Titres
Costin Chioreanu [guitariste,bassiste,clavier,batteur], Sofia Sarri [chanteuse]
Afterlife Romance est un concept album qui raconte l'histoire d'amour entre deux revenants dont Midnight Cemetery est le pendant visuel. Costin Chioreanu, qui en est l'auteur, en plus d'être un excellent musicien, est aussi un artiste visuel reconnu dans le monde du metal pour ses collaboration avec de nombreux groupes tels que Arch Enemy, Arcturus, Darkthrone, At the Gates, Grave, Primordial, Paradise Lost ou encore Napalm Death. Il propose, avec ce Midnight Cemetery, une expérience inédite qui nous plonge au cœur même de cet amour d'outre-tombe par le biais d'un programme téléchargeable gratuitement sur PC. Celui-ci contient une exposition présentant les œuvres graphiques développées pour l'album et un jeu dans lequel nous incarnons un fantôme devant retrouver le chemin de la vie, le tout en réalité virtuelle (il faut donc posséder un bon PC et une paire de lunettes VR) qu'il est possible de se procurer à l'adresse suivante : http://adrian-tabacaru.com/MidnightCemetery.html
C'est lors d'une visite nocturne du cimetière central de Vienne que Costin a eu l’idée de départ de l'album Afterlife Romance. Dans celui-ci, Costin nous narre donc l'histoire de deux fantômes tombés amoureux l'un de l'autre, sous le regard de leurs voisins de sépulture, autant de personnages secondaires, témoins de cette romance inhabituelle.
Costin a abordé les neuf titres de Afterlife Romance comme une toile blanche sur laquelle il a peint différentes « couleurs ». Il avait donc besoin d'une voix qui puisse s’intégrer à son œuvre grâce à une large palette d'émotions, une voix à la fois éthérée et puissante. Le choix de la chanteuse grecque Sofia Sarri s'impose naturellement à lui. Les collaborations de celle-ci avec des groupes aussi divers que Sarades (chœurs polyphoniques), Lüüp (expérimental) ou encore Night On Earth (jazz/ trip-hop) en font la candidate idéale.
Il semble, à l’écoute de ce disque, que Costin ait fait le bon choix. La musique belle et lugubre composée par le roumain offre un écrin sur mesure à la voix particulière de Sofia. Les deux artistes ne s'imposent aucune limite et piochent, tout au long de l'album, dans différents styles musicaux pour faire de l’écoute de ce disque une expérience unique.
Les nappes de claviers constituent, pour la plupart des morceaux, l'essentiel de la musique créant une ambiance tour à tour sombre, étouffante ou lugubre selon les titres. Celles-ci sont soutenues par une section rythmique qui apporte beaucoup de dynamique aux morceaux, alors que la guitare contribue par petites touches à l'ambiance générale, sans jamais se montrer agressive. Le titre d'ouverture 'The Gardenian Night Shift' sorte de trip-hop gothique, est un bon exemple du travail effectué sur les atmosphères. Les neuf titres évoluent dans des styles aussi divers que le dark ambiant ('Sulfur Promenade'), la cold-wave aux relents psychédéliques ('Dance on the clouds floor'), la new wave étrange ('A Blooming Moonflower'), la musique atmosphérique ('Dreadwatch', 'Thanatoguards'). On pense même à Angelo Badalamenti, l'auteur des musiques de Twin Peaks ('Classified At Dawn'), le progressif avec des touches de jazz ('The Glow Made Us Go') ou sans ('Kermes'). Il est toutefois difficile de classer chaque titre par style dans la mesure où tous se mélangent pour former un album assez expérimental qui partage à bien des égards la froideur du black metal. La production Lo-Fi qui n'est certainement pas étrangère à cette froideur serait rédhibitoire sur tout autre album que celui-ci, mais est ici un atout car elle participe grandement à installer une atmosphère fantomatique.
Si la qualité des compositions des morceaux et le magnifique artwork de Costin tiennent une part importante dans la réussite de cet album, l’excellente interprétation de Sofia Sarri n'y est pas non plus étrangère. Elle apporte à l'ensemble une dimension cinématographique digne des films de série B produits par la Hammer grâce à sa voix parfois haut perchée, parfois proche du registre de Björk ou de Kate Bush et donne vie de façon crédible aux personnages de cette histoire d'amour macabre.
Afterlife Romance est un album hanté dans lequel on se promène dans un nuage de brouillard épais, à la nuit tombée parmi les pierres tombales renversées, entouré de bruits effrayants, avec la sensation d’étouffer. Une sorte de cauchemar que l'on voudrait quitter mais dont le lyrisme nous retient étrangement. Son ambiance macabre en fait un disque qui sera difficile à écouter régulièrement, et encore moins pour se détendre. Il se réécoutera toutefois régulièrement, de la même manière qu'on regarde un film déjà vu ou qu'on lit un livre déjà lu mais dont on ne se lasse pas. Je conseille ce disque aux plus aventureux d'entre vous qui risquent de se laisser prendre dans la toile de sa beauté vénéneuse, et pourquoi pas se lancer dans l'aventure virtuelle immersive qui promet, si l'on en croit le talent de conteur et d'illustrateur de Costin, d’être vraiment intéressante.