Live Report Prog en Beauce 2
Villemeux-sur-Eure, 1er novembre 2014
Il fait un temps radieux sur Villemeux ce samedi. En ce début d’après-midi, alors que résonne la balance en cours de Clepsydra (je ferai un entretien avec eux que vous trouverez bientôt sur Neoprog), les Gens de la Lune sont assis à l’extérieur, répondant aux questions d’un autre intervieweur, tandis que Dominique Leonetti fait des pirouettes avec le camion de Lazuli.
L’accueil est sympathique, beaucoup de gens se connaissent, une partie de la famille prog est présente. L’organisation est au top, l’équipe, affublée de magnifiques teeshirts à l’effigie de PeB2, s’agite dans tous les sens, sourire aux lèvres. Il faut dire qu’il y a de quoi : les réservations ont été bouclées il y a un bail, il fait beau, les musiciens semblent ravis d’être là, le public aussi ! Mieux : l’affaire commence à l’heure (c’est assez rare en festival) et Jean-Michel Thomas, le président de Prog en Beauce, peut ouvrir les festivités, sur scène avec son équipe : PeB2 rassemble un public venu de pas loin de quarante départements (plus la Réunion) et de nombreux pays étrangers (dont la Suède et le Brésil). La salle est pleine, tous les stands sont en place, envoyez la musique !
Clepsydra, 15h34
Douze ans que Clepsydra avait arrêté la scène. La tournée de 10 dates de reformation se terminait en France cet automne. Et autant dire que, de suite, le groupe apparaît rodé : ça attaque fort par "The Missing Spark" (Fears). Le son est en place d’emblée, l’intro instrumentale est magnifique, Aluisio Maggini peut faire son entrée au chant, bien épaulé par Marco Cerulli. Philip Hubert envoie un joli solo de claviers, relayé par Marco avec un beau passage en taping.
Le groupe enchaîne avec le morceau-titre du dernier album, "Alone". Le chant d’Aluisio est émouvant, la batterie de Pietro Duca claque, les claviers, très néo-prog, emportent tout, Andy Thommen y va de son solo de basse, suivi par une splendide intervention de Marco. Bon sang, il est grand ce guitariste !
Aluisio nous présente, dans un français qu’il avoue ne pas bien maîtriser (il s’en sort pourtant très bien), un morceau du premier album, Hologram. Après la partie chantée de "4107" (Hologram), Alusio se retire pour laisser la place à un long instrumental magique où Marco se taille la part du lion, avant le retour du chanteur pour un final somptueux.
Andy nous raconte comment Aluisio a écrit en une nuit le texte de "Tuesday Night", longue pièce du quatrième album, Alone. L’impression d’entendre le Marillion période Fish est encore renforcée sur scène. Andy répond au chant ("I’d like to know how") et Philip nous gratifie d’un superbe solo, qui remet le thème principal en avant. Suit un passage sans guitare de toute beauté où Pietro soutient Philip au clavier. Magique !
C’est en l’honneur d’un fan qui a prénommé son fils (aujourd’hui 14 ans) Aluisio, avoue Andy, que le groupe a mis "No Place for Flowers" (More Grains of Sand) dans la set-list de la tournée ! Et ça démarre claviers-chant avant le retour flamboyant du groupe et un solo délicat de la guitare de Marco. On apprécie les percussions électroniques de Pietro (eh oui, il joue sur batterie électronique sur scène également), donnant un cachet unique à la musique de Clepsydra. Le morceau fait de belles vagues, Marco reprend le thème à la fin, splendide.
Et c’est "Travel of Dreams" (Alone), autre pièce épique, qui permet à Aluisio d’effectuer une grande performance vocale tandis que Marco et Andy font un joli numéro de duettistes pendant la partie instrumentale.
On n’en revient toujours pas qu’Andy nous annonce que c’est le dernier morceau, un de ses préférés, indique-t-il, "The Prisoner’s Victory" (More Grains of Sand). Là encore, après une première partie chantée, le passage instrumental emporte le public avec une grandiose partie de guitare et un final majestueux.
Le public est conquis et demande un rappel. Andy imite la manivelle de l’orgue de barbarie devant Philip, c’est le morceau que tout le monde attend : "Moonshine on Heights" (More Grains of Sand). Ca envoie très lourd comme si le groupe allait mourir demain, Marco est aux chœurs, et les filles de Thomas (un des 4 Fantastiques le l’organisation), affublées d’un teeshirt "Prog en Beauce" font, chacune à son tour, un innocent mais bien maîtrisé récitatif en français !
Andy et Alusio s’épanchent en remerciements avant que le groupe n’attaque "End of Tuesday", dernier morceau du dernier album en date… Ce très beau morceau est chanté avec une émouvante intensité par Aluisio, avant de laisser la place à un admirable final instrumental…
Salutations sous les "viva" d’un public conquis, le groupe semble heureux et ému. J’avoue, moi-même, je suis touché par ce retour. Je n’avais encore jamais vu Clepsydra sur scène, moi qui avais découvert le groupe dès la sortie de Hologram en 1991, alors que je chantais dans un groupe de musiciens fans de Marillion qui avaient de suite adopté nos amis helvètes. Et je dois bien avouer mon bonheur d’avoir été là ce jour…
Gens de la Lune, 17h33
GDLL, je les ai déjà vus, eux, au Rocksane à Bergerac (date), devant un public clairsemé et avec un groupe par encore tout à fait soudé. C’était après la sortie de Alors, joue !, et cela ressemblait encore un peu à un Francis Decamps Group.
Ce samedi, ça envoie lourd tout de suite, notamment un Jean-Philippe Suzan impressionnant, sur un "Le Guide" endiablé.
Pas de répit pour enchaîner avec "Quel Désastre !" sur lequel Jean-Philippe passe aux percussions, tandis que Mathieu Desbarats, que je découvre sur scène, lâche la jazz bass 5 cordes pour une magnifique fretless 6 cordes qui n’est pas là que pour faire joli ! Car ce sera pour moi une des révélations de ce concert. Mathieu est le ciment ultime qui manquait à GDLL, ça se voit et surtout ça s’entend ! Ce titre permet à Jean-Philippe une de ces prestations vocales dont il commence à avoir sérieusement l’habitude, avant que Francis ne nous fasse une de ces présentations dont il a le secret, tout en rigolade, à moitié improvisée, histoire de mettre tout le monde dans la gaieté du moment.
Et la gaieté, le public en a puisque le groupe joue du Ange avec "Aujourd’hui c’est la fête chez l’apprenti sorcier" (Le Cimetière des Arlequins). Mais c’est vraiment une version GDLL qu’on entend, avec un magnifique arrangement qui voit Damien Chopard égrener de splendides arpèges à l’acoustique qui permettent la liaison avec un "Sur la trace des fées" (Emile Jacotey) sur lequel Cédric Mells s’éclate à la batterie. Lui et JP passent aux percus, le public s’emballe littéralement, et la partie instrumentale se lie avec celle de "Je travaille sans filet" (Vu d’un chien) avant un retour à l’"Apprenti" : un medley superbe, magique, qui montre à quel point Francis était une composante musicale essentielle des nuageux belfortins ! Et alors que l’ensemble du groupe scande, ad libitum, le gimmick du morceau, JP et Francis présentent les apprentis-sorciers qui composent Gens de la Lune, faisant ainsi don au groupe d’une partie de l’héritage passé.
Et c’est "Gens de la Lune" qui suit, Francis passant à la guitare. Jean-Philippe plaisante (blague ou réalité ?) sur un oubli des paroles du début, ce qui permet à Damien de chanter joliment l’introduction. Le tout est accompagné d’un beau solo acoustique, assez bluesy, de Damien et de la fretless 6 cordes de Mathieu qui frétille (la fretless, même si le Mathieu a la bougeotte aussi !).
Francis prépare l’arrivée de Léon Deubel, le dernier des poètes maudits, et le groupe joue "Le baume érotique", un instrumental punchy, avec une belle envolée de Damien à l’électrique et la basse de Mathieu qui décidément groove à mort (là, j’aurais pu mettre un pluriel) !
Jean-Philippe nous revient grimé en Léon Deubel, équipé d’un micro-loup pour "Les arts" qui, sur le break intrumental ("Choc d’un prélude"), vire à l’éxpérimental avec un Cédric qui se lâche totalement, JP aux percus, et un morceau qui tourne en fusion ("Les arts (fin)"), Francis nous gratifiant même d’un solo follement maîtrisé au theremin !
