Titres
The Third Day
North Atlantic Oscillation - Edimbourg - Ecosse - 2005
Membres :
Sam Healy : chant, guitares, claviers
Ben Martin : batterie, programmation
Chris Howard : basse, chœurs
Discographie :
Callsigns - EP - 2009
Grappling Hooks - 2010
Fog Electric - 2012
Chirality - EP - 2013
The Third Day - 2014
Avec 2 EP et 3 albums enregistrés en 5 ans, North Atlantic Oscillation est un groupe très productif. Ce trio écossais, fusionne le rock progressif à la musique électronique. Leur troisième album en date se nomme “The Third Day” , un titre logique me direz-vous.
Si les yeux se posent avec envie sur cette jaquette dont on a sucré le fond marron, d’or, de violet et de bleu turquoise, l’imagination, elle, pourrait se fixer indéfiniment sur l’objet singulier qui y est représenté. Cet hybride entre boussole et cadrant solaire, ne peut qu'ironiquement présager une musique où la notion d’espace et de temps serait abolie. Le titre même de cet album invite à des questionnements qui excitent l’imagination. Quel est ce Troisième Jour ? De quoi est-il le prolongement ? Le plus sage est sûrement de laisser la musique le dire elle-même. L’album “The Third Day”, en effet, développe magnifiquement le tableau perçu dans cet artwork sobre et rêveur, c’est un voyage fort de ses 45 minutes durant lequel nul ne foulera le sol.
Au temps où les groupes de rock prog planants donnent trop d'importance aux voix dans leurs mélodies, qui s‘assèchent du même coup à cause d’un vide instrumental, North Atlantic Oscillation impose avec cet album un équilibre salutaire. Les instrumentations et la voix cristalline de Sam Healy interagissent notamment avec une harmonie telle qu’ils donnent souvent la curieuse impression de former une seule et même entité. Cette unicité naturelle de la musique se retrouve d’un plan mélodique à un autre mais aussi d’une chanson à une autre, ce qui n’est pas sans magnifier cette légèreté qui règne déjà sur tout l'album. Oui, ici tout est question de dosage. Il en va de même pour le style musical qui trouve un juste milieu étonnant entre les vieilleries et les innovations de notre rock progressif. Les influences d'ailleurs, qu’elles soient désuètes ou modernes, n’y sont pas un poids : elles constituent juste un spectre lointain et rassurant qui rend la musique plus accessible.
Ce savoureux dosage des voix et des influences n’est pourtant que pure dérision en comparaison du contenu musicale qu’offre ce Troisième Jour. Il résonne dans chacun des titres une sorte de solitude incarnée par la voix, tantôt frêle et résignée, tantôt illuminée de Sam Healy. Ce sentiment d’exil rêveur, s’il est l’apanage de cet album, est brillamment décliné en plusieurs teintes émotionnelles qui puisent leurs forces dans les sonorités utilisées par les claviers. Ainsi dans certains titres, une joie suit une joie comme “Elsewhere” ou “August” qui se gorgent de sons presque grotesques et de rythmes allègres pour transmettre leur gaieté. Parfois, c’est la tristesse qui l’emporte, notamment sur “Wires” dont les moogs statiques, le chant monotone et les guitares désenchantées sont comme les pleurs d’un égaré. Il serait cependant une erreur de considérer chaque titre comme un ensemble uniforme d’émotions car le groupe a toujours trouvé moyen dans ses compositions, de successivement doubler l’espoir de doute, et le doute d'espoir. Aussi, rien n’est jamais bien sûr et tout sentiment est capable de se renverser d’une seconde à l’autre. Chose étonnante, ce genre de cassure est le plus souvent habilement menée, et ne trouble pas le court naturel du titre. Tel un chat retombant sans cesse sur ses pattes entre deux plans rythmiques, North Atlantic Oscillation entretient une progression constante qui ne choque à aucun moment. Mais oubliez la tristesse, oubliez la joie: “The Third Day” laisse bien souvent les sentiments trop humains de côté pour mieux se consacrer à de grandes envolées futuristes qui révèlent des mondes vides, uniquement peuplés du chant de Sam Healy. Celui-ci vole bien au-delà de la stratosphère, et ne semble arrêtable que par des lignes de claviers qui planent plus haut que lui.
La peinture musicale de ces paysages qui semblent laissés aux longs moogs et dans lesquels seule survit une voix humaine livrée à elle-même, plonge l’auditeur dans le cœur intime de la musique. Là est bien le sentiment général que provoque ce “The Third Day” : celui d’être le confident d’une voix abandonnée aux confins des temps futurs. Ce versant intime trouve résonance dans une foule d’éléments qui reviennent çà et là au fil de l'écoute. Parfois, le trio tire ainsi profit des cordes (violon, violoncelles) mises au premier plan, en faisant surgir d’un seul coup leurs salves plaintives et isolées. Il en est de même pour quelques nappes synthétiques dont les sonorités plates font mieux briller le caractère un peu maladif de cet exil. Pourtant rien n’est bien clair dans cet album qui voit nombre de ses sons se terminer en échos, troublant ainsi les apparentes monotonies d’une solitude témoignée. Le titre “Elsewhere”, représente sûrement le mieux ce conte de l’intime. Débutant par quelques accords de piano, brouillés et amoureux, il laisse ensuite entrer la voix légère de Healy qui fend délicatement cette ambiance rêveuse. Il trouve ensuite son moment fort dans des frasques instrumentales presque pompières avant de s’achever sur quelques vagabondages plus acoustiques. Si la diversité n’est donc pas absente de ce morceau, chacun des différents transports qui la constituent semblent tous accompagnés d’une note intimiste.
Le nom North Atlantic Oscillation l’annonçait bien : phénomène météorologique conduisant à une alternance rapide entre dépression et anticyclones, cet album est ainsi. Il condense dans chacun de ses morceaux une foison de variations émotionnelles. Ce que le nom n’avait pas prévu, cependant, c’est le fil conducteur qui relie fabuleusement et mystérieusement ces différents tons.
Pour ce dernier album, le trio semble avoir un peu délaissé sa facette électro, la mettant tout de même en avant par quelques rythmes interprétés aux sons de beats discrets et raffinés (ne pensez pas à ces impulsions répugnantes que l’on retrouve dans les playlists de boîtes de nuit). Grand bien fasse aux Ecossais de ne pas tenter d’aventures trop électroniques car le post-prog leur sied à merveille. Il est toujours possible, pour feindre l’objectivité, d’évoquer quelques passages un peu mous, de faire mention de rythmes trop bourrus çà et là, mais le cœur ne peut être à la critique après l’écoute complète de cet petit bijou d’ambient et de rock planant. La structure même de l’album a le mérite d’être assez humble (plus longue chanson longue de 7 minutes) et intelligente dans sa progression, des titres dynamiques à ceux plus calmes. Le talent de ce groupe va même jusqu’à reproduire le style de nos monstres progressifs sans pour autant s'immerger dans un plagiat pur et dur. C’est notamment le cas de “Penrose” qui prolonge quasiment “Wind and Wuthering” dans des beautés que l’on pensait exclusives à Genesis. Voilà donc un brouillard sucré dans lequel plongeront avec plaisir les oreilles curieuses et désireuses de s’ancrer aux cieux.
Et qu’est donc ce Troisième Jour en fin de compte ? Pour votre serviteur, c’est celui d’un voyage plein d’une solitude magnifique, une odyssée inachevable car elle-même trop portée sur l’infini des choses qu’elle décrit.
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