Titres
Formation en 2012
Lorsque je lis une chronique chez un confrère, qu’elle me donne envie de me ruer sur un album, je m’impose toujours une longue pénitence avant de prendre ma plume et d’en parler à mon tour, le temps d’oublier et de re-découvrir le disque avec des oreilles innocentes.
Wilderun et son Veil of Imagination, encensé par Alias , fait assurément partie des groupes de metal méconnus qui sortirent de l’ombre en 2019. Pourtant, le groupe né dans le Massachusetts au début de la décennie n’en est pas à son coup d’essai; Veil of Imagination est leur troisième LP à ce jour.
Posez des vers de jeunesse de William Wordsworth et des strophes de TS. Eliot sur une orchestration symphonique, des choeurs, du growl, du piano mélancolique, du metal dense, et vous aurez une petite idée de cet album qui rappelle quelques grands noms du genre comme Devin Townsend.
Ewan, Dan, Wayne, Jon et Joe jouent de contrastes : piano et chant doux après une déferlante de double pédale, growl qui écrase une plage cinématique éthérée, orchestration appuyée par le metal, vers déclamés, impossible de s’ennuyer même sur les pièces les plus longues. Veil of Imagination ressemble à une B.O. de film de science-fiction à grand spectacle avec ses scènes d’action grandiloquentes et des cadrages plus serrés intimistes. Il y a assurément beaucoup de démesure dans les compositions de Wilderun mais c’est ce qui contribue justement au plaisir de leur musique.
L’album ouvre sur des mots de William Wordsworth et se conclut sur ceux de TS. Eliot. Entre les deux, soixante-six minutes de death metal progressif symphonique décliné en huit morceaux dont les textes n’ont pas à rougir des vers des deux poètes. Tout débute par ce chant solitaire à la guitare rejoint doucement par l’orchestre. ‘The Unimaginable Zero Summer’ se fait déborder par le metal progressif puis le growl caverneux, remplacé par un chant dissonant et des choeurs façon Armée Rouge. Soudain, une voix flotte sur des notes de piano, poussée en avant par une marche militaire à son tour submergée par une vague metal/growl et mille soldats qui chantent à l’unisson, rasant tout sur leur passage. Double pédale, choeurs, orchestre, l’apocalypse musicale achève son oeuvre, et sur le champ de bataille ne subsistent plus que des fantômes errant : “Breezes of the empty brush past the surface…”. La pièce s'apaise et lorsque vous croyez la fin arrivée, elle repart, puissante, symphonique pour retomber enfin, après quinze minutes et lancer la suivante, ‘O Resolution!’. Les cinquante-et-une minutes qui suivent restent dans cet esprit de contrastes, de puissance et d’émotion jusqu’aux derniers mots signés TS. Eliot : “And the fire and the rose are one.”
La voix de Ewan, capable de douceur infinie (‘Sleeping Ambassadors of the Sun’) comme de growl, contribue à la magie de l’album, et les orchestrations signées Dan et Wayne ne sont pas en reste. N’allez pas croire pour autant que la section metal se tourne les pouces, elle disparaît sans doute sous le reste, faisant office de rythmique sauvage, mais les guitares, la basse, la batterie et les claviers, particulièrement le piano (Rob Perry sur ‘When the Fire and the Rose Were One’), se révèlent de haut vol.
Un grand format, des titres enchaînés, du symphonique, Veil of Imagination est bien évidemment un concept album qui raconte une histoire. Et autant vous prévenir tout de suite, ce n’est pas une histoire des plus joyeuses : “But what becomes of death when all the world withers into thought ?”.
Si toutes les chroniques qui inondent la toile ne vous avaient pas encore mis la puce à l’oreille, si celle-ci ne suffit pas à vous convaincre, consacrez une heure de votre temps à écouter ce chef-d’oeuvre du genre. Et si, après cela, vous n’êtes toujours pas tombé amoureux, venez me voir, nous en parlerons entre quatre yeux. Car dans le genre bombe du death metal progressif, je ne vois pas ce que vous pourriez trouver de mieux en rayon actuellement.