Jeudi dernier, une double affiche se produisait au Club Laiterie de Strasbourg, O.R.k. et The Pineapple Thief.
Bruce Soord, Gavin Harrison, Colin Edwin, Pat Mastelotto réunis pour une tournée européenne, n’en doutez pas, la salle était archi comble. Je n’avais pas revu The Pineapple Thief depuis 2013, quant à O.R.k., je n’avais jamais eu la chance de les écouter en live. La soirée s’annonçait donc des plus intéressantes.
Je vous l’assure, même pour un chroniqueur blasé, cela fait tout drôle de saluer Colin, Pat, de discuter avec Bruce et d’interviewer Lorenzo quelques minutes avant le concert.
Le Club est une petite salle bas de plafond, et je craignais le pire pour le son, comme lors du passage de
Leprous en 2016. Mais avec de bons ingénieurs son et un minimum d’exigence, même cette caisse de résonance exiguë réussit à nous surprendre.
Vers 19h30, O.R.k. prend place. Pat à gauche de la scène, Carmelo et Colin au centre, Lorenzo à droite. Au premier rang, juste à côté de la batterie de Mastelotto, je vais en prendre plein les yeux et les oreilles. Le quatuor anglo-italo-américain est une jeune pousse malgré l’évidente expérience de ses membres, un groupe qui commence à trouver son public avec la sortie de son troisième album. Si
Ramagehead est une bombe, en live il leur reste encore du chemin à parcourir pour le restituer aussi bien. Certes, ils n’ont pas bénéficié d’une balance aussi soignée que pour The Pineapple Thief, mais leurs morceaux ne décollent pas forcément autant qu’en studio. Les deux musiciens qui mènent la danse sont Pat et Carmelo. Jeunesse oblige, LEF ne possède pas forcément ce charisme magnétique qui hypnotise un public, mais quand il lâche les claviers pour arpenter la scène, il arrive à créer quelques beaux moments avec les spectateurs massés devant lui. Pat, très à l’aise, prend plusieurs fois le micro pour nous parler entre deux morceaux et Lorenzo présentera le groupe en me lançant un clin d'oeil : “We are O.R.k., O dot R dot k dot”. Il faut dire qu’il nous a raconté l’origine de ce nom, à la fin de son interview, et l’histoire vaut son pesant de cacahuètes croyez-moi. Le groupe nous joue des titres tirés de leurs trois albums avec une belle place pour le dernier, un set d’une heure, trop court pour profiter pleinement de leur musique, surtout appareil photo en main, mais ils reviendront cet automne en tête d’affiche cette fois, avec une date à Paris.
Notez qu'ils seront également au Petit Bain à Paris le 17 mars prochain.
Avec The Pineapple Thief, c’est un peu l’inverse de O.R.k. Si, sur leurs albums solo je ne m’enthousiasme que moyennement, en live, je fonds littéralement. J’avais déjà vécu une expérience similaire au
Jubez à Karlsruhe il y a quelques années, alors qu’ils n’étaient encore pas trop connus, et j’ai ressenti la même émotion jeudi soir, mais multipliée par dix. Passés les trois titres photographiques où il me fallait rester concentré sur les réglages pour capturer le concert, je posais mes appareils et me livrais tout à la musique. Entre la guitare de Bruce, la basse de Jon et les claviers old school de Steve, j’étais déjà en extase. Mais avec le génie de Gavin, qui réinvente la partie batterie de chaque morceau, composant une musique dans la musique, les pièces de The Pineapple Thief, déjà sublimes, deviennent de purs joyaux.
Dans les moments de douceur, je fermais les yeux, porté par le chant de Bruce, et quand les instruments reprenaient le pouvoir, je battais la mesure infernale, à me déboiter les cervicales. Rares sont les groupes qui provoquent chez moi une telle émotion, la dernière fois ce fut
Klone à Strasbourg. Bruce taquine son guitariste suppléant, jamais prêt à temps, et charrie son bassiste casqué lorsqu’il n’a plus de basse en main. Il s’adresse souvent au public conquis, pour savoir s’il peut jouer un morceau de plus (la réponse est évidente), s’avance avec sa guitare au bord de la scène pour être au contact de la foule, remercie systématiquement son technicien qui lui passe ses guitares, ses nombreuses guitares. Combien en a t-il amené en tournée au juste ? J’en ai compté au moins quatre, deux acoustiques et deux électriques dont une magnifique PRS. Il passe de l’une à l’autre, même au cours d’un même morceau, créant à chaque fois une nouvelle atmosphère, intime, mélancolique, rageuse, metal, rythmée, dansante, au gré des titres de la soirée. Une set list équilibrée, donnant beaucoup de place aux trois derniers albums, sans oublier de glisser quelques pièces plus anciennes pour notre plus grand bonheur.
Vers 23h30, après trois morceaux de rappel, The Pineapple Thief tire sa révérence. Dans le public, je retrouve des amis et connaissances qui partagent mon enthousiasme pour cette soirée fabuleuse. J’ai même la surprise de tomber sur Valérie, la bassiste de
Brilliant Trees venue en week-end à Strasbourg profiter de ce concert magique. Je repars avec Ramagehead gribouillé par Pat, avec qui j’ai eu une conversion sympatique sur King Crimson et Stick Men (en tournée à la fin de l’année), Lorenzo qui me lance un “We didn’t seen us before ?”, Colin bien sûr et Carmelo qui décompresse. Une soirée assurément inoubliable qu’hélas nombre de personnes n’ont pu goûter faute d’une salle assez grande pour accueillir tout le monde.
Set list :
Far Below, In Exile, Alone At The Sea, Threatening War, Try As I Might, No Mans Land, That Shore, Uncovering Your Tracks, 3000 Days, Shed A Light, Part Zero, White Mist, Nothing At Best
Rappels :
Not Naming Names, Final Things, Snowdrops
Rédigé par : Jean-Christophe