Titres
Dave Kerzner [clavier], Fernando Perdomo [], Nick D'Virgilio [batteur]
Membres invités :
Guitare : Steve Hackett, Francis Dunnery, Russ Parrish, Colin Edwin
Moog : Keith Emerson
Batterie : Simon Phillips
Voix, chœurs : Durga McBroom, Lorelei McBroom, Jason Scheff, David Longdon, Heather Findlay, Emily Lynn, Lara Smiles, Maryem Tollar, Christine Leakey, Ana Cristina
Tablas : Satnam Ramgotra
Des invités prestigieux, une pochette intrigante, un concept-album dans lequel l'exploration de l'espace et l'avenir de la civilisation semblent être abordés, un double CD contenant 2 heures et 20 minutes de musique (!), qui n'aurait pas l'eau à la bouche en découvrant un tel menu ?
Si vous ne connaissez pas David Nathaniel Kerzner (de son nom complet), et si vous suivez l'actualité du rock progressif, vous avez sûrement entendu parler du groupe Sound of Contact et de l'album Dimensionaut, sorti en 2013 (d'ailleurs chroniqué dans nos colonnes). Dave officiait (et apparemment officie de nouveau) dans ce groupe en tant que claviériste aux côtés de Simon Collins dont, soit dit en passant, la signature de voix vous permet d'identifier sans ambiguïté le père. Dave fait partie de ces touche-à-tout toujours impliqués dans plusieurs projets à la fois, et qui ne peuvent rester en place : musicien, chanteur, compositeur, producteur, à la tête d'une société de production de banques et de sons électroniques, il a monté le groupe Mantra Vega en 2014 avec Heather Findlay, chanteuse de la formation Mostly Autumn de 1997 à 2010, et qui fait aussi vibrer ses cordes vocales dans ce New World. Je vais passer sous silence le nombre impressionnant de personnes avec lesquelles Dave a collaboré ou collabore toujours dans le monde musical, la liste suffirait à elle seule à remplir cette chronique. Citons notamment, et entre autres, ELP, Steven Wilson, The Who, Genesis, Madonna, Smashing Pumpkins.
New World est en fait le premier album (autoproduit) de la carrière solo de “Squids” comme il aime à être appelé. L'explication de ce surnom vient peut-être de ses cheveux-tentacules, mais cela n'est qu'une supposition de ma part. Deux versions de l'album sont sorties : la version “classique”, dévoilée en décembre dernier, compte 11 titres pour 1 heure 27 minutes de musique. L'édition Deluxe, sortie en Février, a été, quant à elle, enrichie de 12 titres supplémentaires. Pour cet album, et selon le vieil adage de “Qui se ressemble s'assemble”, Dave s'est attaché les services d'un autre touche-à tout musical, Fernando Perdomo, qui officie ici à la guitare, mais qui a aussi d'autres activités en tant que multi-intrumentaliste, chanteur, producteur et compositeur. Enfin Nick D'Virgilio s'occupe de faire chauffer les fûts sur cette production assez dantesque. Est-il vraiment besoin de le rappeler, Nick, membre actuel de Big Big Train, a fait partie de Spock's Beard, Genesis, et a aussi effectué quelques apparitions dans les albums de Jordan Rudess, Fates Warning, Cosmograf. Voilà pour les personnages principaux.
Vous avez encore un peu de temps ? Alors passons aux membres invités qui interviennent dans les différents titres. Dans le désordre nous avons, aux guitares, Steve Hackett - je ne vous ferai pas non plus l'affront de le présenter - qui fait chanter ses cordes sur les deux grands titres ouvrant et fermant cet album, Francis Dunnery, frontman de la formation It Bites de 1982 à 1990, Russ Parrich, guitariste actuel de la formation métal Steel Panther, ainsi que Colin Edwin, bassiste de Porcupine Tree. Au clavier, nous avons l'inoxydable Keith Emerson (The Nice, ELP), qui tire encore et toujours de son Moog de belles volutes de sons enjoués.
A la batterie, Simon Phillips, après 20 ans de bons et loyaux services, a quitté Toto l'an dernier. Simon a joué avec de nombreux artistes. Citons pêle-mêle et non exhaustivement Asia, Mike Oldfiled, Camel, Mike Rutherford.
La liste des intervenants au chant et aux chœurs est aussi impressionnante: citons les sœurs McBroom qui ont accompagné Pink Floyd dans les années 90, les chanteurs de Chicago, Big Big Train, ainsi que les chœurs du Tribute Band Australian Pink Floyd.
Ajoutons enfin Nick Mason (Pink Floyd) et Alan Parsons comme intervenants dans la production, et la liste est (presque) complète. Ne vous inquiétez pas, je vais bientôt parler de la musique. En fait je pense que je vais glisser un petit mot de remerciements à Dave, parce qu'avec des invités aussi nombreux, ça me fait une sacrée revue de quelques biographies…
Alors, qu'a-t-il dans le ventre, ce monstre de musique et d'artistes ?
