Titres
Musiciens :
Adam Holzman - claviers
Marco Minneman - batterie
Guthrie Govan - guitares
Nick Begs - basse
Ninet Tayeb - chant
Theo Travis - flûtes, saxophone
Dave Gregory - guitare
Chad Wackerman - guitare
Kathrine Jenkins - paroles
le London Session Orchestra - orchestre
le Cardinal Vaughan Memorial School Choir - chorale
En 2015, Steven Wilson s’essaye au difficile exercice du concept album. Après avoir abandonné Porcupine Tree pourtant au sommet de sa gloire et sorti deux extraordinaires albums qui ont fait trembler le monde du prog et de l’alternatif, il revient avec Hand. Cannot. Erase. et une puissante promotion commerciale signée Kscope.
Steven, c’est l’homme qui remet à l’honneur le prog classique avec The Raven That Refused To Sing, qui remixe Yes, Jethro Tull et King Crimson, c’était No Man et bien d’autres projets également. Touche-à-tout, boulimique de travail, nous le voyons partout sur la scène progressive. Alors fatalement, son dernier bébé, tout le monde l’attendait de pied ferme.
Hand. Cannot. Erase., c’est l’histoire d’une femme, de sa vie, d’un amour, une vie pleine de souvenirs et de regrets, d’amertume. Un magnifique livret recelant de beaux textes, des musiciens talentueux, une chanteuse, que faut-il de plus pour composer un chef-d’œuvre ?
La première surprise viendra de la production. L’album possède un spectre dans les aiguës, peu de médiums, pas de basses. Le son terne, particulièrement sur “3 Years Older”, dérangeant sur du bon matériel, désagréable en AAC sur une mini-chaîne. Cela ne va pas en faciliter la découverte. Steven l’avait annoncé, l’album ne sera pas progressif. Trip hop, alternatif, pop avec quelques passages plus 70’s, nous revenons à son premier album solo Insurgentes ou à No Man par moment, autant dire d’emblée que ça ne m’emballe pas trop.
J’ai eu beaucoup de mal à rentrer dans la musique, même aidé des paroles. En attendais-je trop ? A la première écoute, seul “Perfect Life”, le titre trip hop parlé fait battre mon cœur. Dans ces moments là, il faut espérer qu’il s’agit d’un mauvais jour pour écouter de la musique et que demain apportera un nouvel éclairage.
Après six écoutes et une première déception, la sensation de malaise sonore persiste. Quelques titres commencent toutefois à sortir du lot. “First Regret” ne présente guère d'intérêt d’autant qu’il faudra pousser le potentiomètre à fond pour entendre le début. “3 Years Older” à peine plus. Il débute de manière très rythmée déjà entendue chez Marillion pour glisser sur une une ballade doucereuse entrecoupée d’explosions sonores disproportionnées qui se poursuit par du progressif instrumental bruyant et déplacé. “Hand Cannot Erase”, est son contraire, très simple et pourtant à mon goût bien meilleur. “Perfect Life” frise la perfection, écoute après écoute, il conserve la même magie, Kathrine nous parle d’une rencontre et d’une amitié qui vire à l’amour entre deux adolescentes sur du trip hop avec Steven qui arrive au chant à la fin sur un refrain envoûtant. Du piano et du chant lancent “Routine” puis la voix de Ninet Tayeb se rajoute, une belle surprise. Trois minutes épurées avant un break qui nous conduit à une section progressive éthérée qui renoue avec les grands classiques. Mais la bête explose et encore une fois c’est un peu too much. Le pêtage de plomb de la femme au foyer, seule depuis que les enfants sont partis ? Pourquoi pas mais bon cela manque de subtilité. Avec “Home Invasion” Wilson revient à la technicité de The Raven. Le contraste surprend. La musique colle bien au thème abordé (l’addiction à Internet), rien à dire jusqu’au moment où arrive le chant, car là je me perds. Le titre perd de sa cohérence et devient confus, mélangeant toutes sortes d’influences contradictoires. Vient alors un instrumental intitulé “Regret #9” avec un solo de Moog par Adan suivit d’un solo de guitare de Guthrie. Le problème est de comprendre ce que cette pièce signifie au milieu du reste. “Transciense” n’est pas transcendantale justement. Un petit interlude où Steven est de tous les instruments. “Ancestral” est le titre le plus ambitieux avec treize minutes et quelque de musique. Il renoue avec le progressif. Flûte, violons, voix vocodée et un refrain magistral suivi d’une grande section instrumentale dantesque. Pas mal du tout. “Happy Returns” possède un texte poignant sur une musique passe partout. Mais quand Steve y va de ses “touloulou lalada” mes poils se hérissent. “Ascendant Here On…” clôt “Happy Returns” en douceur.
Dire que je suis déçu est un doux euphémisme. C’est vrai qu’après The Raven il semblait difficile de renouveler l’exploit. Que Steven change de genre ne me dérange pas, au contraire, il aurait créé un mix pop trip hop j’aurais été aux anges. Qu’il construise un album bancal, si beaucoup plus. Mon impression générale, c’est que Wilson a voulu ménager la chèvre et le choux. Presque chaque morceau possède un passage pop de trois minutes pour en faire un single, le morceau complet lui semble là pour réjouir les prog heads qui restent son fond de commerce. Oui l’attente était énorme pour cet album, trop sans doute et Steven Wilson déçoit par cet assemblage qui force le ton mal à propos, souvent pour re dynamiser ce qui n’avait pas besoin de l’être. Hand. Cannot. Erase. contient de très belles choses, “Perfect Life”, “Routine”, “Regret #9” mais l’album me semble mal ficelé et je n’arrive pas à rentrer vraiment dedans. Alors non, je ne vous le recommanderai pas.
