Neoprog.eu
Menu

Interview de Adrian Jones le 12/12/2020
Interview de Adrian Jones pour la réédition de Traces, le premier album de Nine Stones Close.



Jean-Christophe : Comment vas-tu malgré le confinement ?

Adrian : Un peu de blues, mais ça va. Je travaille à la maison depuis le mois de mars.

Adrian

Jean-Christophe : Ça ne doit pas être facile tous les jours ?

Adrian : Oui et non, d’une certaine façon c’est mieux.

Jean-Christophe : Cela faisait longtemps que nous n’avions plus entendu parler de Nine Stones Close, depuis Leaves il y a quatre ans. Pourquoi un si long silence ?

Adrian : Heu, la vraie vie (rires). Après Leaves j’ai commencé à composer de nouvelles musiques principalement pour Jet Black Sea (je crois que depuis Leaves il y a eu deux albums de Jet Black Sea) puis j’ai travaillé sur des morceaux de Nine Stones Close avec Christiaan Buin. Mais mon travail a changé et je me suis installé en Allemagne. Une période chaotique de deux années (rires) pendant lesquelles j’ai vendu ma maison, changé de travail et je me suis installé dans un nouveau pays. En plus, l’an passé je n’ai pas été en très bonne santé. Du coup je viens juste de me remettre à faire de la musique à nouveau, je travaille avec Brendan Eyre sur le projet Deforestation. Nous avons fini d’enregistrer et nous allons passer au mixage. Et je recommence à bosser sur Nine Stones Close, il y aura peut-être quelque chose pour l’année prochaine.

Jean-Christophe : Tu vis maintenant en Allemagne donc ?

Adrian : Oui cela fait deux ans et demi que nous sommes installés avec ma femme à Munich pour le travail, une très belle ville, malheureusement, avec la COVID nous n’avons pas beaucoup pu en profiter pour l'instant (rires).

Jean-Christophe : Tu viens juste de faire un remix de Traces, le premier album de Nine Stones Close sorti il y a dix ans. En bonus il y a une édition vinyle de l’album, une excellente idée au passage (rires). Pour quelle raison, outre l’anniversaire, as-tu voulu cette réédition ?

Adrian : Plusieurs raisons en fait. Une d’elle c’est qu’il y a dix ans j’ai presque tout fait moi-même, j’ai tout mixé et je ne suis pas le plus grand des ingés son au monde. J’ai travaillé avec Paul van Zeeland sur One Eye On The Sunrise (2012) et pour Jet Black Sea, et lui est un producteur et ingé son fantastique. Il y avait des demandes pour une édition vinyle, et une réédition CD. C’était l’occasion de faire un nouveau mix et master de l’album. J’en ai parlé à Peter Lindenbergh (de Freia Music) et m’a dit qu’il était intéressé pour le faire en vinyle. Ce fut l’occasion de réaliser un nouvel artwork avec Antonio Seijas. Ce remix sonne magnifiquement.

Adrian

Jean-Christophe : Tu viens de parler du changement de la pochette de Traces, le visuel est très différent, y a t-il une raison spéciale pour toi ?

Adrian : Non pas vraiment, Ed Unitsky a fait un superbe travail sur l’album original, j’étais très content de ce qu’il avait réalisé. Cette fois j’ai travaillé avec Antonio. Ce que j’aime c’est qu’il prend la musique et les paroles et construit son artwork autour de ça en se faisant sa propre interprétation. Pour cet album je voulais un nouveau visuel, je ne voulais pas réutiliser celui de Ed pour le vinyle car nous avions besoin d’un nouveau label également, donc la disposition aurait été différente et en termes de logistique il était plus simple de repartir de zéro. Et j’aime beaucoup cette pochette avec la main au-dessus du cœur rouge.

Jean-Christophe : Tu as parlé de ton autre projet Jet Black Sea, lequel des deux projets est le plus important pour toi aujourd’hui ?

Adrian : Cela dépend de mon humeur je crois (rires). Nine Stones Close est un projet plus important si je compare, la plupart des morceaux que j’ai écrits pour Nine Stones Close ont été enregistrés à plusieurs. Pour Jet Black Sea, il n’y a que moi et Michel. On s’est vus assez souvent pour écrire mais depuis la COVID ce n’est pas facile. C’est un processus d’écriture complètement différent et c’est plus expérimental et électronique que Nine Stones Close.

