Samedi 1er Avril
Outre la buvette et quelques stands de merchandising, le patio central ainsi que les couloirs menant à la grande salle ont été ornés des photos de Andreas Tittman. Une exposition avec de superbes tirages encadrés sous verre, issus des différents événements que l'allemand a méthodiquement écumés au cours de ses nombreuses années de photographe de concert. Y est représenté le gratin du prog et du rock en général: Steven Wilson, Fish, Steve Hackett, Lazuli, IQ, The Enid, Carl Palmer…
C'est Jonas Reingold, basse en mains, qui ouvre le bal de ce second jour, avec son compère autrichien multi casquettes guitariste-auteur-compositeur-producteur Andy Bartosh, chapeau noir et lunettes steampunk, à la guitare acoustique. Les deux artistes bien assis sur leur chaise tabouret nous gratifieront d'un bon moment musical tout en cordes, exécutant un medley des groupes produits par Jonas, notamment Flower Kings et Karmakanic, dont le suédois est bassiste au sein de ces groupes. Juste avant le concert Uwe avait prêté à Jonas une basse pour apparemment qu'il joue avec et puisse la tester. Jonas fera rire la salle à plusieurs reprises. Il s'excuse car il "ne parle bien l'allemand qu'après plusieurs bières", et dit que c'est le bon moment pour mettre la pression et remercie Uwe pour ce "superbe cadeau". Ce concert est une belle ouverture matinale cristalline en guise de déjeuner. C'est aussi un moment de pub pour le suédois qui en profite pour parler de ses cent trente albums produits (fuse derrière moi un 'What the fuck !'), de son catalogue très bien fourni, bref une occasion aussi de faire son auto-promotion. Un discours un peu trop appuyé à mon goût, mais c'est de bonne guerre dirons-nous.
Jonas Reingold (basse) et Andy Bartosh (guitare)
Seven Steps To The Green Door se mettra ensuite en place. Je me réjouissais de voir sur scène ce collectif à la musique tellement originale pour moi, je ne serai pas déçu. A la question du "Qui a fait le plus de kilomètres pour venir ici ?", la réponse semble avoir été 700, un voyageur à la nationalité inconnue. La recette de cette jeune et sympathique intervention musicale ? Une belle brochette de sept artistes qui prennent plaisir à chanter ensemble, des interventions de sax et de flûte pour "Super Brain" Marek Arnold, et surtout une Jana Pöche qui prend un plaisir fou à être là, qui resplendit avec son joli minois, ses sourires complices, sa superbe voix et ses improvisations vocales qui provoquent des frissons. Le dernier titre, avec son refrain ('Higher to the sky'), sera un moment d'évasion inoubliable.
Lars Köhler et Sören Flechsig
AnTon passera ensuite sur scène. Cela fait "très chaud au cœur" pour Mario, représentant du groupe et guitariste, d'être sur scène et de partager la musique jouée avec ses partenaires. Anton est un groupe de musiciens issus de la Lebenshilfe de Bernburg, une organisation qui vient en aide aux personnes ayant un handicap et qui favorise leur intégration dans la société. Par ce projet musical qui a vu le jour en 2008, Mario trouve un sens tout particulier aux objectifs attribués à la Lebenshilfe. L'occasion lors de ce festival d'y passer aussi un message sur la notion toute relative de différence.
Nous passerons ensuite au Canada avec Red Sand. Couché sur la scène en gabardine blanche, Steff, le chanteur, se relèvera sur les premières notes du concert. Il joue apparemment l'histoire d'un homme, personnage principal de leur concept album. Un homme tour à tour isolé, traqué, enfermé, manipulé comme une marionnette, et qui recouvrera la liberté en se libérant sur scène de sa camisole de force. La musique jouée par Red Sand se révèle être très proche de Marillion première heure période Fish. Les claviers ne sont pas vraiment originaux, et les motifs joués sont en vérité, pour moi en tout cas, trop répétitifs, poussifs et gagneraient à être plus épais et dynamiques. Le très bon jeu de scène de Steff permet par contre de suivre l'histoire du personnage central sans trop connaître la discographie du groupe canadien. En ce qui concerne donc la musique, que je n'ai jamais trop approfondi pour être honnête, elle est sûrement à réserver pour les inconditionnels du genre. Je préfère personnellement et de loin l'original à cette variante qui me semble musicalement moins percutante et énergique. De nouveaux copains en perspective, mais encore une fois tous les goûts sont dans la nature.
