Titres
Formation en 1987
Dans les années quatre-vingt, après le succès du disco, une résurgence du rock des seventies pointa le bout de son museau. Marillion venait de composer Script for a Jester’s Tear. Le néo-progressif était né. Dans le sillage des copains de Fish, de nombreux groupes britanniques s’embarquèrent dans l’aventure : IQ, Jadis, Pallas, Arena, Pendragon et j’en passe. Ce tsunami musical, quoique éphémère, mit quelques années à atteindre d’autres rivages commes ceux de l’Australie. De nouvelles vocations virent alors le jour, comme celle d’Aragon en 1987.
Le groupe de Melbourne connut sa période de gloire de 1988 à 1997, avant de se séparer et revenir sur la scène en 2004, à la surprise de tous. Depuis ce come back, ils n’ont guère été prolixes en compositions, mais de la première époque, nous retiendrons plusieurs albums dont le concept sorti en 1995 : Mouse.
Un heure et quarante-sept minutes, deux compacts disques, huit actes, trente-quatre morceaux, une interview et seulement trois musiciens pour tout jouer, nous sommes là en face d’un album extraterrestre.
Aragon est devenu un trio sans bassiste ni batteur, le comble pour un groupe de rock. Mais pour compenser ces absents, le chant de l’écossais Les Dougan, les claviers de l’allemand Tom Behrsing et la guitare du grec John Poloyannis ne manquent pas de caractère. Groupe australien vous avez dit ? On notera tout de même la présence en invité d’un gars du bush, Tony Hicks au saxophone (‘On The Edge’).
Mouse s'apparente à une succession de pièces très courtes enchaînées (seulement six dépassent les quatre minutes mais la plus longue, ‘The Changeling’, flirte tout de même avec les dix minutes) entrecoupées d’interludes sonores de quelques secondes pour certains (‘Next Please’). La batterie programmée ne nuit pas vraiment à cet album, qui, s’il donne la part belle à l’histoire, n’en oublie cependant pas de faire de la musique.
Hormis la voix de Les qui pourrait faire penser à du metal (‘Untying the Knot Part 2’), nous nageons en plein néo-progressif grâce aux claviers omniprésents de Tom et aux multiples changements de tempo, même sur des morceaux de trois minutes. Il y a du Steve Rothery et du Mike Holmes dans les guitares de John.
De nombreux instrumentaux (‘The Dark’, ‘A Private Matter’, ‘End of the Line Part 1’, ‘The Gathering’, ‘Waiting For The Big One Part 1’ et la boîte à musique finale ‘Auld Lang Syne’) et parenthèses sonores (‘Next Phase’, ‘Untying the Knot Part 3’, ‘The Waiting Room’, ‘At Heavens Gate’) offrent des pauses au chant de Les et à des pièces parfois troublantes comme ‘Untying the Knot Part 2’ au chant écorché vif, ‘The Chant’ électro world, ‘The Changeling’ épique ou ‘Brave New World’ à la stéréo troublante. Dans la musique de Aragon on retrouve le Marillion des années Fish ainsi que les premiers pas de IQ.
La voix de Les Dougan, qui fera assurément débat, donne vie au récit; la vie du petit Mouse qui s’embarque dans une étrange aventure après s’être introduit dans une boutique, par une nuit froide et pluvieuse. Accompagnant l’album, le livret de seize pages raconte cette histoire pièce après pièce et nous livre également les paroles des morceaux. Alors nous n’en dirons pas plus ici, mettez le disque dans le lecteur, installez-vous confortablement dans un canapé avec le livret et appuyez sur ‘Play’.
Rester concentré plus d’une heure et demie sur du néo-progressif antédiluvien relèvera sans doute pour certains d’un tour de force même si Mouse est un album à part. Certains trouveront la voix de Les Dougan trop théâtrale, voire épuisante, je trouve pour ma part qu’il s’agit d’un des atouts d’Aragon. Un concept album hors-normes, dans la grande tradition du néo-progressif, à découvrir ou à redécouvrir d’autant qu’il vient d’être réédité en numérique par le groupe.
En bonus ‘Fear for the Dark’, un titre jamais édité et qui aurait dû faire partie de l’album Mouse.