Titres
Formation en 1973
Sattyg
Kaipa
Suède, 1973
Genre : métal progressif
Musiciens :
Hans Ludin : Claviers, chant
Per Nilsson : guitares électriques et acoustiques
Morgan Agren : batterie
Jonas Reingold : basses électriques
Patrick Lundström : chant
Aleena Gibson : chant
Musiciens additionnels :
Frederik Lindqvist : flutes à huit trous, sifflets
Elin Rubinsztein : violon
Discographie :
Kaipa, 1975
Inget Nytt Under Solen, 1976
Solo, 1978
Händer, 1980
Nattdjurstid, 1982
Stockholm Symphonie, 1993
Notes From The Past, 2002
Keyholder, 2003
Mindrevolutions, 2005
Angling Feelings, 2007
In the Wake of Evolution, 2010
Vittjar, 2012
Sattyg, Inside Out Music, 10 novembre 2014
Kaipa revient et garde le rythme depuis sa reformation en 2002. La bande à Hans Ludin, désormais stabilisée dans sa composition, nous offre avec ce Sattyg - que mon suédois appris avec le cuisinier du Muppet Show traduira par espièglerie -, un disque référence marquant la patte d’un groupe unique, sans concurrent direct véritable.
Bien entendu, certains n’aiment pas Kaipa (suivez mon regard). Un Nain de ma connaissance trouverait cela trop mou, sans parler d’un Hobbit qui se plaindrait d’un manque certain de caractère. Ces êtres-là, dont les connaissances musicales sont bien faibles, avouons-le, auraient pourtant tout intérêt à ouvrir plus grand ce qui leur sert d’oreilles.
Car ce disque, mesdames et messieurs, est un pur bonheur, un splendide écrin forgé dans les ateliers de ces magiciens suédois de Kaipa. La concurrence est écrasée, en fait elle n’existe même pas (à part peut-être dans d’autres formations de Jonas Reingold !). Tout y est beau, technique, aérien, joyeux, une ode à la musique, aux troubadours et autres ménestrels.
Qui pourrait, en effet, mêler progressif, folk, jazz, fusion, voire un peu de métal, avec tant de bonheur, de grâce et de talent ? Vous ne répondez pas ? C’est normal, ne cherchez pas, ça n’existe pas. Là où les Flower Kings se sont finalement perdus, où Transatlantic et Dream Theater s’égarent, Kaipa a su puiser dans des trésors de patience et d’abnégation pour peaufiner son art.
Et ce somptueux disque commence par un non moins somptueux "A Map of Your Secret World" où d’entrée, la voix d’Aleena Gibson vous colle des frissons, de même que la première intervention de la guitare de Per Nilsson ! Et la mise en place se fait… progressive, jusqu’à l’attaque du chant masculin. Bon sang, que c’est beau, ça file vers le médiéval cher à Ludin, la flûte donne un côté trouvère et la basse de Reingold commence à tisser des lignes magnifiques. Madame Gibson vous envoûte alors sur une guitare acoustique en arpèges et un clavier léger, avant que Nilsson ne sorte son premier solo d’anthologie, tout en finesse. Majestueux ! La frappe de Morgan Agren, avant qu’elle ne s’envole sur le break qui suit, ponctué d’un clavier primesautier bientôt doublé par la guitare. Ces gens sont des génies, ça part dans tous les sens, c’est mijoté aux petits oignons. Un passage quasi yessien finit de vous convaincre, Agren donne un cours de cymbales, la flûte, les claviers et la guitare s’emballent, et ce son de basse… On est au paradis du prog, les amis, je vous le dis ! Le chant revient, plus poignant, les chœurs sont ciselés et le final est dantesque, ça part fort, avec un Nilsson au sommet de son art… Aleena nous invite à danser, on file sur le dance-floor, ou dans le pré le plus proche, l’approche médiévale revient avec les flûtes elfiques de Frederik Lindqvist !
"World of the Void" ne desserre pas l’étreinte doucereuse avec ses arpèges magiques et la sublime mélodie du chant d’Aleena qui marque ce disque de son empreinte. Quelle grande chanteuse ! Ce morceau est le sien, tout le groupe se met à son service, ça balance gentiment, les chœurs sont chatoyants, Hans Ludin fait de belles interventions et Nilsson continue son show impressionnant.
Et là, arrive le morceau de bravoure que vous pourrez découvrir dans la vidéo à texte ci-dessous : "Screwed-upness". La guitare sature, les toms martèlent, les chants masculins content leur histoire comme un troubadour le soir à la veillée. Nilsson tisse des mélodies autour de la ligne de chant et la rythmique en impose sans en avoir l’air. Et les flûtes à bec de nous refaire le coup, entre un Ian Anderson qui n’aimerait pas le métal et un Blackmore’s Night en costume ! Soudain le groupe s’envole vers un de ces passages jazzy dont il a le secret. C’est du prog croisé avec Steely Dan, Agren joue à la Bill Bruford, et Nilsson décoche des flèches incendiaires. Je ne décroche pas de ce morceau qui est un véritable monument, magistralement composé, divinement interprété. La mélodie de départ revient, se durcit, la tension monte, final de cinglés, Nilsson est dopé, pas possible !
"Sattyg" porte bien son nom – enfin, si j’ai bien traduit -, espiègle à souhait avec ses flûtes, ses arpèges et le violon sucré d’ Elin Rubinsztein. Un instrumental court comparé au reste, la guitare double la flûte, le clavier idem, et Jonas Reingold qui sautille. Frétillant.
Et l’on repart dans l’épique avec "A Sky Full of Painters". Exit les groupes cultes à court d’inspiration, Kaipa a pris la relève par sa fraîcheur, la voix de Patrick Lundström, les chœurs de Ludin, un Per Nilsson – décidément inspiré – qui enquille les solos comme d’autres enfilent des perles, un ensemble qui porte bien son nom : un ciel rempli de peintres, un monde de couleurs, un violon coruscant, comme une forme de bonheur musical ; ça virevolte jazz, funk, ça s’emballe – moi aussi, on dirait -, fichtre que c’est bel et bon !
"Unique When We Fall" démarre encore dans ce style folk médiéval qui sied tant à Kaipa, avec des échanges de voix masculines et féminines portés par une rythmique devenue miraculeusement presque métallique. L’orgue soutient le transept, le chœur est quasi religieux, mystique, mythique, la nef Kaipa flotte sur des nuages extatiques.
La référence à Yes revient avec "Without Time – Beyond Time", en particulier au début, puis des myriades de clichés se bousculent, l’allure se fait plus pop, mais une pop boostée au prog, avec un Agren et un Reingold éblouissants ! Le break voix-instruments est époustouflant, Ludin et Nillson s’éclatent, les chœurs répondent, la basse les suit, le tout se concluant en douceur sur un dernier solo larmoyant de Per Nilsson, laissant un dernier accord de piano s’étendre à l’infini…
Je sais, vous allez vous demander ce qui m’arrive, moi dont la sagesse elfique devrait m’amener à plus de retenue… Emporté par mon émotion devant tant de beauté et de perfection, j’ai presque oublié mon rôle dans ces colonnes. Regardez simplement la splendide pochette de cet opus et vous comprendrez mes débordements. Kaipa frôle le sublime là où tant d’autres frisent le ridicule démonstratif sans âme. Leur espièglerie vous prendra à coup sûr : tout le contraire d’un fiasco…
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Site : http://www.kaipa.info/
Vidéo officielle :