Titres
Jon Anderson [], Roine Stolt [chanteur,guitariste]
Jon Anderson: chant principal, chœurs, clavier additionnel.
Roine Stolt : guitares (électrique, acoustique, à résonateur, lap steel), mandoline, claviers, percussions, claviers, percussions, chœurs.
Tom Brislin : claviers (piano, Rhodes, orgue et synthétiseurs Hammond).
Lalle Larsson : claviers (piano et synthétiseur).
Jonas Reingold : basse.
Michael Stolt : basse et pédales.
Felix Lehrmann : batterie.
Daniel Gildenlöw, Nad Sylvan, Anja Obermayer, Maria Rerych, Kristina Westas : choeurs
Vais-je vous faire l'affront de présenter Jon Anderson et Roine Stolt, deux monstres sacrés du progressif dont la carrière remonte aux années 70 ? Jon Anderson, c'est bien sûr Yes, ABWH, Vangelis, mais aussi des albums solo, et des collaborations innombrables avec d'illustres groupes et artistes tels que King Crimson, Mike Oldfield, Tangerine Dream pour ne citer qu'eux. Roine Stolt, c'est Kaipa, The Flower Kings, Transatlantic. Mais je suis sûr que je ne vous apprends pas grand chose au sujet de ces deux extra-terrestres musicaux à la discographie pléthorique.
Le projet de collaboration entre les deux artistes est une idée de Thomas Waber, le patron du label Inside Out. Le projet prit forme en 2014, durant la fameuse croisière Progressive Nation At Sea, où Jon joua d'abord avec Transatlantic et ensuite avec Roine pendant une bonne heure les standards célèbres de Yes des années 70. Ces échanges ayant été l'occasion de bonnes vibrations, la collaboration entre Jon et Roine se fit naturellement. Les deux légendes étant séparées de plusieurs fuseaux horaires, les musiciens purent collaborer à distance et de manière continue. A Jon les idées, les paroles, et la composition envoyée le soir des Etats-Unis, à Roine la construction et l'enrichissement du tout sur le fuseau horaire européen.
En ce qui concerne les membres impliqués dans ce projet, rajoutons dans le shaker 'Invention of Knowledge' le duo basse/batterie actuel des Flower Kings, les claviéristes Tom Brislin, qui a collaboré avec notamment Yes, Meat Loaf et Renaissance, et Lalle Larsson qui a aussi enregistré avec Jonas Reingold et tourné avec Roine Stolt. On complète le cocktail avec deux anciens membres des Flower Kings, le petit frère de Roine, Michael, et Daniel Gildenlöw (Pain of Salvation), quelques voix additionnelles telles que Nad Sylvan (Agents of Mercy, Steve Hackett), et on secoue bien le tout.
D'abord un petit mot pour la superbe pochette qui illustre de façon magistrale le titre de cet album. Une pochette à l'uniformité de tons allant du bleu à l'orange rouille, dans une dominante jaune/beige, sur laquelle de nombreuses sciences sortant du cerveau d'un personnage, dont la tête semble provenir d'une statue grecque en marbre blanc, sont illustrées. Astronomie et astrologie sont évoquées par quelques planètes ; un bateau, un bathyscaphe et un zeppelin habillé en mode Jules Verne font référence à l'exploration et à la navigation. Arts et architecture sont aussi évoqués par un élément de palais et de belles ornementations. En cherchant bien, vous trouverez encore d'autres références : biologie, électronique, révolution industrielle, musique, temps et espace…. j'en oublie sûrement. Prenez le temps de vous attarder quelques minutes sur cette pochette, il s'agit vraiment d'une belle œuvre d'art.
Qu'obtient-on donc après avoir secoué ce shaker ? Soixante-cinq minutes de musique, divisées en quatre gros chapitres, eux-mêmes divisés en titres (à part le dernier) qui, musicalement, n'ont pas de réelle transition, voici ce que vous proposent les deux maestro. Dès les premières minutes du premier titre, 'Invention', les premiers mots qui me sont venus l'esprit ont été ésotérisme, gaieté et exotisme. On retrouve bien sûr la voix caractéristique de Jon, une ligne musicale sautillante, des sonorités innombrables (sitar, cloches tubulaires, xylophone, mandoline, harmonica), des motifs de claviers qui jaillissent de-ci de-là, de nombreux chœurs, ainsi qu'un minimum de quatre transitions en forme de résumé, de pause, de solo de basse, de reprise ou de chant solitaire. Je ne peux déjà pas m'empêcher de penser à tous ces albums de Yes tels que AWBH ou autres Keys to Ascension, et je suis sûr que ceux comptant une dizaine d'années de plus que moi songeront bien sûr aux TFTO ou autres Close to the Edge.
