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Pale Communion
Opeth - Pale Communion
Titre : Pale Communion
Groupe : Opeth
Sortie : 2014
Label : Roadrunners Records
Format : CD
Genre : Metal

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Titres

  • Eternal Rains Will Come
  • Cusp of Eternity
  • Moon Above, Sun Below
  • Elysian Woes
  • Goblin
  • River
  • Voice of Treason
  • Faith in Others

Formation en 1990

Mike Akerfeldt [chanteur,guitariste], Martin Mendez [bassiste], Martin Axenrot [batteur], Fredrik Akesson [guitariste], Joakim Svalberg [clavier]

Depuis quelques années, Mickael Akerfeldt déclare sans complexes ses idées à propos du métal. Lors d'un récent interview, le frontman avoue qu'il n'arrivait plus à écouter en entier les albums death qui avaient fait sa jeunesse, se résolvant désormais à les savourer titre par titre, séparément. On comprend aussi par cet aveu que notre moustachu suédois s'interroge sur sa propre œuvre et sur le vieillissement de celle-ci : Blackwater Park et Deliverence vieilliront-ils aussi mal que les Morbid Angel d'autrefois ? Car oui, le death metal, quelle que soit sa qualité (progressive ou autre) fatigue sur le long terme à cause de sa densité et sa violence. Aux yeux du compositeur, le monde du metal souffre aussi d'un manque d'inspiration évident qui incite les vieux groupes à se recycler éternellement et les jeunes à tomber dans des sous-catégories extrêmes et musicalement stériles. Pour son groupe, il ne veut qu'une valeur constante : le changement. Ajoutez à ce dégoût du métal et cette envie de se renouveler, une passion : celle du rock progressif. Tout est ainsi réuni pour donner à Mickael l'envie de composer une musique assurément plus seventies. C'est chose définitivement faite avec Pale Communion. Opeth symbolise désormais cette génération de groupes qui rejettent le métal pour une musique plus “douce” (Anathema et Katatonia avec son dernier album, pour les plus connus). Grâce à Akerfeldt qu'on savait capable de merveilles, la reconversion s’avérait être bien accueillie par tout le monde, sauf par d'éternels extrémistes rétrogrades... Mais toute médaille a son revers, un revers qui luit aujourd'hui au grand jour : à force d'excellence, on n'attend maintenant pas moins que la perfection de la part d'Opeth. Force est de constater qu'elle est cette fois en demi-teinte pour ce groupe mythique.

Pale Communion déçoit. C'est bien le seul mot car l'impression n'est pas celle d'un chef d'œuvre manqué, mais d'un album qui donne tout ce qu'il a. Pour preuve, l'enregistrement à l'ancienne, l'artwork grandiose (la pochette retardera la sortie de l'album), le mixage (résultat bluffant), et enfin, une musique plus complexe que jamais : toutes les chances semblaient avoir été données à ce dernier opus. Et pourtant une question de taille survient dès le début pour rester suspendue jusqu'à la fin : est-ce bien Opeth qui a composé cette musique ? Évidemment les cassures bien particulières, le jeu d' Akesson, le chant d'Akerfeldt et les claviers sombres que cultive le groupe depuis Watershed sont là pour rassurer, mais tous ces éléments ne prédominent pas sur l'ensemble, qui, parfois se perd dans d'autres styles. Le single “Cusp of Eternity” symbolise à lui tout seul cette égarement stylistique en mélangeant des chœurs extrêmement désuets et des montées d'accords assez poussives. Votre serviteur culotté se permet aussi de faire remarquer dans ce morceau une cassure au clavier comme Jordan Rudess en a fait des milliers avec Dream Theater. La même chose est à dire de “Goblin”, l'hommage instrumental au groupe du même nom. Un morceau certes jouissif mais qui n'a rien à faire dans un album tel que celui-ci. C'est le problème de ce disque, il est trop fouillis, trop impersonnel : là où Heritage mêlait des morceaux très différents les uns des autres pour une ambiance générale qui reflétait le son Opeth, Pale Communion se trouve étouffé d'influences et d'hommages à un point où il n'offre plus qu'une musique totalement dénuée de caractère. A trop vouloir faire évoluer son style, Akerfeldt le perd. Un résultat sûrement dû à la méthode d'écriture de celui-ci (pour cet album) : « Par hasard, j’ai écrit une chanson. […] C’était très mélodique, et ça m’a donné une idée d’orientation en quelque sorte. [...] J’ai donc écrit deux, trois chansons assez rapidement, puis j’ai fait une longue pause à cause des tournées. [...] J’ai continué à écrire, et d’un coup, je me suis retrouvé avec un album sous le bras, ce qui conduisait à l'idée, d’un point de vue professionnel, d’entrer en studio pour enregistrer »*. D'après ce qu'il nous dit, chaque morceau semble avoir été créé un peu en dilettante, sous le coup d'une impulsion passagère. Malheureusement, ce mode de composition ne tient pas compte de la cohérence finale d'un disque. Le plus inquiétant, qui ne figure que sur l'interview complet, reste les commentaires du Suédois sur sa musique qui se résument presque à “J'ai bien aimé quand je l'ai réécouté après, c'était sympa ce morceau”. Comment créer un haut standard de musique si l'on ne vise pas plus loin qu'un plaisir banal ?

Plus les pistes s'écoulent, plus l'auditeur demeure partagé entre enthousiasme et désolation, car Pale Communion est assez inégal. Certains titres comme “River” ou “Faith in Others” tirent franchement l'album par le haut, malgré ce problème d’identité musicale qui s'accroche aussi à eux. En revanche, les violons un peu ridicules qui débutent “Voice of Treason” sont à placer avec les rares mauvaises idées d'Akerfeldt. Ce ne sont d'ailleurs pas les idées (mauvaises ou bonnes) qui réduisent généralement la qualité de la musique, mais leur exploitation. Tout semble trop surchargé, noyé sous un calcul hermétique. Ce qu'Akerfeldt avait gagné en chaleur par l'enregistrement, il le perd un peu dans la complexité de ses compositions. Heureusement, les très belles parties de chant qui foisonnent dans chaque morceau sauvent l'ensemble de la déchéance et donnent à entendre le frontman dans sa meilleure forme.

Vous l'aurez compris, Pale Communion est une œuvre profondément imparfaite. Pourtant elle est loin d'être mauvaise et dans l'absolu reste plutôt bonne. Dans ce désordre sans nom, “Elysian Woes” et “Faith in Others” s'imposent tous deux comme des sommets dans la carrière du groupe. C'est d'ailleurs une des rares qualités dans ce nouvel opus par rapport à son prédécesseur, que de pouvoir citer des morceaux qui feront date. Cependant, même la présence de Wilson au mixage (et sur la musique) ne pourra sauver cet album car le curseur demeure finalement placé bien bas pour quelqu'un comme Akerfeldt, un homme qui a décidément les moyens d'écrire un monument. On attend toujours la mouture capable de pouvoir rivaliser avec la beauté noire et intimiste de Damnation ou la finesse d'Heritage, car si Opeth reste sur cette voie, il faudra beaucoup plus que ça pour qu'il devienne au progressif ce qu'il était au métal.

Le veut-il seulement ?

* Interview de Mickael Akerfeldt sur La Grosse Radio (http://www.lagrosseradio.com/metal/webzine-metal/interview-metal/p9772-mikael-akerfeldt-tete-pensante-de-opeth.html)


Rédigé par Luc le 02/09/2014
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