Titres
Formation en 1999
Lukasz Gall [], Piotr Płonka [], Krzysztof Wyrwa [], Tomasz Paśko [batteur], Ryszard Kramarski [clavier]
Membres additionnels :
Dariusz Rybka : saxophone
Michał Bylica : trompette
Karolina Leszko : chœurs
Chacun(e) a dans sa discothèque quelques albums qu'il (elle) considère personnellement comme intemporels. C’est sûrement le cas pour vous. Le genre d'album qui vous accompagne un bon petit bout de vie. Le genre d'album que vous écouterez encore et encore, vous aurez toujours l'impression de le redécouvrir, d'éprouver de nouvelles sensations. Le genre d'album qui traversera les ans, qui ne prendra pas une seule ride, et qui vous procurera sans coup férir un plaisir toujours aussi inégalé à son écoute. Une sorte de référence en somme, un jalon dans sa culture, sa progression et ses références musicales. Je crois pouvoir dire qu'Ego de Millenium fait partie pour moi de cette rare et précieuse sélection. Et c'est forcément un mystère insondable de voir que l'on ne se lasse jamais de ce type d’album.
Après le gros coup de cœur début décembre de Togo Chubb avec le groupe polonais Osada Vida, nous parlons de nouveau de la Pologne avec cet album de Millenium. Avec des groupes tels que Riverside, Quidam, Collage, Satellite, Votum, Hipgnosis, Indukti, Moonrise (j'en oublie sûrement d'autres), force est de constater que la Pologne est bien représentée et active dans le microcosme du rock progressif. Nul doute qu’un certain Mariusz Duda, par ses nombreux projets et sa créativité, n'est pas étranger au rayonnement musical progressif de son pays.
Millenium, créé à la suite de la “fusion” de deux groupes de l’époque, Framauro et Inside Out, a sorti son premier album en 1999. Il y a de fortes chances que le nom du groupe ait été choisi en raison de la venue de ce nouveau millénaire, mais ce n’est qu’une supposition de votre fidèle serviteur. Après quatorze années prolifiques qui ont vu la sortie d’une dizaine d’albums est né Ego en 2013. Ego est un concept-album qui, au travers du personnage principal, parle de la vie et des différentes périodes que chacun peut traverser dans son existence. On y aborde différents thèmes tels que la naissance et l’insouciance de l’enfance, le lâcher-prise sur les événements, le temps qui passe, les illusions perdues, la frénésie du monde contemporain, la solitude, les secrets toxiques et les non-dits, la nostalgie, les doutes, la dépression, la séparation, les épreuves qui rendent plus fort, le regard que l’on porte sur sa vie au moment de rendre son dernier souffle. Vaste programme ! Le temps, symbolisé par le top de départ de l’horloge, présent au début de “Ego”, transformé en tic-tac rapide de chronomètre dans le second titre, pour finalement s’arrêter au son calme du piano dans le dernier titre, nous rappelle que, à l’instar de cet album, la vie est courte et passe très vite.
Il n’est pas question ici de grandes compositions à tiroirs, de changements de rythmes frénétiques et de rebondissements multiples et variés. Avec cet album on a plutôt affaire à du bon rock qui avance tranquillement, à l’image du promeneur qui déroule sa foulée sereinement et avec assurance. Et ce randonneur à la force tranquille que vous ne connaissez pas, vous emboîtez son pas avec confiance, car vous êtes sûr qu’il va vous mener sur des chemins de traverse, de découverte, de surprises et de plaisir. La structure des titres est assez classique, avec un début à plusieurs couplets/refrain laissant généralement ensuite la place à des soli très bien exécutés, ainsi qu’une variation/développement du thème principal sur changement de rythme. Une recette maintes fois éprouvée, qui a déjà prouvé son efficacité, et qui dans notre cas fait vraiment mouche. Avec quatre titres d’une dizaine de minutes, chaque instrument a le temps de prendre sa place et de s’exprimer complètement. L’originalité de cet album vient plutôt de toutes les petites touches pointillistes ajoutées çà et là au fil des titres, et qui forment un tableau final qui a vraiment de la gueule : ici deux coups de cymbale, là un accord répété de guitare en arrière-plan, quelques instants de silence complet, une chevauchée de claviers, une batterie syncopée, trois coups de tonnerre…
Alors non seulement on se sent bien en compagnie de ce wanderer - dont il suffit de battre le pas au rythme de la batterie entraînante - mais on a droit aussi, au cours de cette belle promenade, à de superbes éclats de soleils cuivrés, célestes et vocaux dispersés dans les titres. Une guitare blues à la Texas déroule ses accords glissés, le saxophone de Dariusz se fait tantôt mélodique et chaud dans “Born in 67”, tantôt balancé, rauque et percutant dans “Lonely Man”, la trompette de Michał est solennelle, bienveillante, appuyée majestueusement par les chœurs aériens de Karolina, que l’on retrouve dans “Goodbye my Earth” et qui dialogue encore d’une belle voix claire avec Łukasz dans “Lonely Man”. Quant à la voix du leader de cette formation, ses intonations me rappellent furieusement Peter Gabriel.
Je ne peux non plus passer outre les soli de cet album. Que ce soit en relance de rythme, en envolée finale, en articulation de structure musicale, on a toujours la conviction qu’ils sont placés au bon endroit, au bon moment. Que ce soit à la guitare, au sax, à la trompette ou aux claviers ce n’est que du bonheur. Et la chair de poule est bien présente dans ces précieux moments.
Il y aurait encore beaucoup de choses à dire tellement cet album me touche. Un petit dernier mot sera pour les ambiances distillées par cet opus. Vous serez dans certains passages dans un brouillard enveloppant, vous déboucherez peut-être sur une belle clairière ensoleillée, un paysage d’Ouest américain… Vous ne trouverez pas de pathos excessif, pas d’envolées lyriques, pas d’émotions débordantes. La mélancolie, le bonheur, la tristesse, la joie, l’appréhension, la félicité pourront tour à tour venir frapper à votre porte sans tapage excessif. Le mieux, c’est que je puisse espérer que vous me fassiez finalement confiance, et que vous découvriez par vous-même ce bel opus.
Ego, c’est un album bien ancré dans la vie, varié, nuancé, tout en finesse et en retenue.
Site: http://www.millenium.art.pl
Facebook: https://www.facebook.com/millenium.progrock
Merci pour cette chronique si bien travaillée , on sent que tu as eu vraiment un coup de cœur pour cet album , très bon boulot ...
Le 12/03/2015 par titi