Colmar, le 25 Juin 2018.
Le Grillen ouvre ses portes à 19h30 sous une belle lumière de début de soirée. Ca ne se bouscule pas au portillon, nous sommes au jugé une soixantaine de personnes. Quelques T-Shirts à l'effigie de Dream Theater, Persefone, Gojira, Slipknot sont disséminés dans le public qui attend sagement la première partie de cet événement australo-américain.
J'avais coché de longue date dans mes tablettes ce concert de Plini, dont les prochains mois vont être très occupés. Pas question cette année de louper cet artiste dont
le dernier album m'avait tapé dans l'œil (et les oreilles) lors de sa découverte. En Juillet 2016, Plini s'était déjà produit en première partie de Animals As Leaders au Grillen. Cette fois il est en tête d'affiche. Colmar est de fait l'avant-dernière date de la tournée française de l'australien, qui finira son French Tour trois jours plus tard à Montpellier.
La scène baigne dans une lumière bleue, avec bien sûr en fond de toile un énorme et mince quartier de lune, signe distinctif du guitariste. Ce soir il y a deux groupes que je vais découvrir en première partie: Arch Echo et Mestis.
La scène amPlinifiée du Grillen
Arch Echo monte sur scène à 20 heures pile. Arch Echo est un quintette américain qui a sorti son premier album éponyme en Mai 2017. Ce qui me frappe tout de suite est la Strandberg tenue par Adam (Rafowitz); je retrouve bien sûr le son particulier de ces guitares que j'ai découvert avec Plini. Je ne suis pas guitariste, mais le look de cet instrument a tout de suite accroché mon regard. Je me dis alors que l'artiste a rameuté ses potes férus de Strandberg pour jouer avec lui. Richie, qui s'éclate à la batterie en un style très explosif, dira quelques mots pour présenter le groupe. Durant le set, Adam s'amuse particulièrement avec Joey au clavier. Je ne me reconnais pas particulièrement dans la musique jouée par les américains qui n'est en fait pas trop ma came. Une musique très rapide, très technique, avec des basses saturées qui explosent les oreilles. Ce n'est pas assez mélodique pour moi, cela semble très brouillon, sans canevas réel, et l'on ne peut reconnaître les instruments qui semblent tous noyés dans la masse de notes. Les spécialistes me rétorqueront sûrement que c'est la base du métal fusion-djent, je ne suis pas super fan. La petite séquence jazzy du clavier sera pour moi un petit moment d'éclaircie sonore, alors que le quatrième et dernier titre 'Afterburger' ajoute de nouveau une grosse séquence de basse saturée, pour ne pas changer. Les membres de Arch Echo sont tous très jeunes (quatre d'entre eux sont fraîchement sortis du Berklee College of Music), nul doute que leur style s'affirmera et s'affinera au fil des années.
Après une demi-heure de concert, après avoir débarrassé et reconfiguré l'avant-scène, Arch Echo laisse la place à Mestis.
Adam Rafowitz (guitare) et Joey Izzo de Arch Echo.
Photo Ola Strandberg
Mestis débute à 20h45 pile, les horaires sont pour le moins carrés. On retrouve une Strandberg, cette-fois ci en basse dans les mains de Simon. Mestis est le projet solo de Javier Reyes, le guitariste de Animals As Leaders. Le concert commence avec 'Uno Mas Mor' de l'album Polysemy. Le groupe, qui utilise des séquences électroniques enregistrées, se bananera sur l'intro et ses cris de mouettes. L'incident est géré avec le plus grand naturel: on s’arrête et on recommence. Avec ce sentiment que l'erreur n'est vraiment pas grave et fait partie du jeu. La musique distillée est plus en place que le premier groupe, mais c'est encore du bon gros poutrage de basse. 'Mt. Pleasant' tabasse déjà un peu moins, Javier prend la parole pour dire que ce titre parle pour lui de ses voisins d'enfance. Les titres s'enchaînent, j'ai toujours beaucoup de mal à entrer dans la musique, les haut-parleurs crachent encore et toujours beaucoup beaucoup trop de basses. Chris le batteur reprendra Javier sur l'entame d'un titre, celui-ci nous gratifiera d'un "Heum I'm not used to this mind sheet". Là encore ce n'est pas grave, cela n'empêche personne d'avancer. J'accroche un peu plus sur 'Pura Vida', Javier nous demande de faire du bruit jusqu'à la prochaine ville à côté, et accueille Jake, guitare à paillettes et T-Shirt Leprous, qui jouera un petit solo sur le titre suivant avant de s'éclipser momentanément. Le set durera trente-cinq minutes tout rond. Encore une fois je reste dubitatif sur le style de musique joué. Je n'accroche pas, un point c'est tout.
