Titres
Formation en 2005
Thomas Clarman [clavier,flute], Robert Gozon [clavier], Ulf Jacobs [batteur,percussions], Enrico Florczak [guitariste], Thilo Brauss [clavier]
Invités :
Andy Tillison : claviers
Thilo Beauss : claviers
Marek Arnold : saxophone
Voici le nouvel album de ce quatuor allemand, emmené par le multi-instrumentiste Thomas Klarmann, entre autres, et dont la musique si particulière, si soignée, convie les délices 70’s de l’école de Canterbury, réinjectés dans un écrin néo-prog du meilleur effet. Argos détonne ainsi dans le paysage prog de ces années 2010, depuis déjà maintenant quatre albums, avec ce très beau A Seasonal Affair. Ce disque se démarque pourtant de ses prédécesseurs (le splendide Cruel Symmetry, dernier en date avant celui-ci) de par sa tonalité particulièrement automnale, son humeur mid-tempo, et son chant plus que jamais en demi-teinte. La pochette, crépusculaire, en annonce déjà superbement la couleur. Une fois de plus le groupe y fait montre d’une grande délicatesse mélodique (3, 5, 6, 9), d’un raffinement harmonique de tout premier ordre, survolant de très haut le paysage actuel.
Comme d’habitude les lignes de chant sont souvent magnifiques, au timbre très dépouillé façon Camel ou Caravan, même si d’aucuns le jugeront sans éclat (c’est vrai que pour ceux qui aiment le lyrisme, passez votre chemin !)… Tel est le choix artistique d’Argos, telle est sa pleine cohérence, et ce depuis ses débuts : vouloir se rapprocher de la voix humaine, la plus simple, la plus naturelle du monde, avec une véritable humilité dans le propos, comme si au fond c’était un peu nous qui chantions. C’est là l’esprit de cette fameuse école de Canterbury : seule compte vraiment la musique, éclipsant tel ou untel, et c’est tant mieux !… Pas d’autosatisfaction, pas de complaisance. Une certaine honnêteté donc.
La panoplie des noires et des blanches est, comme à l’accoutumée, très analogique, un régal pour les 70’s, avec ses orgues vintage (Hammond, mini-moog, Mellotron décliné) ou bien ses sons très naturels et acoustiques, comme le piano et la flûte (7, 8), le hautbois ou le basson (7, 3)… Mais les deux claviéristes proposent aussi quelques sonorités plus contemporaines, entre électro, nappes capiteuses, froides, sonorités modernes et planantes… C’est là leur grand talent : marier ancien et nouveau.
La guitare, on l’a dit, est parcimonieuse, mais très technique parfois (4), entre jazz rock et métal, sachant faire décoller au bon moment telle ou telle séquence (magnifique final clôturant l’album). Elle offre notamment une intro acoustique de toute beauté (6), comme on en fait hélas de moins en moins, voire plus du tout !
La section rythmique (basse-batterie) est une fois de plus impeccable, procurant aux compositions une assise de tout premier ordre, posée tout autant que groovy et énergique si nécessaire (2, 4, 6, 10, 11)…
Elégance, finesse, souplesse, nuance, gravité, sont les maîtres mots de A Seasonal Affair. Une fois encore les arrangements sont très soignés, précieux, ne souffrant d’aucune vaine démonstration de virtuosité (à part peut-être la nouvelle guitare au jeu heavy, un peu clinquante parfois dans ses rares soli). Bref, lorsqu’on tient là des créateurs aussi appliqués et doublés d’interprètes si solides, le résultat n’en est que flagrant. Les textes chantés en anglais évoquent la trace, parfois fugace, que la vie laisse en nous, le temps inexorable qui altère ou renforce nos souvenirs, l’amertume parfois, ou bien le surgissement du bonheur oublié, autant de thèmes tournés vers l’intime… L’ironie s’est un peu éloignée sur cet opus, lui conférant donc un supplément d’émotion, et nous laissant la saveur d’un vin rare, qui mûrit avec les écoutes. Un disque peut-être un peu moins immédiat que les autres, gage de grande réussite ? Je le crois…
Les références évoquent tantôt King Crimson (4) pour l’énergie (ce disque n’en manque pas, je vous rassure !), Van Der Graaf Generator (5, superbe, avec piano et voix entremêlés), ou Flower Kings et The Tangent (6) pour les moments positifs et enjoués (que j’aime un peu moins). Le disque propose un instrumental (8), et s’achève sur un final splendide, lent, majestueux et bouleversé, offrant à la guitare un solo au lyrisme exceptionnel.
Les deux derniers morceaux proposent (en bonus de convenance) une relecture de deux pièces du premier album, avec le concours du nouveau guitariste. Intéressant, voire très bien, mais rallongeant peut-être exagérément la durée du disque. C’est un peu dommage, et ça casse un peu l’unité du nouvel opus… Un point de détail pour certains… Pour parfaire ce dessert de roi, on apprendra que Andy Tillison de The Tangent (ah ben voilà !) est de la partie, avec ses doigts, ainsi que deux acolytes, l’un au clavier, et l’autre au saxophone, ajoutant encore un peu plus de variété à l’éventail sonore.
Pour conclure, ce groupe, cher à mon cœur, propose là une nouvelle réussite, égalant certainement son prédécesseur (mon préféré), tout en proposant une couleur un peu plus émue.
Très bon album, pour les fans, et au-delà.
Facebook : https://www.facebook.com/pages/ARGOS/7061742082
Vidéo :