Titres
Formation en 1973
Robert John Godfrey [clavier], Joe Payne [] jusque 2016, Jason Ducker [], Max Read [clavier], Dave Storey [batteur], Dominique Tofield [percussions]
Je me demande vraiment si, même avec beaucoup de temps, un chroniqueur arrive à avoir une bonne vision de la majorité des groupes qui gravitent dans le rock progressif. Très probablement non. En tout cas il en découvre tous les jours, c'est plus que certain. C'est encore le cas pour moi avec The Enid. J'entends certains d'entre vous s’esclaffer derrière leur écran (si si il doit bien en avoir deux ou trois qui nous lisent rassurez-nous): "Quoi ? Il ne connait pas The Enid ? M'enfin !!!!" (vous pouvez ajouter un "Rogntudju !" si çela vous chante). Comme dirait notre cher Socrate disparu hélas trop tôt, je sais que je ne sais rien. Sans compter que personnellement je ne vois pas trop la valeur ajoutée de regarder un concert en DVD. Pour moi un concert se vit en live, c'est bien là tout son intérêt de voir en chair et en sang ses artistes préférés. Je vous l’accorde, à moins d'avoir hérité d'une lointaine et richissime tante américaine et de pouvoir se réincarner dans plusieurs vies progressives, il est impossible d'assister à tous les concerts de prog qui se déroulent sur la planète. Ces considérations hautement philosophiques étant dites, intéressons-nous un peu à The Enid.
Il semblerait qu'avec cette chronique je m'attaque à un monument. En tout cas, la longévité de ce groupe britannique ainsi que les épreuves qu'il a successivement traversées au travers des années forcent le respect. Mon horizon s'est brusquement éclairé quand j'ai découvert que le membre fondateur encore dans le groupe, Robert John Godfrey (aka RJG), a œuvré de 1969 à 1971 avec Barclay James Harvest, ce qui me rattache cette fois-ci à des références connues, et à ce mélange si particulier de musique symphonique et plus rock. Alors pour essayer de la faire court, disons que depuis 1973, date de fondation du groupe, The Enid a connu la majeure partie des hauts et des bas qu'un groupe peut connaître. Citons pêle-mêle la signature avec un label défaillant, une collaboration avec des managers peu scrupuleux, des divergences de vue commerciales, la création d'un propre studio d'enregistrement pour se réapproprier les albums du passé suite à quelques soucis de propriété intellectuelle, l'incompréhension des fans lors de changement de style musical, une renaissance inespérée avec de nouveaux venus. Sans compter la traversée difficile mais victorieuse de ces fameuses années 80 punk/wave qui ont été tant néfastes pour le rock progressif.
RJG et Dave Storey sont de fait les seules personnes originelles du groupe encore présentes. Robert, qui vient de prendre sa retraite, est bien sûr l'ancrage historique de The Enid. Pianiste, philosophe, compositeur, il est un personnage à la créativité, à la persévérance hors du commun, et a apparemment mis dans chaque album les états d'âme du groupe à chaque étape de sa vie. Les références à Wagner (Parsifal), Rachmaninov, Bruckner, Elgar (les fameuses variations Enigma) émaillant les différents albums donnent une idée du niveau de composition de l’artiste. Et la conviction que tout groupe de musique doit constamment garder la foi pour passer les inévitables moments de doutes et de découragement qui peuvent survenir. D'ailleurs le groupe est en ce moment de nouveau dans une passe difficile (nous en avions fait écho dans nos actualités), et réclame le support actif de tous ses fans.
Le concert qui nous intéresse ici s'est déroulé lors de la 16e édition du festival Crescendo le 23 août 2014. Crescendo, pour ceux qui ne connaissent pas encore, c'est un festival international de rock progressif complètement gratuit (!) qui se déroule sur trois jours à Saint-Palais-sur-Mer (près de Royan) le troisième week-end d'août. La 17e édition se déroulera d'ailleurs du 20 au 22 août 2015, et de nombreux groupes italiens, français et nordiques sont d'ores et déjà annoncés. En tout cas, trois jours de rock progressif face à l’océanr, qui dit mieux ?
