Titres
Formation en 2012
“la grande illusion” est l’album que l’on vous propose de temps à autre et qui, pour un webzine parlant de rock progressif, va lancer un mini-débat : chroniquera, chroniquera pas ? Car ne tergiversons pas la YnE, ce n’est pas du prog, mais plutôt de la world music électronique. Alors pourquoi ici ?
Tout d’abord, simplement, parce que l’album m’a séduit, sinon il serait passé aux oubliettes. Ensuite, si nous réfléchissons bien, la musique de Peter Gabriel, est-ce bien du rock progressif sérieusement ? Combien de chroniques de Gabriel ont été faites ici ? Cinq, combien de fois en ai-je parlé, je ne sais plus. Maître Peter lui-même et son label ont beaucoup œuvré pour la world music et l’album “Passion” ne pourra renier une évidente connotation world. Alors cessons de faire du mal aux mouches. Pour en mettre une dernière couche, “la grande illusion” sort chez Musea Parallèle, un label français qui soutient depuis toujours le prog.
Matti Laine, l’artiste derrière le projet, nous vient de Finlande, et “la grande illusion” est son premier album, un mélange culturel et musical, racial et religieux, instrumental et stylistique qui s’affranchit des frontières et des classifications.
De nombreux musiciens invités participent aux couleurs multiculturelles des onze morceaux de cet album. Car world music électronique certes, mais vous entendrez trompette, violons, percussions, guitares, vibraphone, batterie et voix sublimes. Mention spéciale pour Verneri Pohjola et sa trompette, instrument qui ne me touche que rarement et qui, cette fois franchement, fait beaucoup au plaisir de certains morceaux.
Je parlais de l’archange tout à l’heure. Le travail de Matti en est fortement inspiré. Sa musique apparaît très vite cinématique, je songe à “Birdy” sur “Requiem”, mais d’autres titres sont dansants comme le reggae de “December 23” et musique d’ambiance avec “The First Snowfall”. Il y a un embryon de psyché expérimental dans la world de Matti, très canalisé, jamais dérangeant, trop sage pour menacer votre quiétude. Une voix off en français se ballade sur l’album pour vous parler de temps en temps, troublante.
La production bien soignée de l’album met en valeur la musique de Matti et rend d’autant plus agréable l’écoute. C’est un très bon point.
Avec “La grande Illusion - Ad Astra” nous plongeons dans “Mes milles et une nuits”, introduction orientale qui nous suivra tout au long de l’album. “Par Avion” fait appel à un raï très rythmé, nous nageons en pleine world électro-urbaine où se superposent plusieurs lignes, vocales, électroniques, percussives et raï avec un break où le chant tisse une toile qui vous prend au piège. A partir de ce passage, la trompette aidant, plus de repère. Avec “Stigmata” et son muezzin, encore une fois Verneri me fascine mais c’est sans compter sur la basse façon Levin, les voix, les percussions. Tout cet ensemble nous plonge en plein “Passion”. Et voici “Reggae Night” chanté en arabe avec “December 23”, choc improbable des cultures, avec pour la première fois cette voix off en français. Le titre est dansant et si étrange, mélange de bossa nova, de reggae, de raï et que sais-je encore ? Une rue où cohabiteraient plusieurs orchestres jamaïquains, algériens, brésiliens en même temps et une fille paumée qui parle toute seule, errant entre les musiciens. “La Porte de l’Enfer” joue la carte de la simplicité musicale avec sa basse et ses claviers, une belle plage à la Eric Serra. “5:15 AM” c’est beaucoup de rythmique et de chant oriental, une trompette, de la flûte, un titre sur lequel je peine à trouver un équilibre d’écoute, une ligne directrice. Ça voudrait se mettre en place mais rien ne se produit. “Big Time”, “Sledgehammer” vous connaissez ? Matti lui a son “Meiko”, version instrumentale assourdie des deux agités du bocal gabrieliens. En écoutant bien, vous trouverez forcément des similitudes. L’exercice est amusant et sympa à écouter. “Requiem” plonge quelques secondes dans l’univers de “Birdy” (pardon pour toutes ses références à Gabriel, à croire que je ne connais que lui)... Musique d’ascenseur avec “The First Snowfall” ? Un peu quand même. La faute aux cuivres et à la rythmique - la croisière s’amuse - mais voila que très vite la mélodie vire à l’étrange. Puis retour sur le pont du paquebot en route pour les Caraïbes, étrange titre au final entre expérimentation et soupe. Tout finit très vite avec “La grande Illusion - Endos”, à peine plus de trente-huit minutes se sont écoulées, un format qui convient assez bien à cet album qui trop long pourrait lasser et qui ici s’achève en nous frustrant juste ce qu’il faut pour avoir envie de le réécouter juste après.
Très instrumental, “la grande illusion” est un voyage presque initiatique dans un bain de cultures, de musiques, de religions, de peuples, de la world moderne car urbaine, la musique des peuples déracinés dans nos grandes cités, mélangés aux autres. Un album coloré, cinématique, qui siérait parfaitement pour une BO. J’ai beaucoup aimé la démarche, le son et la musique, c’est étonnant, pas progressif du tout, mais j’avais envie de le partager avec vous.