Dimanche 2 Avril
Arrivé un peu en avance, je continue la visite de l'expo photo, et je m'immisce dans la grande salle. L'imposante équipe de techniciens de Omega s'affairent aux derniers réglages en vue du concert du groupe hongrois, à la fois point d'orgue et conclusion de ce festival. Omega semble être venu en force. Outre la scène qui est déjà bien sûr parée, les moyens humains et matériels déployés sont assez colossaux. Autour des différentes consoles, la ruche constituée d'une dizaine de techniciens bourdonne et s'affaire. Il y a même une console spécialement dédiée aux lasers qui, vu le nombre de sources de lumières en fond de scène et de miroirs réfléchissants sur les côtés, vont sûrement en mettre plein la vue et illuminer cette salle. Avec ces lasers verts, on peut s'attendre à un show assez années 80.
Il y a aussi les consoles déjà en place pour Pain Of Salvation, cela fait déjà un sacré coin dédié pour les régies. C'est d'ailleurs l'occasion de souligner que les régies pendant le festival sont 'noyées' dans le public, sans aucune barrière ou délimitation de sécurité. Et cela se passe super bien dans une ambiance plutôt très familiale. Pas de limitations d'accès aux escaliers latéraux qui permettent d'être au même niveau que les musiciens. Pas de fouille non plus à l'entrée du festival, nous sommes dans une confiance mutuelle. A l'heure où beaucoup de crispations sécuritaires se font sentir en France, nous ferions bien de nous inspirer de cet état d'esprit.
Une partie de la régie et des consoles
Port Noir ouvre cette troisième journée, et fera un peu les frais de tous ces réglages effectués par les hongrois, le temps dédié à leurs réglages étant minimal. A moins que ces réglages aient été déjà effectués le matin. Port Noir est en fait en première partie sur la tournée européenne de PoS, et il est fort possible que tout ait été déjà mise en place à l'avance avec l'équipe technique suédoise.
Le groupe a déployé deux banderoles verticales qui encadrent la batterie et débute son set. Nous avions parlé des trois suédois lors de la sortie de leur
dernier album qu'il me reste encore à approfondir. Le son est assez fort, toujours est-il que la prestation du trio - deux guitares et une batterie -, aux voix assez hautes et très bien maîtrisées, laisse une excellente impression. Nous aurons droit à quelques mots en français sur un titre. L'assistance est assez clairsemée, en tout cas devant la scène, mais c'est toujours le cas en début de journée.
Andreas Wiberg
La programmation ira ensuite crescendo tout au long de cette dernière journée. Mystery, groupe québécois que je me réjouis de voir en live (fabuleux
dernier album !) se met ensuite en place. Les réglages et soundcheck seront longs, on sent le groupe complet assez tendu par l'attente et vraiment très très impatient de jouer. Il semble que Jean-Sébastien à la batterie n'aura le retour de ses compères qu'à la dernière minute, après de longues recherches techniques. A leur décharge, l'équipe technique doit sûrement se dépenser sans compter pendant ces trois jours de folie musicale, et gérer un à un tous les problèmes qui se présentent lors des changements de plateau.
Un fan montera carrément sur scène au milieu des techniciens et du matériel en plein boom de montage, hélant de la main et appelant un des artistes en fond de scène pour essayer de le capturer sur son smartphone. Il aura ensuite beaucoup de mal à rester sur le côté de la scène pendant le concert, personne n'osant lui dire qu'il y a des limites à ne pas dépasser. Il en fallait bien un…. Les québécois ont à leurs pieds ce qui semble être une de leurs fanbases, qui n'a pas manqué de les accueillir dès leur sortie du van dans la rue de la Neuberinhaus. Jean (le chanteur) ne manquera pas de leur décocher sourires et attentions lors des réglages avant le concert.
Encore un groupe qui prend vraiment plaisir à jouer sur scène, chacun prend son pied. Entre grands sourires et déhanchements de Antoine aux claviers, riffs rageurs de Sylvain à la guitare, interventions de flûte et de synthéguitare de Jean, c'est un grand vent d'énergie qui a soufflé dans toute la salle pendant ce concert distillé par la bande à Michel Saint-Père. Avec un sens indéniable du spectacle. Au concours de l'applaudimètre, Mystery est sans aucun doute dans le top 3 de ce festival.
Antoine Michaud (clavier) et Jean Pageau (chant)
Après l'ovation faite à Mystery, nous restons en francomicrophonie avec Lazuli. Les français seront très prompts à se mettre en place. Je connais maintenant bien le show de Lazuli, et cela reste toujours un très bon moment de les voir sur scène. Il y a fort à parier que les gardois sont maintenant plus connus à l'étranger qu'en France. Ils sont en tout cas de superbes ambassadeurs de la France. Les temps forts de ce concert ? Outre les incontournables, à savoir le solo de Romain au cor, le duo Romain-Dominique à la caisse claire, et le 'Nine hands around the marimba', nous avons eu droit à deux descentes dans la fosse de Dominique et Gédéric, un public qui reprend spontanément en chœur le refrain d'un titre - avec les musiciens qui se regardent d'un air étonné du genre 'Eh les gars si c'est pas super ça il n'y a même plus à demander !' - avant que Romain ne délire en impro aux claviers. A noter que le cor s'est fait plus présent tout au long du concert, et non pas sur un seul titre. Un choix judicieux.
C'est bien sûr aussi une belle ovation pour le groupe dont la place de stand gracieusement prêtée par Progressive Promotion Records remplira le patio d'entrée d'une queue interminable. Il faut savoir être patient pour pouvoir se procurer leur dernier
livret DVD. Je devrai attendre en fait la fin du concert de PoS pour que la file d'attente s'éclaircisse, et que je puisse m'en procurer un exemplaire. Il ne fait pratiquement aucun doute que Lazuli est le groupe qui aura le plus attiré les foules et aussi vendu le plus pendant ce festival (et non ce n'est pas du chauvinisme mal placé).