Le DVD regroupe une dizaine de titres qui sont joués pendant ce concert. Un beau medley donnant la part belle aux albums Invicta (4 titres), Arise and Shine (3 titres), Sundialer (1 titre), The Spell (1 titre), Something Wicked This Way Comes (1 titre). Autant le dire tout de suite, on voit en majorité Joe Payne, ses yeux cernés de noir, son jeu de scène un peu trop théâtral et maniéré à mon goût. Des gestes qui ressemblent quelquefois à des gestes de chef d'orchestre ou de chef de chœur. On a droit dès le départ à quelques plans bizarres, mal cadrés et flous. On se retrouve plusieurs fois avec la cloche tubulaire qui coupe carrément l'écran en deux, quand ce n'est pas le pied du micro principal. Bon. Vous verrez aussi au hasard des titres quelques têtes coupées, un gros micro au centre de votre écran, de belles vues de dos de musiciens, d'arrières de caissons, de moitié de grosse caisse et de bouteille d'eau au premier plan. Pas de panique, c'est regardable, mais il faut s'y habituer.Il faudra quand même patienter 17 minutes pour voir un plan de quelques secondes du batteur et de Robert, qui reviendra de dos 5 minutes après. Et surtout profitez bien des 8 secondes de Dave à la batterie. Pas besoin de vous dire à quel moment, vous le repérerez facilement.
Les différents jeux de lumière, couplés aux fumigènes sont vraiment agréables et donnent une chaude ambiance scénique. Nous avons au fil des titres un beau défilé de faisceaux bleu/orange, vert/violet, rouge/bleu, blanc flashy sur les séquences un peu plus rock. Sinon pour moi il n'y a rien à dire sur les voix et la musique, qui est bien sûr en 5.1. Joe a la capacité de monter dès le début sa voix très très haut. A part une autre séquence dans 'Who Created me ?' sa voix redescend ensuite dans une tessiture plus classique pour le reste du concert. Les chœurs ponctuels sont vraiment à l'unisson, Dominique et Max, ont en plus des claviers et des percussions respectifs, leur guitare en bandoulière qui se fait entendre sur les passages plus heavy. Quant à Jason présent aux côtés de Joe, il sait se faire discret tout en répondant présent sur les solos qu'il doit effectuer. L'efficacité sans fioritures. La foule, que Joe appellera deux fois à taper dans ses mains, reste globalement calme pour se réveiller un peu sur le dernier titre, qui vaut son pesant de cacahuètes. Robert prendra la parole à la fin du concert pour introduire l'éxécution du fameux Mockingbird, une demande de l'équipe organisatrice de Crescendo. Un titre qui me ramène personnellement une bonne trentaine d'années en arrière, lorsque j'écoutais en boucle sur mon walkman les cassettes de BJH. Qui n'a jamais fredonné le refrain de cette chanson ?
Bon j'ai eu la dent dure sur les cadrages, mais c'est un fait. Les caméras de scène sur le côté et à l'arrière (pourquoi filmer de dos des musiciens avec du matériel en premier plan, de surcroit sans contre-plongée sur le public ?) ne sont pas optimalement placées. Quand dans certains plans l'œil doit passer au travers de câbles et autres barres pour aperçevoir un bout de musicien, ce n'est pas forcément top. Malgré ces imperfections ce DVD vous fera passer un bon moment musical en compagnie d'un groupe vraiment très très original. J'en viens presque à regretter de ne pas avoir été sur place pour entendre ce concert.
A noter que le concert a été filmé par un cinéaste amateur de St Palais et non par une équipe professionnelle. (Neoprog)
Site: www.theenid.co.uk/
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Festival Crescendo : www.festival-crescendo.com/
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Vidéo officielle :