J'avoue que le sujet du concept-album, sorte de grande fresque, m'a attiré au premier abord. Force est de constater que je n'ai (une fois encore) pas compris toutes les subtilités. On parle d'un homme seul, perdu dans un désert, qui doit marcher à la recherche de quelque chose, et trouve enfin des signes de vie - un biodôme - où la civilisation vit sous une grande bulle. Il semblerait que le vaisseau de cet homme se soit écrasé sur cette exo-planète, après un long voyage interstellaire au cours duquel il voulait juste aller visiter les étoiles. A moins qu'il ne soit arrivé d'une autre planète, et découvre une Terre devenue inhospitalière et désertée par les hommes… Bref. C'est aussi l'occasion pour notre héros d'effectuer une petite introspection : une culpabilité latente, des mensonges sur les raisons de son départ, deux êtres qui se sont éloignés, un amour perdu dont il n'a jamais eu la clé d'accès à son jardin secret.
Sans surprise, dès le début, c'est très très floydien. J'y ai aussi entendu des passages au clavier à la Genesis, quelques motifs de guitare à la Marillion, ici quelques nappes électroniques à la Silhouette, là des airs de Alan Parsons Project.
Alors, au risque de me faire des amis, je dirais qu'il ya du bon et du moins bon.
Le bon, c'est la variété des ambiances sonores qui sont savamment distillées dans l'album. Style épique et futuriste dans “Stranded” : des machines, des robots, ainsi qu'un gros choc à l'atterrissage d'un module spatial. Ambiance de tarmac et de hall aéronautique dans “The Traveler”. Ambiance de foule et de civilisation futuriste, d'embarquement dans une navette (on pense très fortement ici à Möbius Slip). Ambiance de mer étoilée, de paillettes dorées et de vent cosmique dans “Ocean Of Stars”. Ambiance de désert battu par le vent et progressivement envahi par une armée à la Star Wars dans “Redemption”. En tout cas Dave sait vraiment manier à la perfection les effets sonores et toutes les subtilités du “Sound Design”.
Le bon, c'est aussi le premier et dernier titres, mini-opéra aux multiples rebondissements de rythmes, aux claviers très présents, aux interventions lumineuses de guitares.
Le bon, c'est “Into The Sun”, qui commence comme une ballade, en un rythme qui vous berce tranquillement, une tension qui monte ensuite graduellement dans un maelstrom spatial de moteurs de réacteurs, de notes frénétiques de guitare, de conversations d'astronautes (pour la petite histoire ce sont de vrais extraits de transmissions de la NASA).
Le bon, c'est “Crossing Of Fates” et sa superbe construction : quelques accords célestes de guitare, un piano qui distille un petit suspense, des cuivres et des cymbales qui, tels un grand coup de gong, vous réveillent et vous sonnent, une batterie qui alterne silences et martèlement sonore, les nappes de Moog de Keith Emerson qui s'invitent, une relance, un beau contrepoint au clavier. Un véritable bijou. J'oserais bien la comparaison avec l'introduction de “Eye In The Sky”, mais bon…
Le bon, c'est aussi “Theta”, qui commence avec une guitare marillionesque, et continue sur des vocalises et des percussions indiennes de tablas, tandis que guitares basse et électrique se greffent sur ce rythme frappé.
Le moins bon, ce sont les rythmes lents, à l'instar de “In The Garden”, qui peuvent lasser assez rapidement les moins patients d'entre vous, ou qui, comme dans “Nothing”, par leur répétition assez longue, peuvent carrément être ressentis comme poussifs ou trop "plan-plan".
Le moins bon, ce sont les voix et les chœurs trainants, à la manière de “Recurring Dream”, qui égrènent et font durer des “hahahaha”, des “houhouhou”. Les voix sont belles, ce n'est pas le problème, mais j'ai eu quelquefois un sentiment de remplissage malvenu.
Le dernier “moins bon” est plutôt lié à la durée totale de l'album. Vous est-il arrivé lors de l'écoute d'un album d'avoir le sentiment que tous les titres se ressemblent, et que la musique est peu ou prou la même tout au long de l'œuvre ? Il a des chances pour que cela vous arrive si vous écoutez cet album d'une seule traite (surtout vers les 2/3), ce qui peut se comprendre :140 minutes, c'est un peu long pour que ses tympans restent concentrés tout le temps sans une perte fatale d'attention et une lassitude qui s'installe. C'est normal, et c'est très honnêtement ce qui m'est arrivé certaines fois, même si je comptabilise à l'heure de cette chronique une bonne dizaine d'écoutes.
Etant donné que les titres que j'ai trouvé les meilleurs sont dans la version Classique, je conseille donc cette version pour les curieux et les amateurs du style floydien. La version Deluxe est à réserver pour les inconditionnels du genre.
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