Titres
Formation en 2010
Ulf Reinhardt [batteur]
Seven Impale, levez-vous ! Vous êtes accusés par la cour de composer une musique élitiste, riche et complexe. Faute de circonstances atténuantes, le tribunal vous condamne à une éternité de musique jouée au triangle.
Nos six norvégiens remettent le couvert avec un nouvel album jazz progressif sorti chez Karisma le 16 septembre. Des claviers zarbis, des guitares folles, du saxophone déjanté, de la basse à la Colin Edwin et une batterie sans cesse en mouvement, ces enragés, très loin des autoroutes médiatiques, nous livrent un contrepasso en neuf titres à mi-chemin entre Gong et King Crimson. Gong pour l’aspect jazz RIO débridé, King Crimson pour la technicité et l’emphase des compositions.
Dire qu’aborder l’univers musical de Seven Impale s’avère difficile serait un doux euphémisme. Leur prog, très instrumental, soutenu par la virtuosité des artistes, expérimente en permanence. Autant dire que mon chat quitte le salon et que ma femme ferme la porte lorsque leur musique passe sur la chaîne. Pourtant, après une première pointe d’appréhension (j’avais séché sur leur premier album City Of The Sun), je découvre un disque certes complexe, mais abordable. En deux années, le groupe a mûri et s’ils conservent toujours le grain de folie originel, ils canalisent mieux aujourd’hui leur fougue passée, et explorent de nouvelles directions musicales.
D’emblée, Seven Impale sort la grosse artillerie dans ‘Lemma’ avec de l’orgue, des chants incantatoires déclamés, un saxophone qui dérape et des expérimentations à la Gong. Présenté ainsi, cela semble effrayant, en réalité il n’en est rien, la progression très maîtrisée de ces scénettes permet tous les excès, même quand à la quatrième minute deux voix théâtrales éclatent de rire. ‘Heresy’ vogue nettement plus sur le jazz expérimental. Il alterne des choses étranges comme le final façon sonar avec beaucoup de saxophone. Il faut s’accrocher à son slip pour ne pas se noyer, mais c’est le jeu, et joué avec une telle maestria, on leur pardonne. Un peu de Zappa, de Van Der Graaf Generator et de King Crimson, ‘Inertia’ nous ramène à la fin des sixties avec une section instrumentale fabuleuse (basse, batterie, saxophone), un bulldozer musical où se glisse un break de percussions qui lentement nous renvoie au thème principal basse/saxo entrecoupé de claviers éthérés. Sur ‘Languor’ la section rythmique est à l’honneur, un Porcupine Tree sous extasy où Tormod Fosso se prend pour Colin Edwin. Une voix de crooner vient semer le trouble avec Peter Jackson qui semble de retour. Les claviers flatulent et le chant déraille, si vous n'êtes pas vacciné(e) contre la rage, méfiez-vous quand même un peu. Le tout petit ‘Ascension’ éthéré laisse place aux spasmes tribaux de ‘Convulsion’ qui se joue de nous sur les cent dernières secondes avec basse batterie et saxo encore une fois. ‘Helix’ tend à construire, à partir d’une poignée de notes atroces, une mélodie qui se développe sur neuf minutes. Un morceau épuré si on le compare à ses proches voisins. Étrange, bizarre et qui part en vrille à la cinquième minute, Stian Økland finissant par hurler avant que la musique ne glisse dans un jazz de piano bar subversif. Il y a du Wilson sur ‘Serpentstone’, la démesure en plus, car les six norvégiens ne font rien à moitié. Des sections instrumentales replètes et deux couplets ascétiques pour plus de sept minutes relativement sages au regard du reste. L’aventure se finit dans onze minutes : ‘Phoenix’, expérimental à souhait, électro bizarre qui met quatre minutes à démarrer et deux de plus à décoller fait figure de remplissage après tout ce que nous avons déjà écouté. Au moins, avec celui-là, vous ne vous ferez pas trop de nœuds au cerveau, encore que...
Seven Impale impressionne avec ce second album. Impressionne par leur progression évidente et leur maîtrise instrumentale. Il demandera toutefois quelques écoutes attentives pour être adopté par certains, et il se peut que des pièces comme ‘Heresy’ ou ‘Languor’ vous restent quand même sur l’estomac. Mais comparé à City of The Sun, c’est du billard.
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