Titres
Formation en 1990
Rüdiger Blömer [clavier,violon], Michael Dorp [chanteur], Michael Rick [guitariste], Ande Roderigo [batteur], Roger Weitz [bassiste]
En 1968 je n’étais âgé que de deux ans et quelques mois. Mes parents ne faisaient pas le siège de la Sorbonne ni ne montaient sur les barricades dans les rues du Quartier Latin. 1968 reste pourtant, même pour moi, le symbole de toutes les révoltes, de la mort du pasteur Martin Luther King, de la guerre du Vietnam, de la naissance des Shadocks, de l'assassinat de Robert Kennedy, de la première bombe H française, du décès de Steinbeck et du premier survol de la Lune par trois américains.
Photo (c) Rainer Leigraf
Le groupe allemand Flying Circus nous offre une rétrospective de cette année mouvementée en dix morceaux rock vintage. 1968, l’année de tous les espoirs. Une histoire de l’Histoire racontée à la manière d’un guide touristique mondial, parcourant huit villes emblématiques de cette année là : Paris, New York, Prague, Derry, My Lai, Memphis, Vienne et Berlin.
‘Paris’ attaque très fort, tout en rythme, batterie, orgue et guitare, un rock sous-tendu de funk torturé : les étudiants face aux CRS, pavés contre lacrymogènes. “Dire NON c’est penser”. Autre ville, autres violences, la féministe Valerie Solanas tente d’assassiner l’artiste Andy Warhol. Cette fois c’est un blues rock U.S. virant au gospel qui sert de fil conducteur à ce ‘New-York’.
A Prague, tout débute comme un printemps des libertés avant que ne s’installe la mélancolie du piano et du chant avec l’arrivée des troupes du Pacte de Varsovie le 20 août 1968. Mais c’est au son d’un violon folk et d’une guitare acoustique que se déroule une autre répression, celle de Londonderry le 5 octobre, une marche pour les droits civils interdite dans la violence et le sang.
‘The Hope We Had (in 1968)’ offre un bel interlude à notre voyage avant de retourner visiter quatre nouvelles villes du monde. Quels espoirs avions-nous en 1968 ? Qu’en reste-il aujourd’hui ? Un titre à la Supertramp qui vire à la guitare hispanique puis au floydien avant d’aller butiner du côté des quatre garçons dans le vent; le tube de l’album s’il en fallait un, édité également en version radio.
Comme Apocalypse Now de Coppola, le battement des pales d’hélicoptères rythme ‘My Lai’ quelques secondes après une ouverture au violon presque tzigane. Nous sommes au Vietnam, en pleine guerre, plus de trois cent-cinquante civils vont mourir sous le feu des soldats américains. Le titre est un rock au violon fou doublé d’une mitrailleuse vocale et d'une guitare épileptique.
La même année, Martin Luther King meurt assassiné à Memphis, touché d’une balle à la gorge. Un morceau lent et torturé où revient “I’m not worried by anything”, “I’m not afraid”, des paroles que le pasteur prononça au Bishop Charles Mason Temple le 3 avril 1968, la veille de sa mort.
‘Vienna’, l’instrumental funky jazzy déjanté, illustre en musique le happening des étudiants le 7 juin 1968 à Vienne. Des cris de jouissance, des “masturbate”, des “madness” ponctuent cette provocation de la jeunesse autrichienne révoltée de l’époque.
Le funky rappeux ‘Berlin’ termine notre série de villes. Le titre prend place pendant le mai 68 allemand où un leader étudiant fut gravement blessé par un jeune activiste d'extrême droite qui se donna la mort lorsqu’il apprit que sa cible était toujours vivante. Ce titre, le plus long de l’album, est sans certainement mon préféré avec ‘The Hope We Had (in 1968)’. Il est également le plus progressif avec, entre autres, un magnifique solo de piano classique à mi-parcours.
Une courte reprise de ‘The Hope We Had’ sera le mot de la fin de cette année 1968 brillamment racontée par Flying Circus.
Si les titres ne jouent pas dans la catégorie prog symphonique, la forme progressive se retrouve partout dans l’album, par le concept, le mélange des genres et des morceaux comme ‘The Hope We Had (in 1968)’ ou encore ‘Berlin’. 1968 m’a séduit par son concept original ainsi que par ses morceaux qui restituent à la perfection une année plus que mouvementée. A découvrir.