Titres
Formation en 1999
Guillaume Cazenave [composition,samples], Rémy Cazenave [], N. Edrudt [batteur], Marie-Christine Bonnefleur [], Nathanael Cazenave Bonnefleur []
Voici un projet français, en quasi solo, assez pharamineux, même si, au final, l’impression d’une semi réussite demeure… Guillaume Cazenave, en activité depuis 1999, est aux commandes de ce premier volet (un diptyque étant prévu) en tant qu’auteur (textes, thèmes, propos), compositeur, multi instrumentiste (guitares, programmation) et enfin interprète (chant). Rémy Cazenave (son frère?) tient la basse. Enfin, un troisième couteau est crédité au mastering: Pierre-Yves Marani, histoire de peut être dire que la mise en son tient aussi un rôle important dans ce disque, ce qui sera confirmé à son écoute.
Cazenave est un touche à tout; bordelais de naissance, il manie déjà plusieurs casquettes, en plus de celles décrites ci-dessus; il s’intéresse à la production, au graphisme, à la réalisation et au roman! Un artiste complet somme toute?... Encore faut-il faire preuve de constance et de profondeur dans la multiplication des travaux… Nous nous attacherons à n’aborder que la musique ici présente, avant d’essayer de faire la synthèse exhaustive de cet artiste.
Autant le révéler d’entrée, le postulat de départ de ce déjà quatrième disque est très intéressant, puisqu’il est présenté comme une sorte d’expérience: décliner l’alphabet en musique, ici de la lettre A à la lettre M, comme l’annonce son titre. On pense inévitablement aux voyelles de Rimbaud, à l’abécédaire de Prévert, ou aux défis ludo-littéraires d’un Georges Perec, autant de supports que la mise en musique livrerait à une poétique débridée. Sur ce point le travail visuel et littéraire de ce disque s’incarnent parfaitement grâce au livret; copieux, stylé, inventif, et décliné dans une tonalité rouge vif. Un très bon point.
D’un point de vue musical, cette oeuvre apparaît d’emblée comme singulière, développant une ambiance assez étonnante, croisement improbable entre symphonisme orchestral, lenteur et musiques cycliques, décoration électro, paysage neo prog et excentricité métallique, évoquant tour à tour Devin Townsend, Pink Floyd, ou Mike Patton.
Cazenave, dont les possibilités mélodramatiques au chant s’avèrent être un bel atout, égraine ainsi de son voile de gorge chaleureux ou caressant des grappes de mots, déclinant de la façon la plus large possible toute la complexité de notre état d’humanité. Sur le papier, ça marche très bien, on croirait reconnaître les explorations phonétiques et rythmiques d’une langue (ici l’anglais) qu’un Gainsbourg a su si bien magnifier… Le résultat est pourtant un peu mitigé, malgré l’investissement plutôt bluffant de son auteur, dû à une mise en son de la voix un peu cotonneuse, en retrait pour ainsi dire, fait de plus accentué par une prononciation un peu imprécise. Dommage, car sur ce point on se doit, d’autant si c’est dans une autre langue que la sienne, d’être irréprochable; la diction se doit d’être précise, si ce n’est incisive ou méticuleuse, en un mot tout doit être entendu. Peter Hammill, par exemple, est un mentor indiscutable en ce domaine. Alors dommage vraiment, car on attendait du coup beaucoup de ce travail, entre vocabulaire, phonétique, et sens, ce qui augurait de jeter sur nos canons musicaux préférés une lumière un peu neuve. Au final, on en est cantonné à tendre l’oreille, voire scruter le livret mesure après mesure, sur format digital…
Ceci étant dit, et les amateurs de textes dans la musique progressive étant finalement tellement rares, on peut choisir de se focaliser sur la musique et seulement. De ce point de vue, le rendez-vous est plus qu’honoré, tant on y constate un soin incessant des arrangements, une variété des mélodies, des ambiances très travaillées, d’une densité permanente (un peu trop sur la longueur), convoquant toute une palette de sons (piano, cordes, cuivres, bois, Hammond, nappes fantômatiques, habillages post industriels) et d’influences; Kurt Weil pour le chant, la demie teinte et la lenteur, le Floyd pour les soli de guitare et l’esprit psyché, en plus de celles évoquées plus haut. Un sentiment tout particulier s’échappe de AM, nous faisant naviguer à la fois dans l’intime et le grandiloquent, réunissant des éléments simples, à l’évolution plutôt linéaire, d’apparence dépouillés, mais truffés de petits breaks samplés (on pense à Regal Worm, mais de loin), et le tout majoritairement recouvert d’un manteau d’opéra… Les rythmiques sont un peu sages, adoptant jusqu’au bout un mid tempo qui soit vous donne l’impression d’un seul long et beau voyage, soit d’un immobilisme peinant un peu à convaincre sur la durée. Pour ma part, je penche pour la seconde option, tant finalement ces compositions auraient mérité plus de contrastes, de tempo différents, d’accélérations ou d’aération en fin de compte sur tout de même 66 minutes de musique. Pour tout dire, passé un certain temps, on ne sait plus tout à fait où on se trouve dans l’oeuvre, et vous serez bien embêté de devoir la reprendre dans ses détails, tant il sera difficile de distinguer telle pièce d’une autre, la constance stylistique devenant son propre défaut en quelque sorte… Pourtant, chaque morceau parle de lui-même, incroyablement produit, et bourré de talent, mais… Trop de densité tue la densité?… Alors peut être que voir trop grand peut conduire au vertige, un effet qui, non maîtrisé, peut aussi noyer l’auditeur.
Il est sans doute encore un peu tôt pour juger pleinement de ce travail, au demeurant remarquable par son ambition, sa personnalité, et son fourmillement de détails. La suite et fin est à paraître, inévitablement intitulée NZ, et qui éclairera (ou non) ce premier opus d’un sentiment d’achèvement. Saluons quoiqu’il en soit ce disque plus qu’honorable, et franchement prometteur.
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