Le célèbre et incontournable ‘9 hands around the marimba’
Ca poutrera légèrement plus pour Pain Of Salvation. Les suédois ont une configuration de scène basée sur des éclairages de fous: intenses lumières blanches sur le côté, éclairages venant d'en bas, énormes flashes derrière les gars. C'est extrêmement bien étudié. La salle plongée dans le noir en une sorte de huis clos, les jeux de lumières feront ressortir les artistes de manière très forte, contribuant à l'ambiance particulière de ce concert. Un concert qui laissera un goût indéfinissable dans la bouche, mélange de violence, de nostalgie, de douceur feutrée, de révolte incontrôlable, à l'image d'un volcan éteint et apaisé qui éructe subitement son torrent de lave dans une explosion de décibels. Le son est fort, beaucoup trop fort, surtout dans une salle pareille. Daniel, pieds nus, qui a été à
l'article de la mort, semble s'être refait une santé de fer. En tout cas à sa sortie de l'hôpital il a dû soulever quelques tonnes de fonte… Il explique brièvement qu'il ne s'est pas encore totalement réhydraté de son dernier concert, où il régnait une chaleur étouffante. Le concert de PoS semble avoir été un peu boudé, le son en étant sûrement à l'origine. Et passer de Lazuli au métal poutré est aussi un sacré écart pour les oreilles. En tout cas voir PoS et Daniel Gildenlöw en live est le minimum pour tout fan de métal prog qui se respecte. Une performance de très haut vol, sur les plans technique, vocal et physique.
Daniel Gildenlöw et Ragnar Zolberg
Le dernier groupe sera Omega. Omega, groupe hongrois fondé en 1962, est inconnu pour moi. Depuis sa fondation, Omega a vendu plus de 50 millions d'exemplaires dans le monde, et sa musique a mélangé au cours de son existence plusieurs rocks, allant du psychédélique au progressif, en passant par le hard et le space rock (merci wikipedia).
Uwe prend la parole, je comprends que c'est un grand rêve qui se réalise pour lui, et qu'il n'aurait jamais imaginé recevoir le groupe de Budapest un jour à Reichenbach. Le public scandera son prénom en guise de plébiscite, mais il ne remontra pas sur scène. Durant le concert la salle est envahie de fumigènes et de lasers verts qui découpent indéfiniment l'espace. J'écouterai ce concert toutes oreilles ouvertes. J'en retiens un rock avec une consonance musicale populaire des pays de l'Est propre à ravir le plus grand nombre. Omega fait partie des grands groupes qui ont cartonné dans les années 70, ce n'est pas la période du rock que je connais le plus. Mais je comprends la nostalgie des personnes pour qui ces années étaient les meilleures années du rock, des années de bouillonnement et de créativité sans pareil. En tout cas Kóbor, chanteur principal, se dépense sans compter sur scène, tandis que Katy à la basse ne cesse d'arpenter la scène, s'amuse en allant voir tous les membres du groupe, pose tout devant pour les photographes, et s'éclate aussi avec Szekeres qui nous gratifie régulièrement à la guitare de soli enlevés. J'avoue qu'il me reste tout à découvrir de ce groupe, monstre sacré du rock hongrois qui brûle les planches depuis plus de cinquante ans. Il est 23:00 lorsque toute la troupe d'Omega salue le public, clôturant de belle manière ce cinquième Artrock Festival en pays de Saxe qui a comptabilisé 2400 visiteurs sur ces trois jours.
Les salutations de fin de concert d’Omega
Les photos du troisième jour sont
ici.
Je repartirai tranquillement le lendemain, non sans avoir fait un petit détour par le Göltzschtalbrücke, le pont en briques le plus long du monde. 26 millions de briques, ça en fait des lego.
Que retenir finalement de ces trois jours de festival ?
Une programmation de rock progressif variée, alternant routards de la scène et groupes plus jeunes. Un éventail allant du classique au métal, en passant par du neoprog, du jazz, du blues, du crossover, du psychédélique, ce sur une période couvrant une cinquantaine d'années, le tout rehaussé d'une pointe d'accent venant de l'Est. Ce festival fait surtout pour moi un très bon pont entre les différentes générations du progressif, et à moins d'avoir une excellente culture musicale, permet toujours de découvrir ou redécouvrir de nouveaux groupes. Pour les assoiffés et les morts de faim, vous avez sur place tout ce qu'il faut à disposition, chaud ou froid, et les plats sont différents chaque jour. Rien à redire là-dessus. Au rayon des améliorations, le son a été trop fort sur certains concerts, cela a déjà été évoqué. A l'instar de Pendragon l'an dernier, il est aussi un peu dommage que Karnataka soit passé à une heure aussi tardive, cela a sûrement dissuadé une partie du public à rester. Sinon les gens bougent entre les concerts, cela reste très fluide et agréable, vous trouverez toujours de la place dans la fosse, assis plus en arrière, ou au balcon.
Il n'y a finalement aucune excuse pour ne pas y retourner l'an prochain…
Et bien sûr pour un tel événement on ne peut s'empêcher de penser à tout le travail abattu par une poignée de personnes qui doivent forcément se dépenser sans compter. Je crois que tant qu'on ne l'a pas fait, on ne peut pas se rendre compte de l'énergie et de l'organisation nécessaire pour qu'un tel événement ait lieu.
Alors merci à tous, organisateurs, bénévoles et artistes.
Bis nächstes Mal !
Laurent.
Rédigé par : Laurent