Neoprog
J’entends déjà les prélats du prog pousser des cris d’orfraies en comparant Hand. Cannot. Erase. avec son prédécesseur, The Raven That Refused To Sing (and other stories)… Oui, HCE est différent de The Raven, c’était là l’intention de Steven Wilson et il l’a magnifiquement réalisée.
Si The Raven était un hommage voulu au rock progressif et singulièrement à celui des années 70, HCE est du pur Steven Wilson – si tant est que cela existât –, coloré des multiples facettes du maestro. C’est un pari osé que celui de possiblement s’aliéner une partie du public des aficionados et de la critique dans un contexte culturel où l’on en vient assez vite à honnir ceux que l’on a adorés hier… Sans doute, Steven Wilson s’en moque-t-il, et puissions-nous lui donner raison, tant il prouve avec ce nouvel opus qu’il est le détenteur et le guide d’une véritable démarche personnelle et artistique.
HCE est un album qui a un fil directeur, plutôt qu’un concept : le déroulement de la vie d’une femme, qu’importe son nom finalement, et qui, alors qu’elle a tout pour vivre une vie pleine et épanouissante, disparaît dans son appartement sans que personne ne s’en inquiète pendant trois ans… Wilson a pris ce fait divers et en a fait un documentaire sur la vie de cette femme, en extrayant les évènements et les sentiments qui en font l’existence de bien des personnes, et peut-être même de certaines et certains d’entre nous… Bien entendu, les thématiques de l’aliénation, de l’isolement, de la mélancolie sont omniprésentes sur ce disque, mais pas seulement, ce qui évite à HCE d’être un disque trop sombre.
Au lieu de faire un album unitaire, plutôt confortable dans ses brillants aspects jazz et prog à l’image de The Raven, cette fois-ci, Steven Wilson a puisé dans tous les registres de sa propre carrière – individuelle comme collective – et dans bien des influences et des écoutes de l’auditeur attentif qu’il demeure – d’où la relative discrétion des saxophones et flûtes de Theo Travis. Ainsi, on entendra à différents moments aussi bien les Who, Kate Bush, que des entrelacements de guitares que ne sauraient renier Steve Hackett et Mike Rutherford. Les musiciens de The Raven sont là, poussés dans les retranchements que leur permettent leurs qualités et la volonté de Steven Wilson. Ainsi, si Nick Beggs et Marco Minnemann forment une paire rythmique difficilement comparable à l’heure actuelle – complétée par des parties de basse de SW que Chris Squire ou Paul McCartney auraient pu signer –, Adam Holzman aux claviers et Guthrie Govan apparaissent dans des registres qu’on leur connaissait peu. Ajoutez des chorales et des voix féminines de toute beauté et vous aurez une petite idée du casting !
Mais, c’est la musique qui est majeure sur ce Hand. Cannot. Erase., un album qui, au final, ne se raconte pas. Ecoute après écoute, vous découvrirez bien des choses, serez surpris par des petits détails qui en font la beauté… Et qui plus est, il y a ce son ! Oh, je sais, d’aucuns vont considérer qu’il y a bien à redire de ce côté-là. Eh bien, au risque de leur déplaire, je crois que dans ce domaine également, Wilson fait montre de tout son talent. Exit le mastering et les compressions qui écrasent tout. Les sons sont pleins, les variations de volume et de puissance sont audibles – il vous faudra d’ailleurs sans doute trouver le juste niveau qui sera à votre convenance.
J’avais quelques craintes avant l’arrivée de cet album. Elles ont été balayées très rapidement. Tout y est juste, adapté au propos, magnifiquement interprété et enregistré. HCE est un opus d’une actualité époustouflante dans son traitement musical, visuel et littéraire – les textes écrits à partir de la musique sont magnifiques. A l’instar de quelques compositeurs classiques, Wilson peut vous arracher des larmes de joie sur un passage triste, tout comme l’inverse.
Au risque de ne pas me faire comprendre, Steven Wilson, avec Hand. Cannot. Erase., se révèle comme le plus romantique des postmodernes, à moins que ce ne soit le plus moderne des post-romantiques… Il est ainsi quelques disques que l’on aimerait avoir soi-même conçus : The Raven That Refused To Sing (and other stories) faisait partie de ces albums-là. Steven Wilson, sous son seul nom, vient d’en ajouter un second : Hand. Cannot.Erase. "Remember, it’s only the start."
Togo Chubb
Site web :http://www.stevenwilsonhq.com/
Facebook : https://www.facebook.com/StevenWilsonHQ
Vidéo :
Comme dirait cette grande exégète musicale qu’est Jennifer (sic ! est-il utile de le préciser ?) « il y a trop de couleurs musicales pour adhérer totalement au propos ».
Le 13/03/2015 par CM
Album décevant pour ma part. C'est quand même un peu de la trop hop du pauvre par moment...
Le 12/03/2015 par Lpus
Chaque avis est respectable pour ma part je penche plus pour celui de Togo
Le 11/03/2015 par JN
Pas fan des précédentes oeuvres de Wilson en solo. Je suis pleinement convaincu par celle ci
Le 11/03/2015 par JN