Francis présente "Epitaphe", durant lequel, pendant le break, les musiciens tournent : Mathieu passe au xylophone, Damien à l’accordéon et Cédric au cor, tandis que le récité d’un poème de Léon Deubel passe en fond. Le final est grandiose avec un Jean-Philippe parfaitement immobile alors que ses petits camarades interprètent un final à vous couper le souffle.
Le public est ravi et réclame son dû : un "C’No Peran" – devenu emblématique des concerts de GDLL – et un "Epitaphe (fin)" en rappel que Francis dédiera à l’un des plus grands fans du groupe, absent ce soir-là, Fredo la Lune, dont la présence nous manquait effectivement.
Ca y est, Gens de la Lune a atteint son périgée, permettant ainsi à Francis Decamps d’avoir, comme il le disait en introduction, les pieds sur terre, en phase totale avec tous les Luniens !
Lazuli, 19h50
L’interruption est longue avant l’entrée de Lazuli. Pas facile de finir le check avec la salle pleine. Jean-Michel Thomas présente le groupe, non sans humour.
Et ça envoie très fort d’entrée avec "Déraille" (Tant que l’herbe est grasse). Le son est fort, puissant, et le groupe à l’aise, sûr de sa musique. C’est le morceau parfait pour commencer le concert. Jean-Philippe Suzan est juste devant moi, content, fan !
"Une pente qu’on dévale" est mixé très rock, la voix de Dominique Leonetti au niveau des instruments, avec juste un poil trop de reverb, ce qui sera corrigé plus tard.
Ca s’emballe, je lâche le stylo tellement je suis hypnotisé par le groupe pendant "Homo Sapiens".
Domi passe à l’électrique pour "Le miroir aux alouettes" (4603 Battements), Vincent Barnavol quitte sa batterie pour le marimba. Et ça tourne, et ça tourne : Vincent aux percussions et Romain Thorel, claviériste, nous montre qu’il n’est pas manchot à la batterie non plus. Bon sang, à soir ça brasse, comme diraient nos cousins du Québec ! Mathieu, de GDLL, n’est pas loin de moi non plus et semble également à la fête.
Domi chante une lumière dans la main éclairant son visage sur un "Film d’aurore" (En avant doute) inquiétant, où Gédéric Byar fait des vagues à la guitare, bientôt rejoint par la léode de Claude Léonetti. On peut dire qu’ils s’entendent comme larrons en foire, ces deux-là !
Le cor français de Romain arrive accompagné par Vincent au marimba : c’est "L’arbre" (En avant doute) avec une superbe intervention de Romain et sa référence au Boléro de Ravel qui fait sourire les autres de surprise. Ged et Claude échangent à nouveau, comme des complices éternels. Extraordinaire !
Domi a du mal à accorder sa 12-cordes acoustique. Il plaisante, et le public aussi, qui chante des "dzoing-dzoing" rieurs. Le groupe a largement gagné, la foule est en transe, dans la poche des Sudistes. Domi peut attaquer un sujet grave : "Prisonnière d’une cellule mâle" (Tant que l’herbe est grasse), où le cor fait encore résonner son timbre chaud, tandis que Claude à la léode et la batterie de Vincent emportement tout sur leur passage !
En hommage à Patricia Rol, fan inconditionnelle trop tôt disparue, Domi annonce ce morceau qu’elle aimait particulièrement : "Je te laisse ce monde" (4603 battements). Est-ce l’hommage, est-ce l’ambiance ? En tout cas, l’interprétation est puissante, très puissante. Qui pourrait dire que Lazuli, c’est du prog mou, un peu variété ? Un doute entre nous ?
"Abîme" (Réponse incongrue à l’inéluctable) vient à point nommé avec le retour de Domi à l’électrique pour que le groupe poursuive comme une bande de morts de faim. Devant moi, Damien Chopard a rejoint Jean-Philippe Suzan, et ils peuvent eux aussi apprécier les échanges infernaux de la guitare et de la léode…
Retour au calme et aux plaisanteries. Domi échange notamment avec un groupe de fans belges et on promet au groupe de la Chimay bleue (lazuli, plaisante Dominique !). En attendant, Lazuli entame un "Cassiopée" (En avant doute) qui nous amène dans les étoiles au son du piano merveilleux de Romain.
La Chimay bleue est arrivée sur scène. A peine le temps d’y goûter que c’est "Les malveillants" (4603 battements) qui est envoyé avec une urgence impérative, d’autant que le temps passe vite. Ged et Domi s’avancent vers la foule, de concert, pour le final.
