Titres
Kamil Haidar [chanteur], Mateusz Owczarek [guitariste], Wojciech Rucinski [bassiste], Slawek Berny [batteur]
Invités :
Rasm Al Mashan : voix
Radoslaw Kordowski : orgue hammond, piano, choeurs
Jahiar Azim Irani : santour, chœurs
Samuel Owczarek : harmonica
Un lion qui s'était fiché une épine dans la patte en marchant se rapprocha d'un berger. Voyant celui-ci apeuré, le lion lui dit : “N'ai pas peur, je ne vais pas te manger, j'ai besoin de ton aide”. Mettant sa patte dans la main du berger, l'homme retira l'épine gênant le félin, qui repartit dans les bois. Plus tard, le berger fut accusé à tort d'un crime, emprisonné, et l'on décida de le jeter en pâture aux bêtes sauvages pour les prochains jeux. Alors que l'homme était assiégé de toutes parts par les animaux féroces dans l'arène, le lion reconnut son sauveur et mit sa patte dans sa main comme il l'avait déjà fait auparavant. Quand le roi vit cela, il décida d'épargner le lion, et de laisser le berger regagner sa famille. Cette fable, qu'Esope nous a léguée, entre autres, est l'explication du nom du groupe de cette chronique : Lion Shepherd.
Avec Lion Shepherd je continue mon rôle de VRP du rock progressif polonais, et au jeu des sept familles, dans la famille 'Première partie Live de Riverside' je demande cette-fois le fils. Pour ceux qui étaient à la NOTP, ils ont eu la chance de les voir se produire sur scène. Je les ai vu personnellement au Z7 en Novembre dernier, et cela a encore été une belle découverte.
Lion Shepherd est le projet né du duo Kamil Haidar - Mateusz Owczarek, et Hiraeth est leur premier album, sorti tout juste il y a déjà un an. Outre la fable du lion et du berger, pour moi on ne comprend vraiment cet album et son état d'esprit qu'à la lumière de l'histoire et du passé de Kamil. Kamil est né en Syrie, a voyagé ensuite avec ses parents qui se déplacèrent longuement pour raisons professionnelles au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. La famille s'installe ensuite en Pologne au bout d'une dizaine d'années. Quand on sait qu'en plus Hiraeth, mot celte, signifie grosso modo le sentiment de nostalgie du pays et de la perte des siens, les pièces du puzzle sont déjà assez bien assemblées.
S'il y avait encore quelques pièces manquantes - pas besoin de vous faire un dessin sur la situation actuelle en Syrie - vous les trouverez dans les paroles et les thèmes abordés: le sentiment de passages d'un point de non retour et de la fin de quelque chose, la survie après la guerre qui annonce un nouveau monde incertain, le retour au pays après s'être perdu en chemin, un amour condamné, l'appât du gain et le sentiment de gâchis.
La musique est là aussi un régal. Le projet des polonais distille une musique unique, empreinte à la fois de légèreté amenée par les guitares acoustiques, et d'épaisseur lors de passages beaucoup plus appuyés par la batterie et les cordes électriques. La teinte orientale donnée à cet album lui donne surtout une couleur particulièrement brillante et originale. Vous serez largement ensorcelés par cette ambiance dès le premier titre qui attaque avec un mélange de oud, de santour, couverts par une mélopée arabisante, tandis que les paroles mélangent ensuite anglais et arabe. On retrouve ces instruments tout au long de l'album. Le santour, équivalent oriental et parent du cymbalum, s'exprime notamment dans 'Music box ballerina' et surtout dans 'Infidel act of love', où il nous transporte directement dans le désert et ses montagnes arides avec ses sonorités à la fois cristallines, lointaines et spatiales. On entend aussi l'oud, voisin du luth, seul avec la voix de Kamil, ou en accompagnement musical ('Brave new world', 'Smell of war'). Si l'en était besoin, les percussions (tambourin à cymbales, bâton de pluie, tambour) saupoudrent de leurs paillettes sonores les différents titres. Les voix ne sont pas en reste. Des chœurs aux chants tribaux, borborygmes vocaux et caverneux sortis tout droit du ventre ('Past in mirror'), en passant par les chiens de guerre tapis dans l'ombre et qui balancent leur cri de guerre, la palette est large. Rajoutons quelques touches d'orgue Hammond en arrière-plan ('Lights out'), ainsi qu'un superbe harmonica qui chuinte, se dévoile, chevauche la portée musicale de haut en bas ('Music box ballerina'), ou imite une corne de brume en un son grave et distordu ('Strongest breed'). Les amateurs de métal ne seront pas non plus en reste, car les guitares électriques savent aussi se faire lourdes et balancer une bonne sauce saturée ('Brave new world') ou se mettre en colère par leurs éclairs orageux soudains ('Infidel act of love').
Voilà, Hiraeth est déjà un coup de maître musical pour Kamil qui endosse de plus dans la vraie vie les responsabilités d'ambassadeur de l'ONG PAH (Polish Humanitarian Action). Cet album est un mélange excellemment bien dosé de lumière, d'amour, d'ombre et d'espoir, d'acoustique et de métallique, sur fond de culture moyen-orientale. Un mélange unique de tradition et de modernité. Alors je ne vais pas vous la jouer "à-écouter-de-toute-urgence-impensable-de-passer-à-côté-indispensable-dans-votre-discothèque", mais quand même vous savez ce qu'il vous reste à faire encore une fois. Une bonne nouvelle ne venant jamais seule, le groupe a annoncé ces derniers jours s'atteler à un nouvel album. Voilà qui ne peut que nous réjouir. Allez je vous laisse, faut que j'aille bosser, j'ai encore laissé mon chameau garé en double file, et j'ai peur de prendre une prune (à moins que ce ne soit encore une datte).
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