Titres
Formation en 2010
Jim Alfredson [chanteur,clavier], Gary Davenport [bassiste], Kevin DePree [batteur], Jake Reichbart [guitariste], Thomas MacLean [guitariste,bassiste,clavier]
Greg Nagy, Donny Brown: voix
To be a figurehead: être une figure de proue, un chef de file, un homme de paille, un prête-nom. En fonction du contexte et de son opinion, selon ce que vous voulez y voir ou comprendre, ce mot peut donc être utilisé positivement, ou au contraire avoir une signification beaucoup moins valorisante. Dr Jekyll et Mr Hyde ?
Quand j'ai appris que Theo sortait un nouvel album, je me suis empressé de tanner notre rédac chef pour qu'on puisse avoir la promo, et bien sûr le chroniquer. J'avais en effet adoré en 2015 The Game of Ouroboros, notamment pour la critique sous-jacente de notre société occidentale, qui m'a parlé, et pour les claviers omniprésents, claviers dont Jim Alfredson est spécialiste. Pour ce Figureheads, Jim a enrichi son équipe avec respectivement Tom MacLean (ancien bassiste de Haken jusque 2013) aux guitares, Greg Nagy et Donny Brown (musiciens multi-facettes) pour les choeurs.
Figureheads se compose de quatre titres longs de dix à dix-sept minutes, présentés dans le livret comme des tableaux que l'on découvre successivement en déambulant dans un musée. De quoi parle-t-on dans ce nouvel album ? Dans la même veine que le précédent, nous avons de nouveau une critique sociétale dirigée sur un certain type de gouvernants. Difficile de ne pas songer au "gouvernement" actuel des Etats-Unis, et à un certain personnage. Est-il besoin de vous faire un dessin ? Vous verrez dans la pochette que les noms des titres correspondent à une version aseptisée, alors que la version non politiquement correcte originale a été barrée: par exemple 'Pathology' se nommait 'The Sociopath', 'Man of Action' se nommait 'The Demagogue'. Dr Jekyll et Mr Hyde. Quant aux paroles, le message est là aussi explicite: "Ne me faites pas perdre mon temps si vous n'avez pas d'argent, je suis un autocrate", "Qu'importe ce qu'ils écrivent du moment qu'ils écrivent sur moi, si j'ai tort je ne l'admettrai pas, il n'y a personne de meilleur que moi" ('Man of Action'), "Un voyou comme lui ne pourrait jamais gagner" ('Portents and Providence').
Les quatre chansons tableaux.
Pour ce qui est de la musique, nous avons affaire ici à des chansons où se retrouve une structure couplet-refrain allongée, entrecoupée de multiples transitions et de soli (guitares ou claviers) plus ou moins inspirés.
'Pathology' commence et finit d'une manière très calme, très zen, dans la nature avec des chants d'oiseaux, alors que l'intérieur du titre est beaucoup plus rugueux: basse grasse qui tabasse et envoie ses coups de boutoir, batterie qui se déchaîne. Il y a tout de même deux petites éclaircies à l'intérieur de ce titre qui permettent de respirer, alors que la fin voit s'exprimer des festons de claviers montant en tension et déroulant une belle conclusion. Doit-on y voir l'image d'un personnage brutal et rugueux sous des apparences beaucoup plus séduisantes mais néanmoins trumpeuses ? C'est en tout cas mon interprétation. Dr Jekyll et Mr Hyde.
'Man of action' commence aux sons d'une foule qui scande "USA ! USA !", alors qu'une sorte de sirène d'alerte s'exprime aux claviers; difficile de ne pas imaginer un meeting politique. Une guitare très très floydienne à la limite de la démonstration technique s'exprime à l'entame de ce second titre. Après quelques changements de rythme, pauses, accélérations, breaks, solo de clavier avec des accords qui me rappellent ceux de 'Jump' de Van Halen, et un nouveau solo hyper technique de guitare, le rassemblement politique semble être fini sur fonds de bruits de vaisselle aux deux tiers du titre. Après la tempête vient la tranquillité avec piano calme, basse, batterie et guitare acoustique bien balancés, et nouveau solo de guitare très floydien.
'The Garden' vous offrira un petit interlude calme d'une dizaine de minutes, un interlude un peu trop lisse à mon goût.
'Portents & Providence' vous satellise directement sans préavis et vous éclabousse pendant trois minutes de fragments d'étoiles venues directement de la constellation genesisienne, avant de changer du tout au tout et partir sur un rythme très entraînant, avec une guitare acoustique et une cymbale charleston qui s'en donne à cœur joie. Les soli s'enchaînent ensuite: clavier jouissif dans les aigus, guitare avec un petit accent country, et Hammond qui brode rapidement pour basculer brusquement, juste avant la dixième minute, dans un rock beaucoup plus costaud, dans des couleurs plus charnues et visqueuses. Dr Jekyll et Mr Hyde. A partir de là tout s'emballe: improvisation foutraque de la guitare électrique, solo de claviers extatiques, déjantés et qui deviennent complètement fous sur une basse qui gronde, pour retrouver l'ambiance genesisienne du début après ce maelstrom sonore.
Avec Figureheads, vous reconnaîtrez les nombreux claviers utilisés, ainsi que l'écriture de Jim découverte avec son premier opus. Un savant mélange de sons analogiques et plus modernes. Les fans de claviers apprécieront sans aucun doute. J'ai tout de même ressenti certains soli (claviers, mais aussi guitare) comme étant à la limite de la démonstration technique. Rien de vraiment méchant. A l'instar du premier album, l'œuvre entière se base aussi sur une idée, un concept, un tout cohérent entre artwork, paroles et musique. Sur le site du label Generation Prog Records, l'artiste explique que "Chaque chanson représente une facette de nos personnalités. Je crois que nous avons tous le potentiel pour le Bien et le Mal, et parfois la frontière entre garder une certaine unité et tomber dans la diatribe verbale est très ténue". Dr Jekyll et Mr Hyde ?
Voilà, vous savez ce qu'il vous reste à faire si cette chronique vous a un tant soit peu mis l'eau à la bouche. A l'heure où tous les scénarii des résultats électoraux au pays de l'oncle Sam ont été simulés et aboutissent à la conclusion que cette période va être très sûrement entachée de quelques troubles - doux euphémisme - écoutons encore et toujours de la musique. En espérant qu'elle adoucisse les mœurs.