Titres
Dave Webb [guitariste], Michael Trew [chanteur,guitariste,flute], Mike Murphy [chanteur,bassiste], John Smith Allday [chanteur,clavier], Kelly Mynes [batteur,percussions]
Moon Letters nous entraîne au nord de l’Ecosse, entre les Orcades et les Shetlands, pour nous conter la légende d’une selkie, une femme sirène des traditions nordiques.
L’album Until They Feel The Sun où sonnent des claviers vintages, des flûtes traversières et des guitares à la Hackett se rapproche de ce que nous appelons le rétro progressif. Mais contrairement à ce que nous pourrions imaginer, Michael, Kelly, Mike, John et Dave ne vivent pas en Ecosse mais bien à Seattle. C’est en avançant dans l’album (‘Beware The Finman’) que nous découvrirons des influences qui dépassent largement le cadre du canterbury.
Le nom du premier titre ‘Skara Brae‘ m’a immédiatement interpellé, Skara Brae, une cité du Néolithique, construite sur la côte ouest de l’île principale des Orcades, un site archéologique unique en son genre, que j’ai visité voilà bien des années, un lieu battu par les vents du nord, les fondations en pierres sèches d’habitations circulaires primitives où une selkie aurait pu venir s’abriter de la tempête. Un morceau instrumental tout aux guitares seventies de Dave qui pose le décor de l’histoire.
C’est sur le rivage qu'apparaît la belle jeune fille de l’histoire, la selkie (‘On the Shoreline’). Un titre chanté avec la douce voix de Michael et dans lequel un homme rencontre cette créature de rêve qui ne parle pas. Flûtes, guitares et claviers, basse ronde, Moon Letters nous immerge dans un rétro progressif nostalgisant.
Des sons venus de l’océan et des harmonies vocales scellent l’amour de ses deux êtres (‘What Your Country’), une magnifique pièce quasi dénuée de musique, sauf dans les dernières secondes.
Avec ‘Beware The Finman’ nous changeons de continent et de décennie, un morceau qui flirte avec l’AOR (écoutez la basse de Mike Murphy). Moon Letters s’attaque également ici à une pièce nettement plus ambitieuse, les claviers de John Smith Allday prennent le dessus et la guitare se lâche sur un beau solo final.
‘Those Dark Eyes’, une pièce progressive par excellence de près de huit minutes et principalement instrumentale, pleine de rebondissements, commence de manière inquiétante, tout en attente et murmurée pour décoller ensuite sur un “Welcome home, there’s a light inside the sand”. Le titre plane sur un long couplet aux claviers genesissiens puis nous embarque dans un instrumental rythmé qui s’achève sur ces mots : “With those dark eyes”.
Il arrive parfois qu’une selkie, devenue humaine, privée de sa peau de phoque, se lie avec un homme et qu’ils aient ensemble des enfants. Mais lorsque celle-ci retrouve un jour sa peau, elle retourne à l’océan d’où elle est venue pour ne plus jamais retourner sur la terre ferme. Le plus long des titres de l’album, ‘Sea Battle’, du haut de ses neufs minutes, sans cesse changeant de direction, raconte cette inéluctable et déchirante séparation entre l’homme et la sirène.
Après deux très belles pièces, la brillante ‘The Termalin’ et la brève mélancolique ‘It’s All Around You’, l’album lance un ‘The Red Knight’ hard rock vintage. L’homme devenu vieux, guette l’océan par la fenêtre de sa maison, le retour de celle qu’il a aimé et qui est partie au fond des mers.
C’est à la flûte et au piano que s’achève cette triste histoire d’amour avec ‘Sunset of Man’, sept minutes trente pour nous convaincre une dernière fois, s’il était besoin, que Moon Letters est un groupe à découvrir.
Légendes et rétro progressif font bon ménage, même aux Etats-Unis. Ce premier album, inspiré par King Crimson, Mastodon, Yes et Genesis promet une belle carrière à ce quintette de Seattle. Espérons que Michael Trew aura un jour l’occasion de marcher entre les maisons de Skara Brae et contempler avec ses yeux le rivage qu’il a choisi pour conter son histoire.