Titres
Formation en 1987
Marco Ragni [clavier]
Invités:
Giovanni Menarello [guitariste acoustique]
Alessandra Pirani [auteure]
Enrico Di Stefano [saxophoniste]
Davide Gazzi [guitariste acoustique]
Luigi Iacobone [flutiste classique]
Enrico Cipollini [guitariste électrique]
Cela fait déjà plus de vingt-cinq ans que cet Italien encore peu connu, multi-instrumentiste (claviériste d’abord, puis guitariste, bassiste, chanteur, compositeur), roule sa petite bosse, et ce pour son propre compte depuis 2009. Trois albums solo, doublés d’un live officiel, sont déjà sortis, jusqu’à ce qui est présenté aujourd’hui comme son premier opéra rock, paru à la toute fin 2014, sous la forme d’un double CD : Mother From The Sun. Ne connaissant pas jusqu’ici sa carrière déjà bien remplie (différentes formations, en plus de son œuvre solo), nous nous contenterons de nous concentrer sur cet opus certes copieux, mais non dénué d’intérêt, et, disons-le d’emblée, d’un certain talent.
Jusqu’ici Marco Ragni se déclarait très ouvertement héritier du psychédélisme, et d’une pop sophistiquée, la guitare apparaissant comme son instrument de prédilection. Et effectivement, c’est l’instrument roi dans ce disque : folk, acoustique, électrique, elle ne quitte jamais ni intro ni conclusion, en véritable fil rouge, comme pour dire qu’au fond, tout ceci n’est qu’affaire de folk songs aux arrangements ambitieux… On songe inévitablement à Pink Floyd (la pochette en dit long, fortement imprégnée des imageries de Hypgnosis), avec ses ballades éternelles, dépouillées comme hyper produites. La comparaison ne s’arrêtera pas là, tant les arrangements s’abreuvent à la source même de Waters et Gilmour, avec cependant quelques velléités personnelles. Tout le catalogue y passe, ou presque ; constructions lentes, développements spacieux et méthodiques, morceaux conséquents (trois morceaux entre 15 et 22 minutes !), liaisons planantes, expérimentations blues psyché, sonorités analogiques période pré 70s de toute beauté, chant et harmonies en mode mineur, tempos lents et leads stratosphériques de guitares slide… Tout ceci, sur le papier, même virtuel, semble connu, reconnu, et archi rebattu, les groupes de néo prog puisant directement à cette source étant légion, jusqu’à en obscurcir le ciel progressif, cantonnant parfois les autres inspirations à l’anonymat. Pourtant, avec ce diptyque (l’album concept s’articule sur deux longs chapitres), Marco Ragni fait bel et bien preuve d’inspiration. C’est le véritable tour de force ici. Ses harmonies, son chant (souvent bien assuré, et dans un anglais très acceptable), font preuve d’émotion, de conviction, et de personnalité. Sonner comme, mais avec des harmonies et mélodies différentes, ça n’est pas donné à tout le monde tout de même ! Les prises de guitare folk sont un peu rêches (mieux vaut une prise acoustique qu’électro acoustique, les micros intégrés montrant souvent leurs limites lorsqu’ils ne sont pas dans le très haut de gamme), mais la production fait montre d’une très belle ampleur, et ce sans jamais saturer le paysage comme c’est bien trop souvent le cas actuellement. On se prend à suivre chaque pièce, dont l’ensemble opère une vraie attention sur l’auditeur. Tout n’est pas forcément renversant, mais la somme de travail ainsi que la réussite d’un très grand nombre d’ambiances l’emportent bel et bien.
Il faut préciser que notre italien endosse quasiment toutes les casquettes (mais il est loin d’être le seul, depuis quelques temps), et que superviser un tel ensemble force une certaine admiration. On sent, de façon presque palpable, l’homme à l’ouvrage, composant, tâtonnant avec sa 6 cordes électro acoustique, cherchant un écrin pour chaque texte (écrits pour lui), échafaudant, couche après couche, thème après thème, son édifice. Il y a dans ce disque l’impression du fait main, d’une beauté artisanale, ce qui ajoute à son charme. De plus, pour palier à quelques manques, il a fait appel à des invités : saxo, guitares, flûtes, tous embellissant les morceaux de leurs interventions (une mention par’ticulière pour la flûte, somptueuse)… Les batteries cependant sont programmées, mais plutôt que de faire illusion avec du tapage, il a choisi leur plus simple expression, un peu à l’instar d’un The Wall (puisqu’il faut comparer), ce qui finalement sert plutôt bien un propos se voulant majestueux, mélancolique ou solennel. On le répète, les moments forts ne manquent pas, les passages planants et psychés étant certainement les plus réussis, et quant à la sincérité du propos, elle est de chaque instant.
Alors bien sûr, un double CD, avec près de quatre-vingt minutes de musique (1h20 !), c’est un peu trop, surtout dans une époque comme la nôtre, où ceux qui écoutent un album d’une traite se font de plus en plus rares, et où le retour au vinyle favorise des formats plus digestes. Ragni a comme excuse d’avoir scindé l’album en deux parties distinctes (même si musicalement elles n’apparaissent pas si contrastées, la deuxième partie apparaissant comme un peu plus décousue tout de même). Libre à chacun de décliner ce disque comme il l’entend, bien sûr, mais il est tout de même difficile de ne pas éprouver une certaine monotonie sur une telle durée…
Pour conclure, sans faire forcément date, Mother From The Sun a pourtant bien des atouts, et apparaît peut être comme le dernier album des Floyd qu’on aurait sans doute pu être en droit d’espérer. C’est déjà beaucoup, c’est même énorme quand on y pense ! Les amateurs de ballades folk rock et néo symphoniques apprécieront beaucoup, quand aux autres, ils pourront constater que dans le genre, on est tout de même ici nettement au dessus du lot. Une vraie batterie et plus de concision pour le prochain effort, et l’essai sera définitivement transformé. En attendant, ne boudons pas ce plaisir…
Facebook: https://www.facebook.com/Marco-Ragni-Songwriter-1494847694080570/timeline
Video: