Titres
Formation en 2014
Anneke Van Gierbergen [chanteuse], Arjen Anthony Lucassen []
The Diary est le premier album du groupe (ou du projet, l’avenir nous le dira…) The Gentle Storm, une formation fondée sous la collaboration de la chanteuse Anneke van Giersbergen et du compositeur Arjen Lucassen. Quand l’Egyptienne et le hippie du Château électrique nous reviennent ensemble depuis 2008 (où ils avaient collaboré pour le 01011001 d’Ayreon) pour interrompre des carrières prolifiques et saluées, le meilleur s’envisage en connaissance de leur potentiels respectifs.
S’il est assez rare de lancer un groupe avec un double-album, la démarche cachée derrière ce choix de format soulève d’autres interrogations. En effet, chacun des deux disques de The Diary reprend les même compositions, seule l’interprétation diffère. Le concept est audacieux, d’autant plus quand on connaît la part d’aléatoire qui régit bien souvent la réussite d’un double-album. L’inspiration ne suffit plus à elle seule et doit collaborer avec un sens aigu du dosage : dans le cas de The Diary, il faut rajouter en plus la nécessité de ne pas se répéter. La formation pallie ce problème d’une façon somme toute efficace en alternant les genres musicaux. Le premier disque, Gentle, puise ainsi dans le registre folk tandis que le second, nommé Storm, décline ses morceaux dans le métal progressif, le tout sous un concept-album racontant une histoire d'amour au XVIIe siècle.
DISQUE 1
L’album débute sur “Endless Sea” et ses percutions imposantes, un morceau qui cristallise assez fidèlement l’ambiance générale du disque. Loin du folk un peu rude de Jethro Tull, la musique deGentle coule et contourne les écueils rythmiques qui se présentent à elle. Des violons aux flûtes, des silences aux percussions, rien ne semble arrêter ces nappes éthérées et folkloriques, tantôt lentes tantôt véloces. La finesse des nuances apportée par chaque instrument s’avère souvent propice au développement d’ambiances mystérieuses dans l’ensemble de l'album. Bien nombreuses sont les interludes laissées aux flûtes et aux cordes traditionnelles, elles-mêmes soutenues par un piano ou un violon qui distille sa fine mélodie en fond. Un goût pour la répétition rythmique participe aussi de cette immersion: l’utilisation assez classique d’un ostinato en deux temps au début de quelques morceaux produit une impression de balancement, peignant ainsi la toile d’un bateau en mouvement sur la grande mer. Et toujours ces sons boisés de violons ou de percussions qui magnifient les traditions nordiques par leur élégance à mi-chemin entre la quintessence et le dépouillement; une réécriture raffinée de la vieille musique folklorique. La nature elle aussi est mise à l’honneur avec l’intégration de quelques sons maritimes, qui achèvent de planter ces paysages lyriques.
La complète délectation de ce premier disque n’est pourtant possible que grâce à la voix de Anneke van Giersbergen. Sous ses grâces et sa justesse qui ne paraissent, au premier abord, que singer d’autres niaiseries mélodiques entendues mille fois, le filet de la Hollandaise se promène avec la virtuosité qu’on lui connaît. Et des mélodies naissantes, certaines sont de vrais travaux d’orfèvre qui percent la toile instrumentale comme une dague en cristal. Van Giersbergen surgit parfois là où nul ne l’attend, enflammant de romantisme chaque part de cette tradition en phase de redécouverte. L’ambiance générale s’imprègne ainsi d’un contraste agréable, que l’on retrouve le plus entre la vigueur des percussions lentes et la légèreté de la chanteuse. Il est aussi plaisant de constater qu'elle se sauve des gouffres de la démonstration vocale, un parti pris assurément salutaire.
Cependant, la formation ne se prive pas d’emprunter d’autres chemins qui diffèrent de la musique folklorique nordique pour étirer sa palette musicale. Citons pêle-mêle les plus marquants : “Shores of India” et son orientalisme hypnotisant, les passages jazz à la Nora Jones de “Hearth of Amsterdam” et la fin au banjo de “Cape of Storms”. La plupart de ces ruptures stylistiques rafraîchissent les morceaux les contenant, sans pour autant dénaturer le ton général, puisque le folk nordique revient bien souvent se mêler à ces effluves nouvelles, croisant ainsi les cultures d'une façon assez surprenante. La surprise vient aussi de quelques instants durant lesquels les violons jouent de dissonances. L’utilisation contemporaine de l’instrument interpelle mais parvient vite à trouver une place dans les oreilles déjà en confiance.
DISQUE 2
La seconde partie d’album n’est malheureusement pas aussi réjouissante que la première. Une situation prévisible, dans le sens où l’inspiration se prête peu à l'ambivalence : elle si souvent dirigée dans un but précis, souffre d’être réutilisée à des fins plurielles. Certes, “The Storm” révèle les qualités de quelques morceaux passés pour limités dans leur version folk (“The Storm”, “New Horizons”). Mais souffrant d’un étalage métal assez convenu, il n’apporte aucune amélioration notable au contenu du premier disque. Les coeurs guerriers et les percussions bien souvent outrancières plongent parfois de nombreux morceaux autrefois si léger, dans des frasques presque pompières. Le vrai problème de The Storm réside en fait dans son manque d’initiative : la musique s’y muscle inutilement sans qu’aucun parti pris ne puisse soutenir de réel intérêt à son égard, les bons résultats y sont très aléatoires. “The Endless Sea” avait pourtant bien débuté ce changement de ton, sous ses airs grandiloquents bien amenés et son solo mémorable ; des éléments qui manquent à toute la suite, entre autres. Cette belle bravade et les quelques moins nombreuses qui suivent, peinent donc à justifier à elles seules la présence d’un second disque tel que celui-ci, compte tenu du potentiel du premier.
Van Giersbergen et Lucassen paient donc à un certain prix leur excès de conceptualisme. Non pas que The Storm ait totalement démérité, mais il force la réécoute un peu amoindrie d’une musique qui se suffisait déjà à elle-même. Ce second disque garde tout de même un intérêt pour les auditeurs qui n’ont pas d’affinité avec le folk en général et qui veulent s’y initier sans trop souffrir. Dans ce cas-là, il est préférable d’écouter The Storm en premier et d’en venir à The Gentle quand l’envie de nouveauté se fait sentir. En tant que cachet vulgarisateur, The Storm peut donc servir mais reste, hors de ce contexte, la preuve typique d’un double-album qui aurait dû rester simple. On y gagne d'ailleurs à ne considérer que le premier disque, qui vaut bien à lui seul le prix total de “The Diary”.*
*C’est d’ailleurs pour cela que la note tient peu compte de The Storm.
Site : hhttp://www.arjenlucassen.com/
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Vidéo officielle :