Titres
Formation en 2009
Antti Ruokola [batteur], Mikko Heino [chanteur], Jouni Mikkola [bassiste], Jaakko Jernberg [guitariste] jusque 2012, Jesper Johnson [guitariste], Pekka Loponen [guitariste] depuis 2012, Elias Patrikainen [clavier] jusque 2016
© Samppa Fjäder
Les Finlandais de Minutian livrent leur deuxième album, Inwards, en hommage après la disparition tragique en 2012 de leur guitariste Jaakko Jernberg. Il aura fallu un peu de temps au groupe, ce qui est bien compréhensible, pour composer un disque dont le fil conducteur, indiqué dans le titre, est l’introspection, ainsi que pour intégrer officiellement le second guitariste qui les accompagnait sur scène, Pekka Loponen. Composé de neuf titres, Inwards ferme la boucle de l’hommage par une composition de Jernberg, "Redeemer"…
Si vous prenez en compte que le mastering a été fait par Ronan Chris Murphy qui a quand même œuvré pour King Crimson et Terry Bozzio entre autres, de même que le fait que des influences du même King Crimson, mais également de Tool, Mastodon ou Oceansize se font sentir, vous comprendrez aisément que le chroniqueur à l’affût ait tendu sa paire d’oreilles pointues !
Et ça attaque fort avec "Hollow Heroics" ! Courte introduction avec une guitare digne du Genesis période Hackett, et vlan, les vannes s’ouvrent, les potards sont dans le rouge, on chavire sérieux. Riff simple, chant agressif et haut perché, rythmique soutenue, et déjà la batterie qui marque son importance. Un break qui monte crescendo, fait des loopings jusqu’au retour du thème principal et Antti Ruokola qui montre tout son talent derrière les fûts, voilà un morceau introductif qui place le niveau du débat.
De délicats arpèges de guitares acoustiques entament "On Derelict Sidings". La voix de Mikko Heino se fait d’abord douce, soutenue en particulier par une basse légèrement saturée. Les harmonies vocales sont très réussies, tandis que les guitares égrènent leurs chapelets de notes avant que les accords plaqués ne fassent monter l’intensité du morceau, jusqu’à ce que le piano léger d’Elias Patrikainen n’amorce la redescente climatisée : magnifique construction !
"The Crust of the Earth" se caractérise également par sa structure très élaborée, avec ses changements d’ambiance dans une unité tenue par le chant doublé de Mikko. C’est un curieux et savant mélange de lourdeur et de légèreté qui forme une alchimie troublante ou les variations de l’utilisation de la batterie font merveille.
"Void Within" se présente un peu comme du Red Hot Chili Pepper, basse en avant, belles voix et harmonies, petits gimmicks de guitare un peu façon King Crimson période Belew, une délicate manière de proposer et d’illustrer le vide intérieur… Bien entendu, cela ne reste pas calme jusqu’à la fin, les accords plaqués rameutent la cavalerie et la voix décidément délicieuse de Mikko Heino s’élève dans les aigus : "Medicate the void in me!"
©Minutian
Le piano introduit le court "Onus", façon musique contemporaine, avant que des séquences de claviers et percussions ne placent le rythme. Une basse chaloupée porte le chant susurré, des loops de guitares post-rock forment un break atmosphérique servant de pont avec le morceau suivant, "Burning Bright", quelque peu épique avec moult variations, et en particulier de superbes guitares, tant électriques qu’acoustiques. Les percussions sont affriolantes et les voix, tout en sucre sont magnifiques de retenue, même dans les moments plus tendus ; et que dire du final de batterie…
"Manifest" est plus heavy, en particulier le chant, mais les breaks se succèdent et les guitares, vitaminées et gouleyantes, sont brillantes, et la batterie, toujours cette batterie admirablement lourde et aérienne, rythmée et décalée ! Jesper Johnson et Pekka Loponen lâchent des traits stridents aux guitares, la basse de Jouni Mikkola roule et appuie le travail percussif. Le mixage, très rock, est parfait, ça déboîte et ça cavale sur la fin, avec un travail hyper technique à la double pédale de grosse caisse qui fera pâlir bien des batteurs, pour conclure sur des harmonies vocales parfaitement dosées.
On approche de la fin de l’album avec l’avant-dernier morceau, "Aphelion", qui fleure bon le prog du haut de ses dix minutes passées. L’aphélie, c’est le point de la trajectoire d’un objet céleste le plus éloigné du soleil autour duquel il tourne. Cette composition commence un peu comme du post-rock, rythme tribal, guitares aériennes et minimalistes, voix douces et fragiles auxquels succède un pont d’accords pincés. Le chant reprend, ponctué par la basse à contretemps, des percussions. Une lourdeur quasi stoner-prog s’installe ensuite avec variations des ambiances et précisions du travail des instrumentistes. Les thèmes s’enchaînent naturellement les uns aux autres, variant de nature comme de puissance, celle de la voix de Mikko s’exprimant à plein. On n’a pas vu le temps passer, cette pièce est sans doute le point d’orgue de ce disque (même si d’orgue il n’y a point…).
"Redeemer" donc, composé par le regretté Jaakko Jernberg, vient clore un disque déjà magnifique. Sentiment étrange que celui laissé par la ponctuation d’un opus sur l’intériorité par la proposition d’un rédempteur composée par un musicien disparu et aimé de ses comparses… Les guitares introductives sont magnifiquement entremêlées sur une caisse claire militaire. La voix entre et l’on se croirait entendre un morceau de Porcupine Tree. Les guitares sont, bien sûr, omniprésentes, la batterie se fait lourde, les voix célestes : "Still alive" seront les dernières paroles avant que les lumières ne s’éteignent sur des notes infinies de guitares…
Magnifiquement composé, à l’exception de ce "Redeemer", par le batteur Antti Ruokola tout autant impressionnant par la créativité de ses frappes, Inwards est un album magique, d’une beauté diaphane pour peu que l’on se donne la peine d’y entrer, comme un Fondcombe trouvé en empruntant le Gué de la Bruinen… Dès lors, on saura en apprécier les aspérités comme les rondeurs, les tensions comme les détentes, la clarté comme les aspects les plus sombres.
Une découverte finlandaise qui vaut le détour et sans doute le plus bel hommage que les esthètes de Minutian puissent rendre à l’un des leurs.
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