Voilà. Encore une fois je crois que j'ai tout dit à ce stade. Cette première impression se confirme bien sûr au fil des écoutes successives. Les titres suivants s'enchaînent dans la même veine, en une sorte de riche guirlande musicale qui envoie de petits éclats multiples dans toutes les directions. Pas de doutes, la richesse musicale est là. Vous pourrez trouver - à la pelle et non exhaustivement - un rythme de caisse claire militaire, des phases de méditation, sorte de mélange de calme et de zénitude, des soli de guitare calmes et posés, de nombreuses articulations et transitions, des voix exotiques, des fresques, des chœurs tranquilles et bienveillants sur des sonorités de vibraphone, des bruitages électroniques légers et aériens, des belles notes de piano solitaire, un solo jazzy de clavier, une mer qui s'échoue tranquillement sur le rivage. Et ainsi de suite. A l'image de ce passage apparaissant aux 4'20 de 'Knowing', la musique est riche mais non surchargée, chaque instrument intervient au bon moment et s'intègre parfaitement dans la ligne musicale qui se déroule paisiblement et qui tire régulièrement et discrètement ses petits feux d'artifice. Au jeu de la comparaison des titres, je noterai 'Knowledge' qui sort du lot en étant un poil légèrement plus musclé que les autres, ainsi que le très beau, court et expectatif 'Better by Far' et son rythme de tambourin à cymbales.
Je crois que j'ai assez insisté sur la richesse musicale indéniable de cet album, dans la droite lignée du Yes progressif des années 70, à ceci près que la composante rock guitare/batterie est absente. La batterie vient en effet constamment en appui de la voix et des mélodies, mais ne vient jamais au devant de la scène. Il en est de même pour les guitares toujours légères et aériennes. La musique qui a été composée est une véritable dentelle, avec des compositions et des motifs de broderie toujours différents et formant de riches ornementations discrètes et complexes. Une dentelle brodée sans contraintes particulières, laissant la place à l'imagination et à l'inspiration spontanée de Jon. C'est une musique qui moutonne, qui festonne. Cela me fait penser aussi à l'image du satellite qui zoome une zone côtiére, s'approchant et s'éloignant à la fois de plus en plus au fur et à mesure que les détails découvrent d'autres détails à l'infini. Voilà, cette musique est une sorte de fractale : plus vous la creusez, et plus vous trouvez de détails insoupçonnés presque à l'infini. Je suis sûr qu'il en est de même pour les paroles que j'aurais bien aimé aussi décortiquer un peu.
Le hic, et pour moi il y en a un - de taille -, c'est que j'ai décroché au bout de trente minutes. C'est très bon, mais cet album ne retient pas mon attention sur la durée. Avec Invention of Knowledge, vous prenez sans aucun doute le train pour un très beau voyage. Confortablement installé(e) dans le wagon, les paysages défilent : une belle rivière, une vaste plaine, un bosquet de rosiers, un superbe chêne centenaire, un magnifique champ de fleurs multicolores, une clairière verte et ombragée, une plage tranquille. J'aurais personnellement aimé voir dans ce paysage un geyser jaillissant, un torrent énergique, subir une descente effrénée le long d'un à pic, me faire secouer par un gros orage, histoire de mettre un peu de piquant et d'éviter que je m'endorme avec le ronronnement des rails. Bon je dois aussi reconnaitre que le Yes des années 70 je n'accroche pas énormément, ceci expliquant en partie cela.
Alors vous l'avez déjà compris, les accros du Close to The Edge et autres Tales From Topographic Ocean en appelleront sûrement dans ce nouvel album un chef-d'œuvre. Les aficionados des Flower Kings y retrouveront aussi bien sûr leur compte. Pour les autres, ça risque d'être un peu plus difficile. La note musicale est donc élevée, la note de ressenti/plaisir largement moins bonne. Encore une histoire de goûts personnels, sûrement aussi de génération, et d'éducation musicale.
Facebook: www.facebook.com/TheJonAnderson
Vidéo :
Aussi fort que le bon YES des années 70.
Le 13/07/2016 par Mike202