Titres
Je ne sais pas si vous êtes comme moi, j’ai parfois l’impression qu’un album me file au bout des doigts (et des oreilles !) sans bien comprendre ses partis pris et sa substance. C’est le cas de ce Sprezzatura, successeur de leur premier opus The Last Harvest qui, à défaut d’originalité, sortait des sentiers battus, à la fois « old school », déroutant, mêlant allègrement scène de Canterbury, jazz, rock folklorique et une pincée de rock progressif.
Bien sûr, nous retrouvons ces ingrédients mais un peu sous forme d’un puzzle qui me paraît difficile à assembler ; sentiment renforcé par les déclarations du groupe pour le lancement promotionnel : « Nous voulions progresser dans le genre progressif, en explorant du matériel dans un style légèrement différent de celui de notre premier album The Last Harvest qui a été enregistré sur plusieurs mois ; Sprezzatura a lui été enregistré sur une période de quarante jours consécutifs. Je ne travaille pas rapidement, il n’existait donc pas d’options pour le mixage final. Ce nouvel album a donc un fort sentiment de spontanéité.»
La première trilogie, Knots (des nœuds marins assurément) débute par ‘overture’, le bien nommé, un instrumental aux racines jazzy très bien interprété suivi par une chanson de marin, le très folklorique ‘A Sea Shanty’, sans réelle originalité, contrastant par sa simplicité et sa ligne mélodique, pour finir par un court instrumental ‘Don't Shoot The Albatross’ sous forme de gigue, frais mais un peu linéaire.
Point culminant de l’album, ‘Horsa From Beyond The Grave’, est vraiment captivant ; la fusion des styles se fait naturellement avec comme fil rouge la voix de Lucie Vox ; certainement, et à mon humble avis, la voie à suivre pour le prochain opus.
La seconde trilogie parle d’un triangle amoureux, de l’infidélité et de l’esprit de vengeance ; tout un programme !
Le très pop et acoustique ‘Wishing Well’ ne m’a pas emballé outre mesure malgré ses chœurs réussis et ce final au saxophone qui laisse présager un orage à venir ; et quel orage, ‘You Better Shut Your Mouth’ constitue une pièce de choix porté par sa rythmique sans faille, des interactions instrumentales convaincantes et, je trouve, son petit côté Magma dans la construction ; ‘Never Tell On Me’ est une sorte de sandwich pop avec en son milieu un passage jazzy qui prend de la consistance pour se faire progressif où basse, synthés et guitares s’en donnent à cœur joie ; quel dommage que la deuxième partie du pain pop soit à la finition.
‘The Long Goodbye’ clôture magnifiquement l’album, après un début tout en douceur et une voix masculine trop monocorde, le chant de Lucie Vox apporte la lumière (tout est dans son nom !) avec un passage très floydien, période The Wall, et, à sa suite, un solo de saxophone bienfaisant, superbement épaulé orchestralement.
Au final, Sprezzatura me laisse un goût d’inachevé ; la spontanéité recherchée aboutit à une alternance de titres faibles et, pour notre plus grand plaisir, de moments forts ; si The Kentish Spires reste attaché à ce qui est l’essence même de leur signature musicale sur la longueur d’un album sans céder aux sirènes pop, leur troisième album devrait être une sacrée réussite.