Titres
Lee Abraham [guitariste,bassiste,clavier], Christopher Harrison [], Alistair Begg [], Rob Arnold [clavier], Gerald Mulligan [batteur]
Marc Atkinson, Simon Godfrey, Peter Jones, Mark Spenser et Stu Nicholson prêtent leur voix à Harmony/Synchronicity, le dernier album de Lee Abraham, également membre de Galahad.
L’artwork minimaliste réalisé par l’homme de Cosmograf (Robin Armstrong) pourra évoquer à certains un disque en bakélite, pour d’autre il s’agira des ondes provoquées par une goutte d’eau dans une mare sombre. Sur ces sillons, ou crêtes d’ondes, sont accrochées les lettres de Harmony et de Synchronicity.
Au cours des huit semaines de confinement, entre avril et mai 2020, Lee s’est enfermé dans son studio pour composer quarante-huit minutes de néo-prog, AOR, progressif avec Gerald Mulligan (Credo) à la batterie. Sept titres dont un instrumental composent Harmony/Synchronicity. Cinq chanteurs, six morceaux, le jeu consiste à deviner qui est derrière le microphone, car pour les guitares, les claviers, la basse et le piano, inutile de chercher bien loin, Lee se trouve aux commandes. Il est le magicien de ces mélodies progressives faciles à écouter.
Chaque voix apporte à la musique de Lee une teinte particulière : ‘The World Is Falling Down’ rappelle Galahad quand ‘Stay’ possède les couleurs d’un Phil Collins et que ‘Rise Again’ se rapproche de Riversea. Lee aurait-il écrit pour les chanteurs, ou bien n’est-ce qu’un tour que me jouent mes oreilles ? Mais si Steve Hogarth n’a pas été convié à la fête, à moins qu’il n’ait décliné l’offre, comment expliquer alors ‘Never Say Never’ qui sonne comme Marillion ? Un titre qui dérogerait à la règle précitée ?
Écrit durant la pandémie, l’album aborde les réactions des médias, des hommes politiques et de la population confrontés au confinement, à la peur, à la folie, à la maladie et à la mort dans ‘The World Is Falling Down’ et ‘Hearing The Call’. Le titre album ‘Harmony/Synchronicity’ évoque quant à lui d’étranges phénomènes qui se produisirent pendant cette parenthèse pour le moins inhabituelle dans notre existence.
Avant même que Stu n’entame son tour de chant, l’ouverture rythmique de ‘The World Is Falling Down’ me faisait déjà songer à Galahad. Et quand Nicholson arrive, usant de son phrasé si caractéristique et de son accent oh combien reconnaissable, la ressemblance est frappante, d’autant que derrière les guitares, la basse et les claviers, Lee joue la musique. Ceci dit, dans ‘The World Is Falling Down’, quelques passages de six cordes torturés, le refrain et le son très sec de Gerald sur les caisses distinguent nettement ce premier morceau des compositions du groupe de rock néo-progressif britannique.
‘Stay’ m’a immédiatement frappé par ses similitudes avec les tubes de Phil Collins à la fin des années quatre-vingt. Evidemment la voix de Peter Jones y contribue beaucoup, mais même la musique joue le jeu, des notes de piano éparses, une guitare dans le style de ce qu'appréciait alors l’ancien batteur de Genesis, le refrain qui va bien et le fading out pour finir. ‘Stay’ pourrait passer sur les radios françaises aux grandes heures d’écoute, je suis certain qu’il ferait un carton.
Le cas de ‘Hearing The Call’ se révèle plus délicat. Le titre joue plutôt dans la cour du metal progressif soft à la manière de Retrospective avec une voix assez proche de Paul Manzi, le précédent chanteur d’Arena. La durée du morceau elle-même fait exception, comme son écriture relativement lente qui donne beaucoup d’espace au chant. ‘Hearing The Call’ s’offre une section instrumentale de trois minutes digne du format proposé et mélange une belle palette de guitares. Si vous vous vouliez du rock progressif, ce titre devrait combler vos espérances.
Aux couleurs de Porcupine Tree, l’unique instrumental de l’album ‘Misguided Pt 2’ fait suite au ‘Misguided’ de l’album Distant Days de 2014. Un titre en trois parties : la première dominée par des riffs nerveux à la Wilson, la seconde par du piano nimbé de claviers, et la troisième par les guitares de Lee, d’abord hispanisantes pour continuer sur des notes électriques et revenir dans les dernières secondes aux riffs torturés du début.
Après cet instrumental, nous retrouvons un de mes chanteurs préféré, Marc Atkinson de Riversea et Moon Halo, qui sur une guitare à la Steve Rothery nous chante ‘Never Say Never’ un peu à la manière de ‘Cover My Eyes’ de Marillion. Le titre semble bien léger aux regard des quatre précédents, même de ‘Stay’, et ce malgré un joli solo de guitare peu avant la fin.
Mais Marc a une seconde cartouche dans sa poche; ‘Rise Again’, un titre qui cette fois rappelle indéniablement Riversea. Une ballade où Marc pose parfaitement sa voix et use de choeurs, sur une mélodie délicieusement rétro nostalgique (notez son côté Beatles).
Et pour finir, le titre album nous délivre une bouffée d’AOR eighties à souhait où j’ai l’impression d’entendre la voix de Robin Armstrong sur les couplets alors que deux autres chanteurs semblent se partager le refrain. A mi parcours, la guitare de Lee s’emballe, portée par des claviers et la batterie de Mulligan, une minute en apesanteur avant de redescendre sur terre en AOR contrôlé.
Harmony/Synchronicity manque sans doute d’identité, autant par la présence de nombreux chanteurs très différents que par certains titres qui en rappellent beaucoup d’autres. Néanmoins, Lee Abraham réussit là un album parfaitement équilibré, d’une grande beauté, qu’il serait bien dommage de ne pas avoir chez soi.