Jean-Christophe : Quand tu as du temps et que tu veux travailler seul, tu écris un album de Jet black Sea et quand tu veux travailler avec des amis tu écris un album Nine Stones Close, c’est ça ? (rires)

Adrian : Ça pourrait-être ça (rires) mais ça dépend plus de ce que je compose. Certaines choses collent mieux à Jet Black Sea qu’à Nine Stones Close. Cela dépend plus des idées sur lesquelles je travaille en fait. Michel m’envoie également de fantastiques idées et ça me met mal à l’aise quand je les compare à mes déchets (rires). Nous travaillons très bien ensemble.

Adrian

Jean-Christophe : Tu as travaillé avec pas mal de monde, tu nous parlais de Brendan, Christiaan, mais également Marc Atkinson. Qu’est-ce que tu as ressenti quand Brendan et Marc sont partis pour Riversea ? Ce fut dur à vivre ?

Adrian : Non, cela renouvelle la musique. Quand j’ai commencé Traces, Brendan et Marc travaillaient déjà sur Riversea de toute manière et je n’ai pas été surpris, en particulier que Marc veuille s’en aller. Nous avons réalisé de beaux albums et passé de bons moments ensemble. J’ai contribué également à leur premier album Riversea, Out Of An Ancient World, mais c’était également génial de travailler avec Christiaan Bruin, un artiste extrêmement talentueux, qui possède une manière de travailler complètement différente, et pour le chant, c’est sur les recommandations d’un ami que j’ai travaillé avec Adrian O'Shaughnessy sans l’avoir rencontré auparavant. Si Marc avait chanté sur Leaves, l’album aurait sonné complètement différemment.

Jean-Christophe : J’ai découvert Marc avec Traces et depuis je suis sa carrière. Et à la première écoute de Leaves j’ai été un peu perdu, mais dès la seconde, j’ai adoré le travail d’Adrian. Une autre façon de poser les émotions, mais au final j’aime aussi beaucoup cet album (rires). Mais changer de chanteur dans un groupe ce n’est pas simple si ?

Adrian : Ça a été assez difficile. J’avais écrit Leaves dans les mois qui suivirent One Eye On The Sunrise et Marc venait de m'annoncer qu’il ne continuerait pas Nine Stones Close. Alors nous avons cherché un nouveau chanteur. Mais ça a été une longue quête, vraiment. Les chanteurs étaient bons mais il manquait l’étincelle. Jusqu’au moment où j’ai rencontré Adrian, nous avons fait une session en studio où il a chanté ‘Complicated’ et dès la première prise, on a dit oui (rires). Parfois il faut savoir attendre que les choses arrivent. Cela a retardé l’album mais je pense que cela en valait la peine.

Jean-Christophe : Je ne me souviens pas si tu as déjà joué en live avec Nine Stones Close ?

Adrian : Pas encore. Nous avons essayé de faire une tournée à plusieurs reprises mais il y a toujours eu un problème de dernière minute. La première fois c’était Marc qui nous quittait et après la sortie de Leaves, Pete a eu de nombreux contacts avec des promoteurs. Il y aurait eu une possibilité pour tourner avec Gazpacho mais malheureusement ça ne s'est pas fait. C’est un petit peu frustrant, mais chaque membre vivant dans un pays différent, tout ça se rajoutant à la famille et au travail, monter une tournée est très difficile.

Jean-Christophe : Un jour peut-être alors, mais pas tout de suite à cause de la COVID-19 (rires) ?

Adrian : Oui, pas dans quelques jours, peut-être après le prochain album. (rires)

Jean-Christophe : Que penses-tu de cette situation pour les artistes en ce moment ?

Adrian : Je trouve ça très difficile, après le streaming qui a tué les ventes d’albums physiques, maintenant il y a le confinement et l’impossibilité de jouer en live. J’ai discuté avec des artistes comme Mat Stevens et ils sont frustrés car c’est très difficile pour eux. Depuis onze années, c’est la première fois que moi et femme nous ne sommes pas allés à un seul concert. C’est incroyable ! C’est une période très difficile et je ne vois pas la situation s’améliorer. Cela va prendre du temps même avec le vaccin. Chacun essaye de trouver des moyens pour jouer en live, en streaming via Internet et même pour certains, avec de larges audiences. On peut le faire mais ce n’est pas la même chose.

