Titres
Formation en 2014
Patrick Kieffer [chanteur], Alex Rukavina [clavier], Gilles Wagner [batteur], Michel Casadei Della Chiesa [bassiste]
No Name est mort, vive TNNE (The No Name Experience) !
No Name, groupe luxembourgeois né en 1988, a jeté l’éponge en 2011 après bien des remous et le départ de son chanteur, Patrick Kiefer, laissant dans son sillage 4 albums studio (et 3 compilations) fortement inspirés par Marillion notamment (ils ont ouvert pour Fish lors de la tournée “Return to Childhood” en 2006) et dont les 3 derniers furent publiés chez Angular (2) puis Musea (The Secret Garden, 1995 ; The Other Side, 1998 ; 4, 2006).
Notre chanteur se retrouva incidemment pour un titre sur le nouveau projet du clavier de NN, Alex Rukavina… pour finir par enregistrer tout l’album et donner naissance à TNNE, marquant l’évidente filiation entre les deux projets, mais avec de nouveaux musiciens.
Bon, ce “The Clock That Went Backwards” est clairement un album de néo-progressif (ça tombe bien, me direz-vous, vu le nom du webzine !). D’aucuns trouveront qu’ils ont déjà entendu des tonnes d’albums comme celui-ci (on ne leur donnera pas tout à fait tort) et que l’avenir est au post-prog (curieux renversement, isn’t it…)...
Eh bien oui, chers amis et néanmoins lecteurs (à moins que ce ne soit le contraire, voire l’opposé), TNNE n’est pas la révolution que vous espérez tant (la révolution tralalère, chantait Ferré), et là franchement, on s’en fout ! On s’en fout (en tout cas, je m’en fous, et il m’arrive de partager mes propres opinions) parce que “The Clock That Went Backwards” est tout simplement un excellent album !
Comme le suggère son titre, l’album tourne autour du thème du temps, tel que perçu par le narrateur (Kiefer ?), de la pendule qui ouvre “My Inner Clock” à la reprise version radio de “Circles of Life (edit)”.
Nos deux compères ont su s’entourer de musiciens talentueux (on a une très solide section rythmique par exemple) et a invité un saxophoniste fou, Fred Hormain, dont chaque intervention est un pur régal.
Cerise sur le gâteau, la production (Kiefer et Rukavina), le mixage et le mastering (MOS Recording Studios) mettent en valeur la galette en distillant savamment les ingrédients les meilleurs du genre.
OK, l’auditeur formaté dans le style entendra qui Marillion (époque Fish), qui Pendragon, Jadis, Arena, Clepsydra, RPWL, quelques références à Camel, etc.
Les mots (en anglais, on y reviendra) joliment tournés de Kiefer se posent sur des mélodies finement ciselées de Rukavina (sauf un morceau).
“My Inner Clock” ouvre le programme à la manière d’un titre récent de Pendragon avec accords de guitare plaqués et ligne mélodique d’une seconde guitare en fond. La voix se pose (un peu à la Yogi Lang de RPWL) sans artifice ni excès sur une rythmique mid-tempo où les claviers surgissent peu à peu, rappelant Clive Nolan ou encore Martin Orford… “My Inner Clock” nous parle d’un homme dont l’horloge interne (celle des sentiments) marque le début de la fin dans un monde inversé. Magnifique entrée en matière, simple et majestueuse !
Le court “Clairvoyance” voit le réveil de l’interrogation sur ce renversement non souhaité (“I never wanted to get into this situation”), sur fond de synthétiseur et de paroles naïvement parlées par de jeunes enfants (dont une certaine Kayleigh, on se demande pourquoi…) Un Fender Rhodes et une guitare cristalline accompagnent le chant doucereux de Keifer, doublé de chœurs harmonieux. La musique s’envole lentement avec le début enchaîné de “Around Angels and Devils”, morceau plus conventionnel, limite AOR, mais au refrain et à la mélodie envoûtants. Les cocottes de la guitare wah-wah de Michel Volkmann marquent finement les temps d’un côté, tandis que les changements de sons et les alternances du jeu de batterie de Gilles Wagner soutiennent une construction vraiment progressive avec des interventions guitaristiques mélodiques en soutien du chant (ah ce refrain sur la dualité ange/démon !) et les illuminations des claviers jouissifs de Rukaniva.
On ne peut reprendre son souffle puisque “Looking Back and Forward” suit sans transition. En fait, on a là un collage astucieux de morceaux qui pourraient être aisément séparés, mais le tout fonctionne agréablement et l’auditeur est pris dans les déferlantes clapotantes de TNNE. Ce morceau nous permet de mieux entendre la jolie basse de Claude Zeimes et d’apprécier les qualités vocales de Kiefer sur une construction proche de Jadis où Volkmann nous fait penser à Gary Chandler. Pas de démonstration abusive, mais des notes bien placées et harmonieuses.
On ne souffle pas pour l’entrée du morceau titre et instrumental avec le premier lâcher de guitare de Volkmann, bourré de feeling et d’une technicité irréprochable (Nick Barrett n’est pas loin). L’ensemble finit en douceur… Fin de la partie conceptuelle, peut-être inspirée de la nouvelle de science-fiction de Edward Page Mitchell : “The Clock That Went Backward” (1881).
Le piano fait une apparition pour introduire “Circles of Life” et l’entrée du saxophone de Fred Hormain. C’est ce duo qui structure le morceau et l’influence de RPWL se fait pleinement ressentir, avant que les réponses Hormain-Volkmann n’emportent la rythmique dans une accélération palpitante. De la bel ouvrage !
On arrive au morceau le plus enlevé (on dirait le Jadis de Photoplay), “Welcome To My New World” où les riffs guitare-basse font des ravages sur contrepoints de claviers (normal, la composition est du guitariste). Le thème et les paroles expriment au final la victoire de la lumière sur l’obscurité, marqué par des interventions guitare/sax puissantes !
“The Snow” qui termine véritablement l’abum (le morceau suivant n’étant qu’une reprise écourtée de “Circles of Life”). C’est la pièce la plus progressive de l’album dans sa construction et la variété de ses inspirations (le magnifique passage à partir de la troisième minute), de même que dans la beauté de son texte (“like a kind messengeer of dreams the snow covers me enteirely”). Et c’est sans compter sur les interventions diaboliques du saxo (entre John Helliwell et le regretté Dick Morrissey), les perpétuelles variations rythmiques et les enchaînements de soli ravageurs de la guitare aérienne et mordante de Volkmann.
“The Clock That Went Backwards” est un album court (46 minutes si l’on enlève la reprise finale), mais dense. Qui plus est, la présentation et l’artwork en sont soignés (bravo à Leszek Bujnowški).
On pourrait pinailler sur l’accent de Kiefer et le choix de l’anglais (il chantait en luxembourgeois sur certains morceaux de No Name et c’était une réussite), sur le côté un peu old school des sons de claviers, sur le fait que ces jeunes gens n’en sont plus à leur débuts, etc., etc., sur le concept rabattu ou le manque d’innovation de l’ensemble...
Je ne le ferai pas, parce que TNNE a réussi à me faire entrer dans son univers et que j’ai plaisir à remettre l’album sur la platine et à fredonner certains passages dans la rue, sous la douche… et même hier à cheval !
TNNE est tel le phénix de No Name : le groupe a trouvé un nom, un son, une identité...
Alors, si les critiques pinailleurs disent que ça n’en vaut pas la peine, Togo Chubb dit OUI : sautez sur cet album ravissant, agréable et bien fichu !