Et il en faut un final. Les pauses, plaisanteries et autres accordages ont raccourci la prestation lazulienne : impératifs horaires pour laisser la place à Sylvan. Ce sera "Les courants ascendants" (Tant que l’herbe est grasse), avec encore une intervention remarquable du cor français, cette fois le public chante de conserve… "Ma révérence, j’ai tiré…"
A peine le temps de quitter la scène pour nos gaillards que le marimba est avance pour un "9 Hands Around the Marimba", désormais rituel sur scène. Les cinq compères rient, sous les impulsions de Vincent qui dirige la bande, ça blague, ça sent le bonheur devant une foule en liesse qui martèle le tempo. On a même droit à un passage adapté du "Solsbury Hill" de l’ange Gabriel.
Lazuli peut quitter les planches, trop vite, trop tôt, comme un tsunami inattendu laissant la foule hagarde, heureuse, en transe hiératique…
C’était ma première de Lazuli. J’avoue avoir mis un peu de temps à adopter le groupe, prisonnier que j’étais de la tutelle angélique… Je dois également bien admettre que j’étais avant tout venu à Prog en Beauce pour les voir sur scène. Et diantre, quelle claque, quel bonheur, quel groupe de scène !
Sylvan, j’ai oublié l’heure…
Sylvan, c’était la cerise sur le gâteau chère à Agnès, l’une des organisatrices. La pause est longue, le groupe sur scène pour le soundcheck, et l’on découvre le nouveau guitariste du groupe, Jonathan, haut comme trois pommes, une bouille sympa, 17 ans au compteur et donc remplaçant de Jan Petersen !
Pas de sortie pour préparer une entrée théâtrale, le groupe attaque avec "Deep Inside" (Artificial Paradise), brut de décoffrage. Marco Glühmann est en voix et la basse de Sebastian Harnack est énorme.
Suit "From the Silence" (Force of Gravity), le chant maniéré de Marco est amplifié par son attitude scénique tandis que les claviers de Volker Söhl tissent des nappes gouleyantes. Néanmoins, déjà, autant j’aime l’album Force of Gravity, autant il y a quelque chose qui ne fonctionne pas…
Marco nous parle de façon sympathique et drôle, dans un français très correct, et le groupe attaque l’enchaînement "Eternity Ends"-"Bequest of Tears"-"In Chains" (Posthumous Silence). La basse fait bien entendu des volutes, Jonathan est encore très discret à la guitare… Mais décidément, je n’y arrive pas, je trouve l’ensemble un peu froid, malgré les efforts de Marco…
Le si beau "The Colors Changed" (Posthumous Silence), justement, n’y change rien, pas plus que "The Last Embrace" (Posthumous Silence)… Je préfère partir, peut-être trop fatigué par l’ensemble de la journée, ou encore sous le choc des trois prestations précédentes…
Néanmoins, malgré cette petite déception, je rentrerai heureux de ce Prog en Beauce 2. Une ambiance chaleureuse, une organisation impeccable, des musiciens proches et disponibles, un son de qualité et une ambiance joyeuse.
On ne peut que féliciter celles et ceux qui se donnent pour organiser de tels événements – outre les quatre principaux protagonistes, on remerciera la nombreuse et formidable équipe qui les entoure -, ainsi que la municipalité de Villemeux-sur-Eure qui soutient ce type de manifestation là où tant d’autres les annulent…, de même que les photographes officiels mis à disposition par l’organisation pour pallier la nullité de chroniqueurs-spectateurs débordés et trop mauvais dans cet art comme moi (merci à Bill Bocquet et Christian Arnaud – mais on n’oubliera pas Laurent Bonicalzi).
Ah oui, comme un festival, c’est aussi, voire surtout, la présence et l’enthousiasme d’un public – un festival prog à guichets fermés, ça s’arrose -, bravo à celui de Prog en Beauce 2, visible - en partie - sur la première photo de ce reportage (on trouvera un ensemble de photos à l’adresse suivante de notre page Facebook : https://www.facebook.com/media/set/?set=oa.802596336471234&type=1 ; sur la photo du public, vous pourrez toujours jouer à "Où est Togo Chubb ? ")…
Rendez-vous est pris pour PeB3 !
Quelque chose me dit que nous aurons encore des surprises et qu’il vaudra mieux s’y prendre à l’avance pour avoir des places…
Togo Chubb, envoyé spécial Neoprog
Rédigé par : Henri