Photo Ola Strandberg
Après ces deux courts concerts, je me demande encore une fois quel est l'intérêt de pousser dans le rouge le décibelmètre, qui flirte régulièrement avec les 103 Db. Une personne dans le public se bouche les oreilles depuis un petit bout de temps. Son ami lui propose des bouchons, elle lui fera signe qu'elle en a déjà.
A une époque où l'on tente de sensibiliser de plus en plus le public aux troubles auditifs, je ne comprends toujours pas cette option de bruit maximal. Quel en est l'intérêt ? En tout cas les nouveaux bouchons que j'étrenne ce soir jouent pleinement leur rôle et ne sont vraiment pas du luxe.
Alors voici le dicton du jour:
"Pour éviter le gros son,
Mettez des bouchons,
Vos oreilles vous remercieront."
Une petite demi-heure de battement, le temps de prendre un petit bol d'air, et Plini et sa petite troupe entrent sur scène à 21h45.
Les rangs du public ont entretemps légèrement grossi, nous sommes en tout cas moins d'une centaine de personnes pour un concert qui restera donc confidentiel, du moins en Alsace. Nous retrouvons les artistes qui ont joué précédemment avec Javier: Simon Neil Grove qui a troqué une basse Strandberg pour une autre basse de la même marque, Chris Allison à la batterie, Jake et sa guitare couleur crème pailletée.
Après deux premiers titres en guise d'apéro bien sympathique, Plini demande qui dans la salle a un prénom très court. "Luc" fusera spontanément du public, c'est le prénom que nous répéterons en rythme sur 'Heart'. Les titres s'enchaînent, et je découvre l'artiste en live. Le guitariste n'est pas une bête de scène, il est plutôt calme, posé et statique. Il y aura régulièrement de gros blancs entre les titres, ce n'est pas grave, sa guitare parle très largement pour lui. Fin sourire effacé aux lèvres, à la fois concentré et décontracté, son regard fixe et légèrement perdu dans les nuages semble régulièrement chercher des connexions silencieuses avec d'autres personnes dans l'assistance. Je mesure combien sa guitare semble petite, contrastant avec des doigts à la fois très longs et fins qui courent sur les cordes, capables de couvrir un nombre hallucinant de frettes avec une seule main. Sûrement une toute petite partie de ce qui fait son talent de guitariste. Les notes fusent, tout le monde est en place, c'est du travail d'orfèvre, on sent le nombre incalculable d'heures de musique et de complicité passées ensemble. En fait les gars se parlent entre guitares interposées, juste du regard, cela suffit amplement.
Photo Ola Strandberg
Plini lance ensuite un "Let's play jazz !" et "How many of you like djent ?", Simon se lance dans un gros solo, l'australien à la chemise fleurie invite Javier sur scène afin de montrer ses talents de "world vocalist growl". Aussitôt dit, aussitôt fait, un bon vieux growl emplit l'espace du Grillen. Le public se réveille enfin. C'est au tour de Chris de montrer ses talents à la batterie sur fond de basse.
Les présentations faites par le maître de cérémonie, tout le monde repart cette-fois-ci en impro. Les gars ne sont pas démonstratifs, mais qu'est-ce que ça joue bien ! Encore quelques titres, quelques accords chantés, Plini et Jake, qui a changé de guitare, se serrent une grosse main, ce qui ne les empêche pas le moins du monde de continuer à faire chanter leurs cordes avec la main qui reste.
Plini annonce 'Let's jam now !’, et c'est un dialogue en forme de mini battle qui s'amorce entre Plini et Jake. C'est jouissif, c'est hypnotique, les gars parlent et dialoguent encore et toujours avec leur guitare. Mais que se disent-ils ? J'aimerais être dans leur tête et ressentir les éclairs de plaisir filant à toute allure dans leurs neurones musicaux. Le concert finira en feu d'artifice avec 'Electric Sunrise'. Nous essayons bien un rappel, mais ce sera hélas peine perdue. Ce concert aura duré une heure pile.
La lune est sortie de la salle et a pris quelques quartiers supplémentaires lors de sa montée lumineuse dans le ciel profond et limpide de Colmar. Je suis content d'avoir vu Plini. Un jeune artiste discret, simple, la tête légèrement dans les nuages - à moins que ce ne soit dans la lune -, les pieds bien ancrés sur terre, et dont la guitare vaut tous les discours du monde. Un artiste qui a une belle et longue carrière devant lui.
Les photos sont de Ola Strandberg. Tiens donc ! Eh oui, le big boss de Strandberg officie aux photos lors de la tournée de Plini. Voilà l'explication de la présence de cette fameuse “Strandberg connection”. Je n'avais aucune idée de à qui je parlais lorsque j'ai touché deux mots au photographe qui shootait ce soir-là.
Toutes les photos de ce concert sont
ici.
Merci Ola !
Rédigé par : Laurent