18:25 (=> 19:50). The Enid.
Tous habillés de noir, épousant la forme ovale de la scène, The Enid est en place pour le show. Après avoir acclamé Lazuli dans les gradins, Robert a réintégré ses claviers et posé son fameux chapeau blanc à ses pieds. C’est qu’il y a là aussi de nombreux instruments, de ceux que l’on s’attend à voir pour du rock (guitares, claviers, batterie), et d’autres que l’on trouve plutôt en général dans un orchestre symphonique (grosse caisse, gong, timbales). Et cela donne déjà une idée de la musique jouée par cette formation, que je considère comme atypique dans le paysage progressif, incluant à la fois des éléments électriques et symphoniques, délivrant une musique rétive à tout classement. La formation entame le premier titre, Joe, le chanteur, intervient de manière calme et posée dans un style que je perçois personnellement comme déclamatif et un peu cérémonial, avec une coloration d’opéra. En tout cas son interprétation révèle une très grande amplitude de voix. On aime ou on n’aime pas, l’audience est en tout cas silencieuse et très attentive à ce groupe original.
J’avais eu l’occasion de découvrir The Enid lors d’une chronique (le DVD de leur concert au festival Crescendo 2014), et j’ai l’impression que leur musique ‘passe mieux’ pour moi maintenant. Il semblerait d’ailleurs que de mémoire leur setlist reprenne une bonne partie de la setlist jouée à Crescendo. Ici il n’y a pas de riffs rageurs, de soli rebondissants, le chanteur effectue la majorité du jeu de scène, tout en gestuelle. La flûte électronique est sortie pendant l’éxécution de ‘Something Wicked This Way Comes’, et la grosse cloche tubulaire suspendue sur le plateau de la batterie pour l’occasion fait résonner sa longue note dans l’amphithéâtre. C’est le moment où votre fidèle reporter en profite pour s’éclipser et prendre une rapide douche. Le dernier concert commençant à 23 heures, les douches du camping fermant à minuit, je n’ai pas envie de mariner dans mon jus sous la tente toute la nuit jusqu’au petit matin. Oui je vous raconte ma vie, mais voilà juste le genre de détail, bassement utilitaire je vous l’accorde, auquel il faut aussi penser… Mon retour se fera juste à temps pour écouter le fameux ‘Mockingbird’ joué par Barclay James Harvest il y a de cela déjà quelques dizaines d’années. Me voilà carrément reparti aux années collège, cela ne nous rajeunit pas ma pov’ dame... Cet oiseau moqueur clôture ce concert, la foule ayant apprécié à sa juste valeur la prestation de cet électron libre symphopéra-progressif.
Setlist: inconnue.
20:15 (=> 22:15). Riverside.
C’est la troisième fois que les polonais de Riverside viennent jouer sur la Freilichtbühne de la Loreley, et pour moi ce sera la seconde fois que je les verrai en chair et en voix. La dernière fois c’était à Colmar en Avril 2014. Ce soir-là j’avais déjà eu mon lot de cocasses surprises, ma voisine m’ayant demandé si je connaissais le groupe Guests, et si c’était bien. J’avais cru à une blague, que nenni. Je ne vous ferai pas l’affront de vous expliquer le quiproquo qui a nécessité une petite explication. La seconde surprise a fait sourire toute la file qui attendait de rentrer dans la salle du Grillen ce soir-là. Le bus noir mat de la tournée du groupe étant garé devant l’entrée de la salle, nous avions vue involontaire sur les deux chauffeurs, des anciens qui menaient leur vie tranquille à l’avant, se faisant chauffer un petit café en marcel et slip kangourou. Peut-être sont-ils là ce soir aussi ? La rumeur court qu’ils (Riverside, pas les papis, vous suivez ou quoi ?) vont jouer des titres de leur nouvel album, j’espère que ce sera le cas, c’est indéniablement une belle occasion pour eux de nous présenter cette nouvelle œuvre.
