Titres
Formation en 2014
Ketil Vestrum Einarsen [guitariste,clavier,flute,samples], Gaute Storsve [guitariste,bassiste], Jacob Holm-Lupo [guitariste,bassiste], Mattias Olsson [batteur,percussions]
Invités:
Lars Fredrik Frøislie, Stephen James Bennet, Tetsuroh Konishi, Lars Horntveth, Erik Johannessen, Brynjar Dambo, Roger Langvik, Einar Baldurson.
Je vous vois venir: mais c'est quoi cette pochette super kitsch ? La déco orange vintage années 70 c'est passé de mode depuis longtemps ! Weser… quoi ? En plus il faut savoir lire l'allemand ? Mode ou pas mode, en tout cas on est en plein au cœur du sujet.
Weserbergland, c'est le nom d'une région montagneuse au Nord de l'Allemagne, plus exactement au Sud-Ouest de Hanovre. C'est aussi le nom du nouveau groupe de Ketil Vestrum Einarsen, flûtiste et multi-instrumentiste norvégien qui baigne dans le milieu du prog depuis maintenant quelques dizaines d'années. Nous avions parlé de Ketil lors de la sortie de Kaukasus I, un projet de Rhys Marsh concocté vite fait bien fait avec le flûtiste et d'autres compères norvégiens. Pour resituer très brièvement le contexte, Ketil c'est, entre autres, les groupes White Willow et Motorpsycho.
Avec Sehr Kosmisch Ganz Progisch, Ketil a voulu rendre hommage au Krautrock, un courant du prog apparu un peu avant les années 70 - nous y voilà -. Le Krautrock ? Du rock fait avec du chou ? Même si certains artistes arrivent à jouer de la musique avec du chou et bien d'autres légumes, ce n'est pas ce qui nous intéresse ici. Petit rappel très rapide :
Le Krautrock est né en Allemagne de l'Ouest dans le mouvement contestataire des années 70, et a proposé, en une sorte de style très avant-gardiste et expérimental, un mélange éclectique de musique classique, contemporaine et psychédélique, de rock, de jazz, avec une forte coloration électronique marquée par l'apparition et l'utilisation des premiers synthétiseurs. Kraut était en fait le sobriquet très péjoratif, hérité des deux guerres mondiales, que les anglais donnaient aux allemands. Vous avez déjà sûrement écouté ou entendu parler de Klaus Schulze, Can, Neu! ou autres Kraftwerk, Tangerine Dream et Amon Duül II. Point le plus important, depuis son apparition, le Krautrock a été, est toujours une influence majeure pour de nombreux groupes et artistes de rock (The Mars Volta, Radiohead, Porcupine Tree pour ne citer que le prog).
Conclusion de l'accord entre Ketil et Apollon Records Prog
Sehr Kosmisch Ganz Progisch rassemble quatre longs titres instrumentaux de neuf à seize minutes qui vont vous faire frémir les oreilles en une sorte d'aparté musical que je trouve très rafraîchissant. Les noms des titres sont déjà sûrement un premier clin d'œil au Krautrock et à l'héritage de la musique classique allemande, avec une évocation à Mahler (Le Chant de la Terre) et Bach (L'art de la Fugue), en passant par le douzième siècle avec Tristan et Yseult (Tristan) et le seizième avec un petit madrigal (La danse et le saut). N'ayant pu y déceler un lien entre le nom et la musique de ces titres, je ne peux dire si la référence s'arrête là ou est approfondie avec la portée musicale.
Le premier titre 'Tanzen und Springen' part sur un rythme énergique de batterie qui me rappelle ZZ Top, alors que des motifs électro s'enroulent autour de la ligne musicale et que la flûte mélodique et apaisante se fait entendre. S'enchaînent par la suite plusieurs séquences et transitions où apparaissent des sonorités de steeldrum, une guitare à la musicalité très très oldfieldienne - référence que l'on retrouve dans les deux titres suivants avec une autre sonorité -, une séquence légèrement cosmique sur une nappe électro et des claviers un peu SF, alors que le titre finit en une sorte de chaos, de perte de contrôle diffus, et que la guitare, devenue solitaire, brode en premier plan. Ce premier titre donne le ton de cet album, à savoir un éclectisme certain, en nouvelle référence au Krautrock bien sûr.
Le 'Chant à boire de la Douleur de la Terre' commence sur une montée en puissance d'un rythme électro programmé, accompagné de cordes indiennes, et l'on se retrouve de nouveau dans l'espace sur un rythme de plus en plus hypnotique. Alors que la vraie batterie reprend la main, se succèdent la flûte tantôt éthérée, tantôt excitée - qui me rappellera furieusement Kaukasus I -, une pause en sorte de bestiaire électro-métallique, des claviers qui s'en donnent à cœur joie sur un nuage électronique de cris d'oiseaux, une nouvelle guitare très oldfieldienne qui revient à deux reprises pour finir à l'agonie. Ce titre finit en un nouveau bestiaire grouillant de vie, délire électro mêlant cri d'animaux, train à vapeur, insectes, grenouilles, et ambiance de jungle tropicale. Le chant de la terre n'est peut-être finalement pas si loin…
'L'Art de la Fugue' se base bien sûr quant à lui sur de longs accords de grandes orgues accompagnés à la batterie, pour atteindre un climax avant que flûtes et claviers ne reprennent la main sur une belle séquence solaire et zen mélangeant claviers, guitares cristallines, et caisse claire sur un orgue de retour. Le dernier tiers se finit sur un rythme plus saccadé, des sons rappelant le thérémine, alors que la batterie se dérègle et que tous les instruments semblent faire ce qu'ils veulent en mode freestyle. Il y aura bien un semblant de remise en ordre, mais tout ce joli monde s'éteindra sur un petit motif électronique.
Le dernier titre est basé sur un beat électro assez lent en quatre temps qui m'a fait penser à ELO. Encore un clin d'œil au Krautrock et à son fameux Motorik Beat. Ce rythme assez monotone s'enrichira, sera plus appuyé et s'élèvera au fil des minutes en retouches et ajouts successifs: basse, aiguilles qui fusent, motifs électroniques, trombone, flûte, basse, cuivres, cloches tubulaires, saxophone. Un saxophone qui conclura ce Tristan allemand en sorte d'improvisation sur un rythme très clair et discret.
Difficile de parler de cet album juste en sensations. Sehr Kosmisch Ganz Progisch est en tout cas très original, très éclectique, et surtout très rafraîchissant. Certains enlèveront sûrement la première lettre S à Kosmisch, d'autres aficionados du Kraut préféreront peut-être la version plus rugueuse et plus roots de l'époque, les moyens techniques d'aujourd'hui donnant sûrement à Ketil encore beaucoup plus de liberté dans le choix des sonorités et dans son interprétation musicale. Quoi qu'il en soit, avec Weserbergland on sort sans aucun doute des sentiers battus du prog, et il en est très bien ainsi.
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Vidéo :