Titres
Formation en 1984
Kelly Shaefer [], Steve Flynn [batteur], Tony Choy [], Chris Martin [] depuis 2012, Jason Holloway [] depuis 2011
Le groupe Atheist nous vient de Floride, où il fut fondé en 1984. Malgré ses nombreux succès d'estime, cette formation reste encore méconnue de nos jours. Il faut dire que sa carrière s'est figée durant une vingtaine d'années: cessant toute activité studio à partir de 1993, ce n'est qu'en 2010 qu'elle remettait le couvert grâce au disque « Jupiter ».
Avec « Unquestionable Presence », Atheist réédite donc son deuxième album. Un geste heureux, qui permet la découverte de ce groupe, oublié à tort.
Ce qui frappe tout d'abord chez Atheist, c'est ce chaos quasi-omniprésent. Nous sommes en 1991, et le sextuor semble jeter là les bases d'un chambardement musical tout à fait novateur, un metal élaboré à partir d'inconstances et de changements; cela à cent lieux de la tradition trash, ou du metal progressif, alors peu popularisé. Ici, rien qui ne parasite, rien qui ne dépasse trop d'un plan à un autre : le tohu-bohu est contrôlé ; il est voulu.
Sans doute cette impression de chaos provient-elle du nombre de plans, que le groupe nous prodigue sans retenue aucune. En effet, pas un seul titre n'adopte ici de schéma musical prédéfini : c'est une instabilité de tous les instants. La plupart des thèmes ou des rythmes se forment donc au gré d'une coupure, pour disparaître un peu plus tard, sous de nouvelles impulsions.
Les transitions sont nombreuses, où un musicien poursuit son thème, laisse à ses collègues le loisir d'introduire de nouveaux motifs pour mieux les rejoindre plus tard. Ainsi concernant la musique d'Atheist, il serait plus juste de parler de progressions, plutôt que de coupures.
A cette hystérie des structures, s'ajoute ensuite la diversité des expériences musicales. Oscillant entre riffs et soli techniques à l'extrême, elles alimentent chaque titre sans jamais se répéter. Les plus grandes de ces trouvailles sont réparties sur la longueur, de façon équitable. Parmi elles, l'introduction d'« An incarnation's Dreams », les parties de guitare de « Brains », la fausse fin de « Your Life Retribution » et le début d'« Enthralled in Essence ».
Le format musical, également, est avantageux. « Unquestionable Presence » reste plutôt sobre de ce point de vue, partagé par plages de 4 minutes. Quoiqu'assez commune, cette répartition ajoute un certain dynamisme à l'album et des titres plus concis, sont ainsi plus intenses.
Si l'album présente en l'état une telle finition, c'est aussi grâce au line-up particulier d'Atheist.
Les californiens bénéficiant de 3 guitaristes, les plans de haute voltige, notamment, s'en trouvaient déjà facilités. Parmi eux, un certain Rand Burkley qui ne semble éprouver aucune limite quant au maniement de son instrument. Beaucoup de shred certes, mais de nombreux soli qui poussent à l'époque, la technique au-delà de l'ordinaire. D'ailleurs, tous les membres du groupe versent peu ou prou dans la virtuosité technique même si le brio de Kelly Shaefer est parfois pénible à l’écoute..
Steve Flynn entre autre : un batteur conciliant précision et puissance de frappe, le bassiste Tony Choy aussi, dont nous parvient l'excellence d'un jeu véloce et jouissif.
Le groupe a bien conscience de cette maîtrise extrême et met en avant chacun de ses membres pour soutenir l'ampleur du phénomène.
Mais surtout, « Unquestionable Presence » s'impose rétrospectivement comme un album visionnaire. On y retrouve la même vitesse d'exécution de nos groupes modernes, ainsi que cette déstructuration des titres aujourd'hui si commune. Côté fûts, les confusions rythmiques voulues et les répétitions hypnotiques, bref, la prépondérance du batteur dans la dynamique générale, annonce déjà les Dream Theater et autres du genre.
Concernant la réédition, les résultats sont un peu moins probants. Si les titres réenregistrés ( « Enthralled in Essence », « The formative years » et « Unquestionable Presence ») gagnent tous trois en densité et en précision, il manque à leur panoplie encore un peu de chaleur. Cependant cette réédition offre une bonne alternative à la version classique, les ambiances se trouvant assez souvent modifiées.
Commercialement et musicalement, « Unquestionabe Presence » demeure jusqu'à aujourd'hui (avec « Piece of Time ») le plus gros succès d'Atheist. Pour ses membres, c'est tout autre chose car rétrospectivement, il signe la mort de leur collègue bassiste, Roger Patterson. L'incident s'était déroulé lors d'un accident de bus, durant la tournée promotionnelle. C'était à la suite de l'événement que les membres avaient décidé de finaliser ce disque, lequel devait beaucoup au feu bassiste. Ils avaient alors engagé à sa succession Tony Choy (du groupe Cynic) pour enregistrer l'album en studio.
Pour les fans du groupes, « Unquestionable Presence » laissera donc un goût bien particulier.
L'auditeur d'aujourd'hui, pour sa part, pourrait être surpris par le caractère novateur de l'objet. Les californiens y semblent déjà emprunter quelques voies inconnues (songez qu'« Images and Words » ne sortira seulement qu'en 1992!). On attribue d'ailleurs au groupe la paternité de tout un genre : celui du techno-death.
De nos jours, l'héritage d'Atheist reste discret mais s'est fait une place: nombre de groupes actuels, comme Blotted Science, semble toujours s'inspirer de cet album, petit bijou qui s'égare entre le trash et le metal progressif.
Facebook : https://www.facebook.com/AtheistOfficial
Vidéo :