est évident qu’Alco est prioritaire pour nous maintenant.

Jean-Christophe : Merci à vous !

Rédigé par Jean-Christophe le 09/04/2015