Titres
Formation en 2011
Sujin Thomas [], Daniel Sassoon [], Nelson Tan [], Jordan Cheng [batteur], Amanda Ling [clavier]
Aujourd'hui nous effectuons un léger saut de puce sur le continent asiatique, plus précisément à Singapour. Au travers de la littérature et des actualités du monde progressif, vous avez sûrement déjà lu quelques acronymes tels que, entre autres, PT, POS, DSOM, RIO, GY!BE, j'en passe et des meilleurs. Avec cette chronique cette liste s'enrichit d'un nouvel élément, qui est donc IEHAC, s'il n'est déjà pas connu de votre liste. Non, ce n'est pas un nouvel organisme de certification, ni une nouvelle école de commerce. Il s'agit simplement du groupe In Each Hand A Cutlass, qui a sorti son second album, The Kraken, le 24 Avril dernier. Le Kraken est un monstre marin fantastique issu de légendes scandinaves médiévales. Il ressemble à un poulpe géant aux nombreux et immenses tentacules. Les contes nordiques le mettent en scène aux prises avec des navires qu'il peut faire chavirer avec leur équipage complet, qu'il peut aussi engloutir au passage. Il n'est donc pas étonnant qu'il soit le personnage principal de la pochette, en confrontation dans un déluge d'embruns avec un guerrier armé de sa lance.
Photo Scott_Millard
A l'image de leur premier album et dans une belle continuité, la formation aux coutelas a composé un nouvel album rock instrumental, dont la caractéristique majeure est d'alterner, dans un savant dosage, des séquences aussi calmes et atmosphériques que d'autres sont nerveuses, frénétiques, tout en bon son métal et déluge électronique. On le constate d'ailleurs tout de suite dès le premier titre, très planant, énigmatique, où l'on commence sans aucun doute dans les profondeurs de l'océan, avec deux guitares, la première égrenant ses notes cristallines en refrain, la seconde plus plaintive. Cette atmosphère se corse très rapidement pour se teinter, dans une accélération rythmique, d'accents métalliques saturés.
Les titres qui suivent sont à l'avenant, avec toujours un petit plus qui ajoute une saveur particulière à chacun. 'Overture' annonce en tout cas la couleur: guitare qui brode sa dentelle rehaussée de notes perlées, cassures de rythmes, changements de trame musicale en forme de résumé, de nouveau départ ou de changement de direction. Sans oublier quelques sonorités de violon, de cloches tubulaires, et un intermède jazzy de quelques secondes. 'Satori 101', avec son début à la Blade Runner, est vite rattrapé par une guitare et un rythme en battements de mains un peu trop régulier à mon gout. Nous avons en tout cas ici un titre sympa sans plus, un peu plus punchy en seconde partie, et un duo de guitares final qui ajoute du relief. 'Combing Through The Waves' est quant à lui un titre minimaliste sur fond électronique d'espace infini. On s’imagine ici à la recherche de ce Kraken dans les deux dimensions, à la surface horizontale des vagues moutonnantes, et dans les profondeurs verticales, d'où il va sûrement surgir. La sérénité et le calme continuent sur 'Seagull 1751', un titre très accueillant, sur les cordes aigués de la guitare sèche, tout en harmoniques. On se laisse très facilement bercer, au rythme de la houle, par ces contrepoints de guitare et ces violons discrets légèrement folk. La seconde partie de ce morceau, un peu moins captivante, s'emballe avec un rythme temporairement un peu plus soutenu, pour revenir dans des eaux plus calmes.
Le cœur de cet album concept est, si tant est que l'on considère qu'il en soit un, très sûrement dans les trois titres éponymes qui suivent. 'Manifest' et ses percussion en mode tambours japonais, encadrées par quelques notes de violon et des guitares calmes et reposantes, annonce encore une fois, par un changement d'ambiance ainsi qu’une tension grandissante, la confrontation. Une guitare qui esquisse un cristal, des extraits de conversations de radio angoissants, une alarme qui retentit. 'Melee', l'acmé de cet album, un titre très métal à la gradation de plus en plus virile, décrit en trois temps crescendo-lutte-dénouement la lutte finale sans merci qui se joue, dans un tryptique batterie/basse/guitare déchainé. Le temps d'une courte coupure ironique et décalée à l'ambiance jazzy, entre air et eau, et 'Monument' ferme positivement la confrontation.
Mais ce n'en est encore pas fini avec le bon gros son. 'Heracleion', mon coup de cœur, est encore une très belle surprise, où Jordan a l’occasion ici de faire briller son jeu de percussions. Amusez-vous à écouter juste le jeu de batterie sur ce titre, vous serez étonné du travail effectué: un double rythme, un petit coup de splash au bon moment, c’est un régal. Un départ uniquement à la batterie qui impulse un rythme calme mais néanmoins déterminé, et chaque instrument vient successivement se greffer tranquillement à ce rythme et ajouter ainsi sa couche mélodique. Le clavier s’invite, la basse résonne, les guitares viennent ajouter leurs lourds accords dans une marche bien huilée. Après quelques pincements de cordes tout en dérapages électriques, la seconde partie du titre s’emballe dans une course, délivrant un nouveau déluge de gros son. A déguster sans modération. Après cela les deux derniers titres vous paraîtront peut-être un peu plus fades. Il y a juste à se laisser porter dans l’instant présent par cet ‘Ouroboros’ qui termine cet album de la plus belle manière.
Vous l’aurez compris, cet album est encore une belle découverte pour les adeptes de (post) rock atmosphérique teinté de métal bien musclé. Un peu plus d’une heure de musique, une alternance de moments calmes et métalliquement un peu plus tourmentés, quelques courtes escapades électroniques, folk et jazzy, voilà comment je résumerais ce nouvel opus. Si de plus vous vous procurez l’album en chair et en os, comme dans le premier album où surgissait un bateau à l’ouverture du livret, vous découvrirez un nouveau petit pliage pop-up dans la pochette. Original !
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