Jean-Christophe : Ce soir il y a des groupes comme Gazpacho et TesseracT qui proposent des lives en streaming et Marc Atkinson demain après-midi, c’est mieux que rien mais ce n’est pas la même chose.

Adrian : Ce sont des temps très étranges, spécialement pour les artistes qui dépendent de leur musique pour vivre. Pas comme moi qui ai un travail à temps plein.

Jean-Christophe : Mais j’imagine que tu préférerais vivre de ta musique non ? (rires)

Adrian : Oh oui, clairement. Mais malheureusement ça n’est pas le cas. Il n’est pas facile de vivre de sa musique. Même certains grands noms du prog travaillent à côté de leur musique pour vivre. C’est très difficile de faire carrière dans la musique en ce moment.

Jean-Christophe : Peut-être trop de musique et de musiciens mais surtout des plateformes comme Spotify où tu ne gagnes quasiment rien pour plein de morceaux écoutés.

Adrian : Oui tout à fait, Spotify ne paye pas grand chose et de moins en moins de personnes achètent des CDs et des vinyles. Ça n'aide pas les artistes à vivre de leur musique.

Jean-Christophe : Pour parler d’autre chose, quelles sont tes influences principales en musique au sens large ?

Adrian : Mon père travaillait pour des labels de musique dans les sixties et seventies alors il y avait toujours de la musique dans la maison, et j’écoutais. Bizarrement mon père n’était pas un grand amateur de musique pour quelqu’un qui bossait pour un label (rires). Du coup j’ai écouté toutes sortes de genres et aujourd’hui je peux écouter du death metal comme du Dave Brubeck. J’ai des goûts très éclectiques. Pour la guitare, mes grandes influences sont Jimmy Page, des gens comme David Gilmour, je suis un grand fan des Floyd, Steve Rothery et Marillion, Jerry Cantrell, il y a tellement d’influences... J’écoute des choses allant du jazz au death metal (rires).

Jean-Christophe : Oui pareil, j’ai besoin de changer pour ne pas m’ennuyer.

Adrian : J’ai une collection ridiculement grande d’albums à la maison (rires). On s’ennuie si on écoute la même chose tout le temps. Je suis toujours à la recherche de nouveautés, des choses qui ne sont définitivement pas prog.

Adrian

Jean-Christophe : Nous en avons un peu parlé au début et si tu veux bien, nous allons finir par ça. Quels sont tes projets après cette réédition ? Tu nous as parlé d’un nouvel album de Nine Stones Close, où en es tu ?

Adrian : Il est en bonne voie depuis quatre ans alors bon (rires). Avec Christiaan nous avons fait quelques sessions studio après Leaves et nous avons quatre titres, environ une demi-heure de musique, mais nous ne nous sommes pas encore retrouvés en studio pour jouer tous ensemble. La COVID a donné un coup de frein à tout cela. Et puis Peter van Hoorn est très occupé, il va falloir trouver un autre batteur. Mais bon avec un peu de chance nous pourrons nous retrouver au Pays-Bas dans quelque temps pour jouer de la musique. Je continue de travailler sur Jet Black Sea avec Michel et puis il y a le projet Deforestation avec Brendan qui devrait sortir au printemps.

Jean-Christophe : C’est un projet instrumental ?

Adrian : Oui totalement instrumental, nous essayons de composer quelque chose de simple, plus atmosphérique qu’autre chose, claviers, guitares, électroniques, des beats. Le projet est basé sur l’état de notre monde, sur l'environnement. On essaye de créer un paysage sonore qui va avec ces idées. Là, nous avons environ quatre-vingt-dix minutes de musique pour faire un album de quarante-cinq minutes. Peut-être un jour referons-nous un autre remix quand Paul aura une journée de libre (rires).

Jean-Christophe : Juste une journée (rires) ?

Adrian : Oui parfois ça prend un peu de temps, il n’est jamais satisfait par son travail alors il n’arrête pas d’essayer de l’améliorer (rires).

Jean-Christophe : Et peut-être un jour un concert ?

Adrian : Un jour (rires)...

Jean-Christophe : Encore merci, Adrian, j’espère te rencontrer en vrai un jour, sans les écrans, Munich n’est pas si loin.

Adrian : Merci et prends soin de toi.

Rédigé par Jean-Christophe le 12/12/2020