Grande affiche qui fait référence à l’album Shrine of New Generation Slaves en mur de fond, fumigènes … le suspense et la tension sont bien entretenues par 'Night Session', un de leur titre instrumental de ce même album diffusé en fond musical. La lumière du jour décline de plus en plus, le soleil couchant darde ses rayons sur les gradins, un nouveau bon moment de musique s’annonce …. que demander de plus ? Je savoure cet instant fugace. Enfin le groupe investit la scène, Mariusz, qui a coupé ses cheveux longs pour une une petite queue de cheval sur le haut du crâne, fait une belle révérence au public. La formation commence avec un titre du nouvel album Love, Fear and the Time Machine, nous y voilà. Petite moue de Piotr, le batteur, qui indique un micro qui ne fonctionne pas. Le second titre, 'Feels Like Falling', est enchaîné avec un dos à dos de guitare avec le second Piotr du groupe. Mariusz enlève la veste. Entre chien et loup, les jeux de lumières font de plus en plus leur effet, et commencent à claquer sur scène et se propager dans les gradins. Je suis aux anges, la musique dans le corps, je me lâche, ce moment est vécu à fond. Adorant Riverside et leur univers sombre, vous êtes prévenus de la subjectivité du compte rendu de ce concert. L'interprétation de ‘Conceiving You’ achevée, ‘02 Panic Room’ commence avec une introduction en taping sur les cordes de guitare, c’est un déluge de cordes électriques. Un groupe d’oies, formation en V, zèbre le ciel couchant au-dessus des gradins. La majorité de l’audience, qui remplit tout l’amphithéâtre, est maintenant debout. Osmose totale. Le temps pour Mariusz de charrier ses partenaires avec une blague sur leur ressemblance chevelue avec les ZZ Top, et une nouvelle balade est interprétée. Les jeux de lumière continuent à habiller élégamment la musique et les paroles : nuances de bleu, violet, jaune, rouge …
Une spectatrice devant sur ma droite bondit et sort des gradins. Elle est de retour quelques minutes plus tard, radieuse, les cinq signatures de ce qui me semble être celles des compères de Lazuli écrits au marqueur sur son épaule droite. Je me demande alors combien de temps va s'écouler avant qu’elle ne se décide à passer un coup de savon sur cette omoplate… Sur scène et dans les gradins, ça continue à pulser, à secouer, à chanter. Frissons. Après ‘We Got Used To Us’, Mariusz glisse quelques mots sur le nouvel album qui paraitra le 4 Septembre prochain: ‘This album is optimistic, it’s prog’. ‘Discard your fear’ est le second titre de ce nouveau Love, Fear and the Time Machine. Après ce second morceau, les deux titres joués augurent d’un album plus apaisant, beaucoup moins métal, plus ‘classique’ au sens progressif du terme. Il risque peut-être de diviser les fans du groupe, nous y reviendrons dans nos colonnes en temps voulu. Un jeune homme, manifestement un polonais fan inconditionnel, debout à ma gauche, crie, se retourne et harangue continuellement la foule pour applaudir et faire du bruit. Celui-là, on l’a bien entendu un petit moment … L’atmosphère qui plane sur le site est toujours embrumée, délicieusement mystérieuse. Encore un petit mot pour le festival avant les derniers coups de boutoir métalliques des guitares, et Mariusz finit le titre en jouant avec sa guitare à bout de bras. Je chante à plein poumons la mélodie en arrière-plan qui finit cet 'Escalator Shrine', je suis aux anges. Le groupe quitte la scène, on en redemande, ils reviennent finalement après ce rappel.
Je n’ai pas regardé la montre, mais avec le recul il semble que cette sortie prématurée ait été savamment orchestrée. En tout cas si c’est un rappel, des rappels de cette longueur, j’en veux bien à tous les concerts. Nouveau titre, et presque comme d’habitude maintenant, de nombreuses variations et digressions musicales sont de nouveau jouées pendant le morceau. On ne va vraiment pas s’en plaindre. Le groupe continue avec un titre de l'album Out of Myself. L’obscurité tombant, les jeux de lumière continuent de nous envelopper, nous lier au groupe. Marius glisse un nouveau mot: ‘It’s amazing to be part of this anniversary’. Le concert se termine avec ‘The Curtain Falls’ et un solo aux claviers de Michal tout proprement hallucinant. Les ondes électrisantes s’évanouissent, l’atmosphère retrouve une coloration crépusculaire, les musiciens se retirent un à un de la scène, Piotr retire la sangle de sa guitare comme à regrets. La scénographie est bien rodée.
Que dire de plus sur ce concert ? Pour moi, voir Riverside en live est un moment volé au temps qui passe. Le groupe m’embarque toujours ailleurs, et je le suis volontiers. Sa force réside à m’emmener dans un endroit inconnu, sombre, délicieusement noir, mais envoutant, empruntant de nouveaux itinéraires inconnus sur leurs nombreux détours et improvisations musicaux, mais revenant toujours à un endroit balisé et sécurisant en fin de course. Cela ne parle pas forcément à tout le monde, mais si vous y prenez goût un jour, vous deviendrez accro.
Setlist :
Lost (Why Should I Be Frightened By a Hat?)
Feels Like Falling
Hyperactive
Conceiving You
02 Panic Room
Egoist Hedonist
Acronym Love
The Depth of Self-Delusion
Reality Dream III
We Got Used to Us
Discard Your Fear
Escalator Shrine
Encore:
The Same River
The Curtain Falls
Photos Laurent Regnard et Stéphane Gallay
Rédigé par : Laurent