Jean-Christophe : Bonjour Kavus, comment vas-tu ? Nous t’interviewons à nouveau, mais cette fois pour parler de Gong. Justement, aujourd’hui qu’est-ce qui est le plus important pour toi, Kniveworld ou Gong, l’un va-t-il fusionner avec l’autre ou bien tiens-tu à séparer nettement les deux projets ?
Kavus : Je donne toujours la priorité au projet sur lequel je travaille. J’ai de nombreux projets et productions et chacun d’entre eux possède sa propre dynamique, sa manière de fonctionner. Knifeworld est mon groupe, donc j’écris tous les morceaux alors que Gong est une collaboration entre cinq musiciens, les résultats sont toujours imprévisibles. Je n’ai jamais songé à les fusionner parce que chacun d’entre eux a son propre micro univers avec ses propres lois physiques.
Jean-Christophe : Pour toi, est-ce que le rock psychédélique possède encore un sens de nos jours, nous sommes si loin des années soixante-dix et des trips sous acide ?
Kavus : Autant que je sache, les gens n’ont pas arrêté d’user de psychotropes une fois les 70’s passées. La MUSIQUE psychédélique a un sens, toute la bonne musique est psychédélique, cela ne se limite pas au rock. La musique est le plus profond des arts, c’est le point culminant de l’accomplissement humain. Nous les hommes, avons trouvé le moyen d’agencer les fréquences que nous avions à notre disposition et grâce à ces petits marteaux dans nos oreilles qui envoient des signaux afin que notre cerveau les traduise, nous sommes en mesure d'accéder à un autre circuit dans l'esprit qui ne peut être éclairé par aucun autre moyen. La musique ouvre les portes de royaumes qui seraient autrement cachés. C'est une manière pour nous d'entrevoir quelque chose comme l'éternité ou le paradis. C'est de la vraie musique psychédélique.
Il n'a jamais été question de plagier ou de sombrer dans la nostalgie, mais d'essayer de créer, avec les outils dont nous disposons, quelque chose de profond, de mystique et d’extatique, quelque chose qui ait un sens réel. Dans le cas de Gong, il s’agit de nos instruments et notre imagination collective.
Jean-Christophe : Après la disparition de Daevid en 2015 puis celle Gilli en 2016, deux figures emblématiques de Gong s’en sont allées. A-t-il été difficile de reprendre le flambeau et d’aller de l’avant ?
Kavus : Poursuivre Gong sans Daevid n’a jamais été ce que nous voulions ni ce que nous nous attendions à faire. Au départ, nous étions tous réticents et sceptiques, car nous n'étions pas certains que Gong, sans un des membres fondateur, puisse fonctionner, et ce malgré le souhait de Daevid. Je pense que ce qui donne aujourd’hui cette personnalité si spéciale au groupe, c'est que nous ne nous sommes pas arrêté à ce qui s’était passé auparavant. Si je regardais la vie de Daevid, son énergie, sa poésie, sa philosophie et espérais devenir comme lui, alors bien sûr, je sentirais beaucoup de pression sur mes épaules. Je devais aborder cela avec mon point de vue, j'ai ma propre façon d'écrire la musique, de jouer de la guitare, de chanter et puiser dans ma propre vision du monde psychédélique qui correspond assez bien à la réalité de Gong, sans ressentir la moindre pression pour 'marcher dans les pas de Daevid’, pour ainsi dire. Il voulait que nous continuions et c'est ce que nous faisons. Cela semble authentique et c’est comme du Gong.
Jean-Christophe : The Universe Also Collapse, le nouvel album de Gong, sonne un peu comme le titre d’un livre de Douglas Adams, tu ne trouves pas ?
Kavus : Je n’y avais jamais pensé mais je vois ce que tu veux dire. Le titre est une extension de l’idée que tout se produit en même temps. Tout ce que nous vivons, de la naissance de l’univers, jusqu’à son effondrement inévitable et tout ce qui se passe entre le deux, arrive en un instant.
Jean-Christophe : Il y a-t-il eu à un moment donné, l’envie pour Gong d’élargir son audience avec une musique disons, plus mainstream, parce que sincèrement, tout le monde n’écoute pas au réveil, même si le morceau est génial, ‘Forever Reoccurring’, un titre de plus vingt minutes, en prenant sa douche ?
Kavus : Il y a certaines choses qui sont ancrées dans l’ADN de Gong, et élargir son audience en composant une musique plus mainstream n’en fait pas partie ! Ceci dit, je n’ai aucune idée de ce qu’est une musique mainstream. Peut-être dans les années 70 ou 80 mais aujourd’hui ? Je ne pense pas que la musique joue le même rôle dans la culture populaire qu’auparavant, si elle a eu un rôle. J’ai l’impression que... cela fait longtemps que je n'ai pas été proche de la culture populaire !
Jean-Christophe : J’ai l’impression que dans The Universe Also Collapse le saxophone est particulièrement à l’honneur comme dans ‘My Sawtooth Waker’, il y a une raison particulière à cela ?
Kavus : Non pas de raison particulière. Je n’avais pas noté que le saxophone prenait une place particulière dans l’album. Cela sonne d’après moi comme Gong devrait sonner et le jeu de Ian est une partie importante de ce son.
Jean-Christophe : As-tu vu cette incroyable photographie de trou noir dévoilée ces derniers jours ? N’est-ce pas un peu ça le psychédélisme, cette science tellement éloignée de notre réalité qu’elle ressemble à de la magie ?
Kavus : Absolument, c'est également le cœur du thème de l'album. Science, magie, mysticisme, musique, art ... c'est la même chose. C'est tout psychédélique.
Jean-Christophe : A l’origine Gong est un groupe franco/britannique et comme le Brexit n’est pas encore consommé, a-t-on une chance de vous écouter prochainement en France ? Parce que pour le mois de mai, vous jouiez uniquement de l’autre côté de la Manche ?
Kavus : J’adore la France et tout particulièrement la musique française, le cinéma français et l'art et la bande dessinée français, mais j'aime aussi beaucoup Londres, où je vis.
Putain qui sait seulement ce que le Brexit apportera, mais je ne suis pas particulièrement impatient de le voir. Nous viendrons en France, soit plus tard cette année, soit au début de l'année prochaine. Les concerts de gong en France sont toujours merveilleux.
Jean-Christophe : Merci Kavus, et longue vie à Gong !
Kavus : Merci pareillement ! On se voit quand on joue dans votre beau pays.
Rédigé par Jean-Christophe le 17/10/2019