Nous (Jean-Christophe et Laurent) avons bien failli ne jamais arriver à Rüsselsheim jeudi dernier. Partis vers 13h30 de Strasbourg, bloqués à l’arrêt une heure et demie durant sur l’A5 après Karlsruhe, nous sommes arrivé près du Das Rind après cinq heures de route.
Deux jours de congés, une nuit d’hôtel, huit heures de voiture aller-retour, le jeu en valait-il la chandelle ? Qui jouait donc ce soir-là dans la petite salle de Rüsselsheim pour que Neoprog se mette en quatre ?
Il s’agit de Lifesigns, le groupe de John Young, avec deux albums à ce jour à son actif et un troisième en chantier. Lifesigns qui nous a offert ce si beau
Cardington, Lifesigns allait-il tenir ses promesses en live ?
Ce n’est pas l’affluence des grands soirs au Das Rind, moins de cent personnes, ce qui laisse encore assez de place pour naviguer entre les tables de la petite salle de Rüsselsheim. La faute sans doute au prix du billet quelque peu dissuasif, à un groupe pas encore assez connu et un concert en milieu de semaine. Nous y retrouvons tout de même un francophone, Philippe Thirionet du webzine Music In Belgium ainsi que les deux inséparables Tom et Jerry (pardon, Tom et Oliver) du label Progressive Promotion Records.
Pour cette tournée, Lifesigns se compose de John Young évidemment, Frosty Beedle, Jon Poole et Dave Baindridge. Pas de Nick Beggs à l’horizon, il vient de terminer une tournée avec Steven Wilson, mais ce n’est pas certain que nous ayons perdu au change tant Jon fait le show, réussissant même à me mettre en boîte à deux reprises pendant la soirée. Car, si la musique de Lifesigns est sérieuse comme du progressif, les musiciens, à commencer par John, s’en donnent à coeur joie. L’humeur de ce concert est des plus festives. Les gars ne se prennent pas au sérieux. Ils n’ont pas de grosse tête assurément, mais quand ils jouent, ils jouent, et nous retrouvons les magnifiques compositions de leurs albums avec bonheur.
Entre chaque morceau, John nous parle, nous remercie d’être là, pour notre soutien et nous raconte ses déboires avec les radios lorsqu’il essaye de leur soumettre ses titres pop. Quand ce n’est pas John, c’est Frosty qui nous explique leur réveil à trois heures du matin et l’arrivée à Francfort avec quelques soucis pour louer une voiture (la faute en incomberait à John paraît-il). Dave nous avoue, humblement, avoir simplifié la partie guitare de ‘Carousel’, trop complexe d’après lui pour qu’il la joue telle quelle. Quand à Jon, lorsqu’il ne fait pas le pitre, il tente de me dérober (pour rire) mon appareil photo posé sur le bord de la scène puis m’invite, au début de la seconde partie, à arrêter de bavarder avec mon voisin, car ils vont commencer à jouer.
Tout ne sera pas parfait pendant cette soirée: le chant déraille sur un titre, le projecteur ne projette aucune image à l’écran et la basse gronde parfois plus que de raison. Mais honnêtement, quel bonheur de les découvrir enfin en live. Lifesigns et Cardington se partagent la soirée, un concert en deux parties avec une pause d’un quart-d’heure “pipi, bière, merchandising” dixit John Young, avec deux rappels dont un hommage au disparu John Wetton, des tubes (‘Impossible’, ‘Voice In My Head’) qui ne passeront pas sur les ondes de la BBC, de grands formats progressifs (‘Carousel’, ‘Cardignton’, ‘At The End Of The World’), des claviers fabuleux, un grand moment de batterie, un bassiste déjanté à souhait, un son correct pour la salle, des artistes très accessibles, beaucoup d’émotion, de musique et de rire, que demander de plus ? Plus de public assurément.
Est-ce que tout cela valait le déplacement ? Sérieusement, vous vous le demandez encore ?
Le petit commentaire de Laurent sur cette soirée:
Ce n’est pas à un concert que nous avons assisté ce soir-là, mais plutôt à un excellent moment de musique, sympathique et intimiste, partagé entre gens de bonne compagnie. "C'est la même chose" me direz-vous. Eh bien non. Je pense qu'il s'agissait en ce jeudi soir sur les rives du Rhin de bien plus qu'un simple concert.
Grâce aux quatre compères de Lifesigns, il a régné dans la petite salle du Das Rind une ambiance bienveillante, bon enfant, où la bonne humeur et le (sacro-saint) sens de l’humour britannique ont flotté dans la salle tout au long de la soirée.
Que ce soit John évoquant au moyen d’anecdotes croustillantes la pauvreté du niveau musical actuel diffusé en général ("Let's play now 'Impossible', one of our most pop songs, which the BBC refused to broadcast") ou, entre autres, donnant des explications historiques sur Cardington ou exhortant le public à faire connaître le grand nombre d'artistes sous-exposés comme eux; que ce soit Frosty qui raconte les péripéties voyageuses du groupe et déclenche l'hilarité générale en finissant en gros bide (“And we had a better car !”); que ce soit Jon hilare et toujours prompt à déconner ou glisser un bon mot avec sa basse arborant un sticker 'Destroy all genres'; que ce soit Dave, amène et humble, toujours souriant et prêt à claquer un solo de guitare de derrière les fagots, tous ont contribué à une soirée inoubliable. Une soirée en deux parties (“Yes, we'll go to the toilets too”) qui est bien sûr passée trop vite.
Nul besoin de dire que le set joué a conquis l'audience. Ces artistes sont bons, conviviaux et n'ont pas la grosse tête. Je suis prêt à poireauter de nouveau sur l’autoroute tout le temps qu’il faudra pour vous revoir.
Eh oui, Brexit ou pas Brexit, on s’en fout, we love you too guys. Un point c’est tout.
Et on est impatient de découvrir votre troisième album.
Rédigé par : Jean-Christophe