André Godbout (basse) et Steff (chant)
Le groupe suivant est Crystal Breed. Sur cet après-midi je m'emmêle un peu les pinceaux avec tous ces groupes et artistes que je découvre. Des allemands de Crystal Breed j'en retiens un rock qui tabasse bien, complètement débridé, voire foutraque à certains moments, mais diablement bien maîtrisé et entraînant. En tous cas ces mecs sur scène assurent aussi vraiment.
Niklas Turman, le front man de Crystal Breed, restera ensuite sur scène pour jouer et chanter avec Uli Jon Roth. Ce concert est pour moi un temps fort de la journée, tant au niveau de la musique que de la découverte du personnage. Ulrich Roth, faut-il le rappeler, a été guitariste au sein des Scorpions, et il est considéré comme le Jimmy Hendrix allemand. On sent bien que les amplis massés sur scène ont déjà fait quelques tours du monde, ça sent bon le vintage, le vécu et l'expérience du routard. L'artiste apparaîtra sur scène avec une guitare sept cordes dont on sent que le couple formé avec son propriétaire est une valeur sûre. Debout carrément aux pieds de l'artiste, je m'amuse à déchiffrer chaque détail du spectacle offert par le musicien, qui me plonge en fait dans les années 70 et le Flower Power. Bottines noires à franges, bandana, plumes bleues sur le manche de guitare et insignes indiens sur la veste noire et sur la guitare ornée d'un grand S doré en un arc qui jette ses reflets étincelants en autant de flèches décochées, je me retrouve en plein Woodstock entouré d'indiens. Pas besoin de dire que le concert est de haute volée, avec - à tort ou à raison - une musique qui fleure bon les Doors, Santana, et autres The Who. Le jeu de Ulrich est en tout cas très intériorisé, moyennant quelques sourires tranquilles, on sent d'après la patte du vieux briscard que tout roule et que rien ne peut arriver. On est en confiance totale, il n'y a qu'à déguster les morceaux et les soli distillés. Le guitariste utilisera aussi une guitare à deux manches et chantera pour quelques titres. J'ai été en tout cas happé et scotché à la fois par la virtuosité et la personnalité de ce routard des scènes à qui on ne la fait plus.
Uli John Rot
Le dernier artiste de ce second jour sera Chris Thompson. Une fois encore, pas besoin de dire que l'anglais à la longue carrière et aux collaborations longues comme le bras fera un gros show. Le temps de mettre une couverture dans la grosse caisse, et ce sera parti pour une heure trente de concert que je déguste bien assis depuis le balcon. Là aussi l'intervention de l'artiste, qui a officié en tant que chanteur et guitariste au sein de Manfred Mann's Earth Band dans les années 70 et 80, est un régal. Le genre de concert où vous savez que vous passerez de toute façon un bon moment avec une valeur sûre, et que vous n'aurez qu'à vous faire plaisir dans un confortable cocon, entouré de gens qui ne vous envoient que des ondes positives et bienveillantes. Au rayon des petites anecdotes, Chris jettera sans ménagement sur le côté de la scène un harmonica qui ne semble pas lui donner satisfaction, et le rappel se fera sur le fameux 'Blinded by the light' (chanson de Bruce Springsteen de 1973 repris par Manfred Mann's Earth Band en 1976) en cœur par l'assistance bien fournie. C'est un très gros succès pour Chris qui clôt de très belle manière ce second jour.
Chris Thompson
Cette seconde orgie musicale s'achève à une heure correcte (00:20), je redoutais que ma soirée finisse aussi tard que la veille. Cela fera un peu de temps supplémentaire pour récupérer du déficit d'heures accumulé. Merci les organisateurs, ce fut encore une belle journée.
Rédigé par : Laurent